- Billet d'humeur
Mais pourquoi Patrice Évra part-il en vrille sur les réseaux sociaux ?
Lundi 18 mars, les réseaux sociaux ont relayé une vidéo diffusée sur Snapchat dans laquelle Patrice Évra allume entre autres le PSG à coups d'insultes et d'injures homophobes. Un nouveau dérapage qui interroge sur la stratégie de communication de l'ancien latéral gauche de l'équipe de France.
Paraît que « la vieillesse est un naufrage » . On n’a pas eu l’occasion de le vérifier, mais une chose est sûre : à 37 ans, on est en droit de prétendre n’avoir ni l’âge d’être vieux, ni celui d’être au mieux complètement largué, au pire un peu gênant pour tout le monde autour de vous. À l’inverse, à 37 ans, on n’a plus vraiment l’opportunité de plaider l’erreur de jeunesse. Patrice Évra a 37 ans. Et sa dernière sortie, diffusée sur le Snapchat d’un ami, dans laquelle il insulte copieusement le PSG, Jérôme Rothen et se fend d’une vulgaire inexactitude scientifique – puisqu’on produirait du sperme dès l’âge de 12/13 ans – interroge sur la stratégie de reconversion choisie par celui dont la fin de carrière l’avait déjà vu sortir de la route lors d’une pénible soirée qui ne promettait pas encore de finale de Ligue Europa à l’OM, où il avait préféré déborder dans la gueule d’un supporter plutôt que dans son couloir. Avant de tenter un ultime retour en Premier League qui ne laissera pas de souvenir impérissable au kop de West Ham.
Avec sa vidéo saupoudrée d’injures homophobes, Patrice Évra ne fait pas spécialement de mal au PSG ni à ses supporters et laissera peut-être même Jérôme Rothen vainqueur de leur joute de cour de récré. Non, avec cette vidéo Snapchat, Patrice Évra cause surtout du tort à Manchester United, qui aux dernières rumeurs étudiait l’éventualité de lui offrir un poste d’ambassadeur, et fait surtout beaucoup de mal au souvenir qu’on veut garder du joueur irréprochable qu’était Patrice Évra.
L’épisode Tournevis & Fernandel
Tonton Pat’ ressort souvent son énorme CV, et il a raison de le faire, pour qu’on se rappelle qu’il compte parmi ce qu’on a fait de mieux au poste d’arrière gauche au XXIe siècle. Il n’y a d’ailleurs sans doute pas un entraîneur ni un ailier gauche, tout Jérôme Rothen soit-il, de Monaco ou de Manchester United qui pourrait se plaindre du rendement, de l’engagement et du niveau de performances sportives du natif de Dakar. En équipe de France, s’il n’est peut-être pas exempt de tout reproche – même s’il a réussi à faire du Perudo un jeu aussi prisé que FIFA auprès de la nouvelle génération –, il faut bien dire qu’il a longtemps été le seul à offrir des garanties suffisantes après le règne de Lizarazu, au grand dam d’une pelletée de latéraux qui n’ont jamais réussi à le déloger.
On garde aussi l’image d’un joueur, d’un capitaine, sans langue de bois, doté d’un gros caractère et d’un mental en acier trempé, qui a dessiné sa trajectoire contre vents et marées, qui ne se cachait pas, prenait ses fameuses responsabilités, voire jouait un rôle de tutorat auprès de jeunes coéquipiers. Dès lors, et même si on pouvait en voir les prémices au moment de l’épisode « Rolland Tournevis » et « Michel Fernandel » , on peut l’énoncer sans détour : l’après-carrière de Patrice Évra ne rend pas hommage au joueur qu’il était. Jusqu’à présent, en tout cas.
Le virage plutôt que le naufrage
Un après-carrière qui se déroule quasi uniquement sur les réseaux sociaux, où la stratégie semble se résumer à être présent un maximum, à essayer de faire rire et de plus en plus souvent à provoquer. Un exercice toujours délicat, tant ces réseaux sont jalonnés de facilités et de pièges à éviter, auquel s’essayent beaucoup de footballeurs, qu’ils soient retraités ou en activité, avec plus ou moins de réussite : du rire-signature de Marcel Desailly aux pog-posts de Pogba en passant par les imitations des Tuche d’Adil Rami, etc. Or, dans le cas de Patrice Évra, force est de constater ces derniers temps qu’il met plus souvent mal à l’aise qu’il ne fait (sou)rire et qu’il s’éloigne à chaque post un peu plus de son sympathique gimmick « I love this game » . Et l’on se demande si le moment n’est pas déjà venu de passer à un autre format, une autre façon de continuer à faire parler de lui, à exister dans le foot, les médias, les deux ou ailleurs. Parce qu’à 37 ans, il a encore toutes les cartes en main – la carrière, l’expérience et certainement un ton à travailler – pour opérer un virage dans sa communication et ne pas faire naufrage plus longtemps.
Par Pierre Maturana