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Mais que s’est-il vraiment passé lors de Lens-PSG ?

Par Aymeric Le Gall
Mais que s’est-il vraiment passé lors de Lens-PSG ?

Le match entre Lens et le PSG au Stade de France a été le théâtre d'un drôle de ballet entre la police, les stadiers et quelques centaines de supporters du club parisien qui ont été bloqués aux portes de l'enceinte dyonisienne alors qu'ils étaient en possession de billets valables pour le match. Enquête sur une soirée pas comme les autres au Stade de France.

À l’occasion de la 10e journée de Ligue 1 entre Lens et le PSG, le Stade de France est joliment garni. Selon les chiffres officiels, pas moins de 70 120 spectateurs ont le privilège d’assister à une rencontre forte en émotions. Pourtant, l’affluence réelle était amputée de centaines de supporters parisiens contestataires, auxquels il faut ajouter de nombreux autres supporters, dont des pères de famille avec enfants venus voir de près les stars du PSG, qui n’ont pas pu entrer dans l’enceinte. Les indésirables du Parc des Princes, en tout cas ceux qui avaient fini par pouvoir acquérir des places pour le match, s’étaient retrouvés à la gare du RER B de la plaine Saint-Denis quelques heures avant le coup d’envoi de ce match. Heureux de pouvoir enfin assister à un match de leur équipe, ceux-ci avaient même lancé plusieurs appels au rassemblement sur les réseaux sociaux. Les voilà donc réunis à quelques encablures du Stade de France afin de se diriger ensemble vers l’arène dyonisienne. Selon de nombreux témoignages concordants récoltés par nos soins, l’ambiance reste festive et sans le moindre heurt. En chemin, ce bruyant cortège se fait escorter dans le calme par un cordon de CRS. Jusque-là, rien que de très normal.

Des témoignages concordants

La suite en revanche… Au lieu d’être accompagnés par les forces de l’ordre au pied du stade, les supporters du PSG ont la surprise de se voir bloqués dans une petite rue adjacente au Stade de France. Parmi les nombreux témoignages que nous avons pu récolter, concordant tous quant à la chronologie et à la nature des événements, retenons celui de Lucas* : « Nous sommes arrivés gare de Saint-Denis-La Plaine vers 16h30. Progressivement, le nombre de personnes a augmenté, tout comme le nombre de CRS. Vers 19h15, le cortège dans lequel je me trouvais s’est élancé calmement et uniquement en chantant. Les CRS nous ont alors fait faire plusieurs détours dans les rues adjacentes au stade sans jamais nous en approcher. Vers 20h15, craignant de louper le début du match, mes deux amis et moi-même avons décidé de sortir du cortège pour nous rendre à notre tribune et là… impossible ! Un policier m’a retenu par l’épaule et m’a remis dans le cortège sans la moindre explication. Les policiers qui nous encadraient, auprès de qui je ne nourris aucune animosité particulière, nous ont indiqué qu’ils avaient reçu des consignes et que nous sortirions 10 par 10. Certains ont même dit qu’ils comprenaient et défendaient notre point de vue… Le tout s’est passé dans une ambiance très calme, sans incident à signaler, si ce n’est des gens qui pissaient dans la rue, ce qu’on ne peut pas vraiment blâmer vu les circonstances. »

Balades dans les rues adjacentes

Les raisons invoquées ? Elles divergent selon les sources. Certains policiers ont expliqué aux supporters que leur rassemblement était une manifestation non planifiée, et donc, de fait, interdite. D’autres en revanche ont simplement expliqué que les ordres venaient « du PSG » . « Certains CRS semblaient tout de même compréhensifs, raconte un autre témoin présent sur place ce soir-là. Ils ont vu que nous n’étions pas des voyous, mais des simples supporters, ils ont cependant dû obéir aux ordres. » Puisqu’il n’y avait a priori aucune raison de les empêcher d’assister à la rencontre, ces centaines de supporters pensent que les choses vont rentrer dans l’ordre. Finalement à 20h30 (l’heure du début de la rencontre), rien n’évolue. Le mécontentement montant, les policiers décident finalement de libérer – car il n’y a pas d’autres termes à employer – les supporters par petits groupes, après une dernière vérification des billets et des cartes d’identité. « Vers 21h15, un CRS m’a demandé ma place et ma carte d’identité, explique Florent, un autre supporter parisien. Je lui ai montré et j’ai pu avancer vers le stade de France. Mais arrivé devant le stade – toujours par petits groupes, j’étais alors séparé de mes amis – les portes sont fermées et les stewards du Paris Saint-Germain et ceux du Stade de France ont refusé de nous laisser entrer. J’ai eu beau demander – de manière calme et courtoise – pourquoi l’accès au stade nous était refusé, les employés du PSG ainsi que certains CRS nous ont répondu que c’étaient « les ordres du PSG et du Qatar ». » Un autre supporter raconte la même histoire : « Une fois enfin autorisés à sortir vers 21h30, nous nous sommes dirigés vers notre tribune espérant voir au moins la 2e mi-temps… et là, surprise ! Tous les accès aux stades étaient fermés… » Maître Dubois, l’un des avocats des supporters parisiens contestataires, présent sur place, nous livre la sensation qu’il a eue à ce moment-là : « L’impression donnée par les forces de l’ordre, c’était de vouloir gagner du temps et, peut-être, de faire péter les plombs aux supporters parisiens. Ce qui n’est pas arrivé puisque ces derniers ne voulaient pas entrer dans le jeu de la police. »

« J’ai eu honte d’être français »

Jusque-là plutôt calme, l’ambiance a vite tourné au vinaigre devant certaines portes du Stade de France, notamment devant la porte N. Remontés par les évènements précédents, certains supporters ont eu du mal à contrôler leurs nerfs. En possession de billets valides, ceux-ci eurent un peu de mal à comprendre pourquoi les forces de l’ordre avaient déployé tant d’ardeur à leur refuser l’accès au stade. « Les CRS se sont mis à avancer vers nous, une lacrimo fut même lâchée, témoigne Bastien. J’ai alors vu une femme touchée et deux jeunes hommes. L’un des deux pleurait, commençait à péter un plomb, à taper dans un mur. Trois autres personnes ont dû le calmer. Les gens déchiraient leur place, les brûlaient et partaient petit à petit. J’ai essayé dans un dernier espoir de partir puis revenir du côté de la porte L, mais rien n’avait changé. Tout était bloqué… » Cyril Dubois raconte même avoir vu « des familles interloquées, avec des enfants en pleurs » . Drôle d’images pour un match de foot censé être une fête… Plus concis, un autre supporter nous livre son impression : « Je n’ai jamais rien vu de tel en 25 ans de stade alors que j’ai vu des matchs en Angleterre, en Suisse, en Italie, en Belgique ou aux Pays-Bas. De plus, j’étais avec ma copine mexicaine et je peux vous confirmer qu’elle a halluciné sur notre pays. Vendredi soir, j’ai eu honte d’être français. Triste soirée. »

« Aucune banderole raciste »

Plus tôt dans la soirée, un petit groupe d’une cinquantaine de supporters – dont des anciens abonnés de la tribune Boulogne – ont été arrêtés alors qu’ils se sont donnés rendez-vous au Panthéon pour prendre quelques photos de leur groupe. Le lendemain, plusieurs médias évoquent des banderoles « à caractère raciste » . Contacté par So Foot, l’un des instigateurs du mouvement dément catégoriquement ces accusations : « Coté Boulogne, deux banderoles ont été réalisés dans la semaine. « Le PSG ne sera jamais qatari » et « Paris, c’est nous ». Nous devions faire une photo symbolique devant le Panthéon. Il n’était pas prévu d’apporter ces banderoles au stade de France. Bien évidemment, aucune n’était à caractère raciste. Cela n’aurait aucun sens. » Autre bizarrerie médiatique, l’information relayée notamment par L’Équipe selon laquelle le groupe des supporters ayant été bloqués devant le stade comprend « 300 à 400 interdits de stade » . Les billets achetés par ces supporters l’ayant été sur Internet sous forme de e-billet nominatif, le club parisien ayant mené des vérifications poussées et les interdits de stade devant généralement pointer au commissariat au moment des matchs, cette « information » est vraisemblablement fausse. Il s’agit plutôt de 300 à 400 supporters contestataires, jugés indésirables par le PSG.

« Vous défendez le football ou les hooligans ? »

Contactée par téléphone dès le lendemain du match Lens-PSG, la préfecture de police de Paris a répondu une semaine plus tard. La source, qui souhaite garder l’anonymat, a souligné que ces « supporters parisiens à risque » étaient « susceptibles de présenter des troubles à l’ordre public » . Après insistance, cette personne demande si So Foot défend « le football ou les hooligans » . Pourtant, même s’il s’avère que certains supporters, parmi les centaines de personnes bloquées, ont eu affaire par le passé à la police pour des affaires en lien avec le football, cela ne légitime pas le fait de bloquer l’ensemble du groupe. Jean-Philippe d’Hallivillée, le responsable de la sécurité du club parisien, a de son côté simplement dit ne pas être « habilité à répondre à (nos) questions » . L’affaire ne devrait pas en rester là. D’une part, parce que les supporters contestataires souhaitent continuer de demander à la justice de faire respecter ce qu’ils estiment être leurs droits de soutenir le Paris Saint-Germain. D’autre part, parce que deux des organisateurs du rassemblement le soir du match ont été interpellés par les forces de l’ordre puis placés en garde à vue et qu’ils comparaîtront ce jeudi en audience correctionnelle pour « organisation de manifestation non autorisée » . Quant au club, il semble continuer sur la même ligne directrice à l’égard des anciens historiques du Parc, ligne pourtant pointée du doigt par la CNIL en septembre dernier

* Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.

Dans cet article :
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