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Mais que vaut vraiment Koeman ?

Par Dave Appadoo (avec Javier Prieto-Santos)
7 minutes
Mais que vaut vraiment Koeman ?

Ce lundi soir (21h) face à Manchester United, l'entraîneur de Southampton va se mesurer à ce qui se fait de mieux chez les entraîneurs néerlandais : Louis van Gaal. L'occasion aussi de savoir ce que Ronald Koeman a vraiment dans le ventre. Car pour l'heure, l'homme à la frappe atomique reste une énigme.

Ce doit être profondément culturel : les Néerlandais trouvent toujours le moyen de se friter entre eux. Même en truandant à fond, Stéphane Meunier, aurait du mal à tourner l’équivalent des Yeux dans les Bleus à la sauce hollandaise. Prenez le cas de Ronald Koeman par exemple. Celui que l’on présente comme une bonne pâte, un type un peu bonnard, ne peut pas encaisser Louis van Gaal, et réciproquement. Les deux lascars se retrouvent ce soir à l’occasion du choc entre Southampton et Manchester United, et l’on attend déjà la poignée de main entre les deux managers. La brouille fête son dixième anniversaire, quand les deux hommes s’étaient côtoyés à l’Ajax Amsterdam. Koeman, alors entraîneur des quadruples champions d’Europe, n’avait guère apprécié l’intrusion dans son management du directeur sportif, ce bon Van Gaal. Comme lorsque ce dernier avait publiquement demandé à l’avant-centre ajacide, un certain Zlatan Ibrahimović, de davantage couper les trajectoires au premier poteau s’il voulait devenir un vrai buteur. Fou de rage, le Suédois avait néanmoins marqué comme ça au match suivant provoquant la célébration ostensible dans les tribunes de LVG, comme un message à la face du monde : « J’ai encore eu raison, une fois de plus » . Le coup de trop pour Koeman. Et une douce vengeance pour Louis van Gaal qui n’avait guère goûté l’arrogance de ce brave Ronald quand celui-ci l’avait assisté à Barcelone quelques saisons plus tôt. Ou quand la poêle se fout quand même du chaudron. Il n’empêche, Koeman peut bien l’avoir mauvaise, il a aussi conscience que face aux Red Devils, il va se mesurer à la référence quasi absolue en matière d’entraîneur. Une bonne occase pour s’étalonner, car tout le monde se demande : que vaut réellement Ronald Koeman sur le banc ?

La sainte trinité néerlandaise… deux fois !

Évidemment, il y a les résultats bruts de Southampton qui plaident actuellement en sa faveur avec une troisième place – avant le début de cette 15e journée – en forme de bras d’honneur à la Premier League, royaume supposé des puissants, suivez notre regard du côté de MU… Mais d’aucuns disent aussi que les Saints ont largement profité d’un calendrier jusque-là clément, que les choses vont se corser sérieusement en ce mois de décembre, ce que les deux derniers revers coup sur coup face à Manchester City et Arsenal semblent confirmer. Alors quoi ? Juste un opportuniste, ce Ronald Koeman ? L’affaire est évidemment plus compliquée. Car il faut se rappeler que le fringuant cinquantenaire a quand même dû composer avec une équipe proprement saignée l’été dernier, entre les départs de Lovren, Lallana, Lambert, Shaw, Chambers et la blessure longue durée du buteur Jay Rodríguez. Franchement, qui aurait misé la moindre piécette sur une présence de Southampton dans le Big Four après cela ? Hein ? C’est tout le savoir-faire de Koeman d’avoir su compenser ces départs en faisant venir des Pays-Bas des types aussi improbables que Pellè – dans ses valises à Feyenoord – ou Tadić (ex-Twente), véritables sensations de cette première partie de saison. Et d’avoir su taper du poing sur la table pour dire à Morgan Schneiderlin : « Tu la boucles et tu restes encore une saison ! » Suffisant, tout ça, pour dispenser un jeu assez efficace, sans doute un peu plus direct que du temps de Pochettino, mais finalement assez bien calibré pour les qualités de son effectif, solide techniquement et tactiquement, sans être virtuose. Mais au fond, faut-il s’étonner de cette adaptabilité de Koeman ? Car, rappelons que l’on cause ici d’un type passé dans les trois clubs majeurs des Pays-Bas en tant que joueur avant de rééditer cette prouesse en tant qu’entraîneur. La sainte trinité néerlandaise sur le terrain, puis sur le banc, qui dit mieux ? Une gageure quand on connaît les particularismes profonds qui distinguent ces trois entités (à la volée et en faisant très court : Ajax la puriste, Feyenoord la prolo et PSV les bourrins). Bref, un véritable 4×4, ce Ronald Koeman.

Le précepteur de Guardiola

D’ailleurs, preuve supplémentaire de son QI football très supérieur à la moyenne, le champion d’Europe 1988 et double vainqueur de la C1 – avec Eindhoven et Barcelone – avait été missionné au début des 90’s par Johan Cruijff en personne pour faire l’éducation tactique d’un petit joueur de la Masia qui s’intéressait de très près à la chose tactique. Son nom ? Pep Guardiola. Koeman faisait même chambre commune avec le milieu catalan pour parler jeu des heures durant. Efficace, visiblement. Fort de cette confiance accordée par Johan 1er, fort de son aura de buteur providentiel sur coup franc lors de la mythique première victoire de Barcelone en Ligue des champions (1992 face à la Sampdoria), Koeman s’était un peu pointé avec le boulard pour assister Louis van Gaal sur le banc de « son » Barça. Et peut-être aussi que le patator batave avait fait preuve de cette même arrogance lors de son passage cataclysmique à Valence une dizaine d’années plus tard. Car son expérience chez le pensionnaire de Mestalla figure une vraie tache sur le CV de Koeman. Bien évidemment, comme souvent, tout n’est pas de la faute d’un seul homme. En 2007, Valence était en crise, institutionnelle et économique, avec une direction souhaitant purger l’héritage vieillissant et coûteux des années Benítez. Et ce brave Koeman va servir de fusible en faisant le sale boulot. Car en écartant des monuments comme Albelda, Angulo ou Canizares, sans la moindre explication, l’ancien défenseur central va se mettre à dos tout le club : joueurs, supporters et journalistes, et tout ça dans l’indifférence de ses dirigeants. Javier Arizmendi, ancien international espagnol, alors à Valence, nous raconte cette situation ubuesque. « Il y a rapidement eu une fracture entre le public et Koeman. Dans le vestiaire, ce n’était pas simple non plus, il ne faisait pas l’unanimité non plus à cause de cette décision. Il y avait beaucoup de tensions. J’étais jeune à l’époque, je n’avais donc pas mon mot à dire, mais je me souviens très bien qu’après les entraînements, j’allais au tribunal pour témoigner. Les joueurs écartés avaient porté plainte contre le club, et d’autres joueurs de l’effectif et moi étions pris dans cette situation inconfortable. On devait sauver le club, travailler avec Koeman et, d’un autre coté, on se retrouvait au tribunal… C’était délicat. »

Une poupée géante à son effigie brûlée

Curieusement pour un joueur passé au Barça et ses méandres, Koeman n’avait pas mesuré la complexité politique d’un club comme Valence. Bien décidé à appliquer ses principes disons très néerlandais, RK avait misé sur l’audace et la technique (là encore un pied de nez au style plus austère hérité de Benítez) avec des jeunes comme David Silva ou Juan Mata. Mais dans un tel contexte, le pari était perdu d’avance, malgré une Coupe du Roi arrachée on ne sait trop comment, quelques jours avant de se faire virer suite à une raclée ramassée en Liga par Bilbao (1-5). D’ailleurs, Arizmendi ne se souvient guère d’une patte particulière de son ex-entraîneur dont une poupée géante à son effigie avait été brûlée cette saison-là, lors de la fête locale annuelle, comme personnalité la plus détestée de l’année à Valence. « Dès qu’il est arrivé, il a mis l’accent sur le travail avec le ballon. Il insistait beaucoup sur les combinaisons, la possession du ballon. Koeman a sans doute été influencé par toutes ses années passées avec Cruijff. À Valence, son adjoint était Tonny Bruins Slot, qui avait été l’un des adjoints de Cruijff au Barça. Au niveau de la philosophie, Cruijff et Koeman se ressemblent, mais je pense qu’il accorde plus d’importance sur le physique que Cruijff. À Valence, il nous a fait cravacher. Quelles sont ses qualités de coach ? On n’était pas dans une situation ou l’on pouvait vraiment faire des conclusions sur son apport à l’équipe. Valence était dans l’urgence, et l’urgence en football, ce n’est pas bon… À vrai dire, je ne suis pas surpris de la bonne saison de Koeman, parce qu’il est arrivé dans un club très stable. À Valence, il était plus dans l’improvisation, alors qu’en Angleterre, il a trouvé une base de travail sur laquelle partir. » Reste à savoir si Koeman survivra à une série de très mauvais résultats. Car le paradoxe est là : son impeccable début de saison, auquel personne ne songeait au coup d’envoi en août, pourrait bien se retourner contre lui si Southampton rentrait salement dans le rang. Et ce goût serait encore plus amer encore si ce recadrage était signé Louis van Gaal ce lundi soir.

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