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Mais qu’arrive-t-il donc à Coutinho ?
Sensation de la saison passée malgré un Liverpool triste comme la pluie, l'artiste brésilien est méconnaissable depuis cet été. Explication d'un black-out qui place les Reds dans la panade.
C’est donc avec une double casquette que Jürgen Klopp a débarqué à Liverpool. Celle de rock star et de pompier de service. Mais peut-être avait-il sous-estimé les deux. Probablement qu’il n’avait pas imaginé la Kloppmania qui a embrasé les bords de la Mersey, le culte dont il fait l’objet, et son actu quasiment suivie heure par heure en Angleterre. Mais sans doute n’avait-il pas pris la mesure d’un autre brasier, bien plus préoccupant, qui menace de faire partir la saison du Liverpool Football Club en fumée. Car, en plus de découvrir une équipe totalement à la dérive, le manager allemand doit aussi gérer très vite un cas essentiel au rétablissement des Reds : celui de Philippe Coutinho. Autant être franc : probablement le seul vrai talent actuel des quintuples champions d’Europe (allez, avec Daniel Sturridge en étant sympa). Celui qui l’an passé a permis à ceux qui étaient alors vice-champions d’Angleterre en titre d’exister un peu en Premier League, notamment en seconde partie de saison, à coups de pralines pleine lulu, de passes lumineuses et d’inspirations géniales.
Liverpool a même pu pour une fois se foutre de la gueule d’un club encore plus con que lui en matière de transfert sur ce coup, l’Inter Milan coupable d’avoir lâché sa pépite brésilienne pour à peine 10 millions d’euros après l’avoir laissé macérer sur le banc et prêté à tout bout de champ. Oui, avec Coutinho, il y avait peut-être un après-Luis Suárez au sein de la Maison rouge. « Le gamin a des moments de génie ! C’est un grand joueur qui mérite de porter le maillot de Liverpool » , s’enflammait carrément Steven Gerrard, pas toujours élogieux avec les recrues de son club. « Coutinho fait partie de ces joueurs qui, à partir de rien et face à deux défenseurs, peuvent créer quelque chose, une passe décisive ou un but. Il peut changer un match » , poursuivait pour sa part son coéquipier José Enrique. Avant que Mauricio Pochettino, qui l’avait dirigé à l’Espanyol Barcelone, n’assène, définitif : « Il a quelque chose de magique dans les pieds. Il a les mêmes qualités que Ronaldinho ou Messi même s’il a encore beaucoup à prouver. » En clair, de l’or en barre.
Dessoudé par les anciens
Sauf que depuis le début de saison, le prodige est porté disparu. Un seul but inscrit et deux petites passes décisives en neuf matchs de championnat. En même temps, les stats ne disent pas tout et ils forment parfois une dictature létale pour les joueurs dont l’apport se mesure au-delà. D’ailleurs, Coutinho n’avait facturé « que » 5 pions et 5 assists l’an dernier, alors que le petit meneur était unanimement identifié comme un des joueurs majuscules de la saison anglaise. Mais au-delà de ses chiffres discrets du moment, il n’y a surtout plus la moindre trace de ce talent soyeux qui a si souvent éclairé la grisaille liverpuldienne. Plus la moindre différence, plus la moindre prise de balle inventive, plus le moindre peps. Plus la moindre vie. Ou quand la lumière s’éteint… Au point même de ne plus être retenu en sélection où Coutinho avait été adoubé par Neymar, excusez du peu. « Vous ne pouvez pas laisser un espace vacant, a justifié Dunga. Si quelqu’un obtient une chance, il doit la saisir et ne plus la lâcher. »
Pourtant, le gamin n’avait pas été le Brésilien le moins intéressant lors de la dernière Copa América. Ce qui avait fait dire à Elias : « Coutinho est un vrai meneur de jeu, tout le monde veut l’avoir à ses côtés. Avec lui, le Brésil est plus créatif. » Seulement voilà, rincé par une saison où, à seulement 22 ans, il a dû porter les Reds quasiment tout seul (Suárez parti, Sturridge blessé, Gerrard au placard, Sterling bouilli par Rodgers, il ne restait plus guère que Henderson avec lui), avant une expédition épuisante au Chili, « Petit Couteau » semble ne plus rien avoir dans les guibolles depuis. Et commence à avoir les oreilles qui sifflent, selon un des sports favoris à Liverpool : le taillage en pièce par les anciens. Comme Mark Lawrenson dans le Liverpool Echo : « La façon dont Jürgen Klopp va résoudre le problème Coutinho va être une des clés. Il doit probablement se dire « Je continue d’essayer de regarder le joueur que tu es, mais je ne le vois pas vraiment. » Coutinho a beaucoup gâché contre le Rubin Kazan, et on parle du Rubin Kazan, pas de Chelsea ou de Manchester City. Il ne donne pas assez à l’équipe actuellement. » Même son de cloche chez Steve Nicol, autre gloire locale des 80’s… Bref, l’état de grâce de celui qui était nommé au titre de joueur de l’année 2014-2015 semble bien loin.
Le Barça en coulisses…
Bien entendu, le talent n’a pas déserté le môme du jour au lendemain. Au-delà du contrecoup des efforts de la saison passée, Coutinho est aussi perturbé par la tournure que prennent les choses à Liverpool. Le club a continué à faire n’importe quoi sur le marché des transferts et a encore claqué à tour de bras sans attirer le moindre joueur de classe mondiale, tout en laissant partir Sterling. Pas con, Coutinho sait que le club est encore parti pour une saison sans futur. D’autant qu’avec les blessures tenaces de Sturridge et Henderson, ce sont ses deux derniers « vrais » compagnons de route de la fabuleuse saison 2013-2014 qui sont sur le flanc, le laissant seul et abandonné au milieu d’une équipe de bras cassés ou, au mieux, de laborieux. Comment jouer au ballon correctement quand le plan de jeu initié par Rodgers a été : « Les gars, on arrête les passes au sol, les une-deux et autres latineries de tarlouzes et on balance direct sur Benteke, ok ? » Déprimant pour un enfant de la balle comme Coutinho.
D’autant plus que les coulisses bruissent d’une rumeur de plus en plus persistante : le FC Barcelone serait sur les rangs pour le faire venir en janvier prochain (date de la levée de leur interdiction de recruter) pour compenser le départ de Pedro. Neymar en personne milite pour attirer son compatriote : « Coutinho, c’est un crack. J’aimerais bien jouer avec lui au Barça un jour, il a le niveau pour y jouer. » Forcément, en comparant un effectif des Reds où l’obscur James Milner ferait presque office d’orfèvre technique et la possibilité de rejoindre la plus belle équipe du monde, il y a de quoi être perturbé sévère. Même si l’impayable Lawrenson se charge de ramener le Brésilien sur terre : « Il faut qu’il soit réaliste : avec un niveau pareil, ce n’est pas demain qu’il ira au Barça ou au Real. » N’empêche, Klopp a déjà sorti les crocs pour assurer la mise au point : « Personne ne vendra de joueur avec lequel je veux travailler même si c’est une bonne affaire. Et je ne veux aucune recrue sans mon accord. Tout est OK, je n’ai besoin de rien. » Et comme ce n’est pas le genre de l’Allemand de balancer des saucisses, l’agent de Coutinho, Kia Joorabchian, a lui aussi assuré le coup : « Philippe est extrêmement content à Liverpool. Il a signé un nouveau contrat à long terme à la fin de la saison dernière, ce qui veut dire beaucoup concernant ses ambitions et ses sentiments pour Liverpool. » Pas fou, Joorabchian sait qu’il vaut mieux ne pas aller à la filoche avec Klopp. Et puis, il y a aussi l’espoir qu’avec l’ancien mentor de Dortmund, la fête du slip soit finie et qu’il y ait enfin une vraie politique de recrutement intelligente après des années de gabegie absolue (on parle de l’arrivée d’André Ayew dès cet hiver, et de quelques cracks de Dortmund l’été prochain). De quoi peut-être donner envie à Coutinho de rejouer au ballon. On le croit. Et, pourquoi ne pas le dire, pour la beauté du jeu, on le souhaite.
Par Dave Appadoo