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Mais pourquoi les supporters du Milan chantent Sarà perché ti amo ?
Plus de quarante ans après sa sortie (1981), la célèbre chanson italienne "Sarà perché ti amo" suscite toujours autant d’affect dans la Botte. Et c’est bien à San Siro que ce titre du groupe Ricchi e Poveri s’offre une seconde jeunesse depuis plus de dix ans. Reprendre des classiques de la chanson, les supporters italiens en ont fait leur passion.
Avant de commencer toute lecture, commencez par lancer la vidéo ci-dessus. Vous avez les poils ? On vous comprend. Depuis plus de dix ans, les tifosi du Milan se sont réappropriés cette célèbre chanson du groupe/machine à tubes Ricchi e Poveri, en apportant quelques modifications pour faire honneur aux couleurs rouge et noir : « Sarà perché ti amo » (« Ça doit être parce que je t’aime », en VF) se transforme en « Sarà perché tifiamo » (« Ça doit être parce que nous te supportons », en VF), « Se ci sto bene, sarà perché ti amo » (« Si ça me convient », en VF) devient « E chi non salta, è un gobbo juventino » (« Celui qui ne saute pas est un porc turinois », en VF). C’est en janvier 2012, lors d’un derby de la Madonnina face à l’Inter (0-1) que ce hit des « Riches et des Pauvres » est entonné pour la première fois par la Curva Sud. Néanmoins, les supporters rossoneri ne sont pas les premiers à s’être réapproprié cette chanson. En effet, Sarà perché ti amo a toujours fait partie de la playlist des curve italiennes, en témoigne cette version faite par les cousins interistes, en l’honneur d’Adriano : « Siamo felici, sarà perché tifiamo. Un giocatore che tira bombe a mano. Siamo tutti in piedi. Questo Brasiliano batti le mani che in campo c’è Adriano. » (« Nous sommes heureux, ça doit être parce que nous te supportons. Il lance des grenades, nous sommes tous debout. Ce Brésilien que nous applaudissons sur le terrain, c’est Adriano », en VF). Néanmoins, cette reprise des supporters nerazzurri restait très implantée au sein de la Curva Nord. Tout le contraire de celle faite par les Rossoneri, qui sont parvenus à transcender tout le stade. Depuis trois ans, la sono de San Siro lance les premières notes de la chanson, puis les quelque 75 000 tifosi se chargent ensuite de la chanter en chœur.
Mais alors, pourquoi ce choix, sachant que le quatuor Ricchi e Poveri n’a jamais clamé son amour le Milan (d’autant plus qu’ils sont originaires de Gênes) ? Pour Leonardo Mazzeo, la raison est simple : « C’est une chanson multigénérationnelle. Elle a traversé les époques, elle est connue de toutes les générations, des grands-parents aux enfants. Et puis c’est très certainement l’une des musiques italiennes les plus populaires, même encore aujourd’hui. » Le spécialiste de la culture italienne dit vrai. Il suffit de jeter un œil au réseau social Tik Tok, la trend Sarà perché ti amo est l’une des plus populaires en Italie. De plus, la dernière interprétation du groupe Ricchi e Poveri au festival Sanremo en 2020 cumule près de 53 millions de vues, soit la vidéo la plus regardée de la chaîne YouTube de la chaîne Rai. Une musique ultrapopulaire, des paroles faciles à retenir et un rythme envoûtant, Sarà perché ti amo s’impose comme un choix purement cartésien. Une reprise qui s’inscrit aussi dans une appétence générale des tifosi italiens pour la Musique avec un grand M.
Une tradition nationale
Sarà perché ti amo de Ricchi e Poveri, I giardini di marzo de Lucio Battisti, ou encore Cosa ti aspetti da me de Loredana Bertè, toutes ces chansons ont eu un succès aussi bien à Sanremo que dans les travées des stades italiens. « En Italie, la musique est quelque chose de central. C’est un mode de vie, une façon de voir les choses. Il n’y a certainement rien de plus important en Italie que la musique, sauf peut-être la nourriture », explique Mazzeo. Vouant un grand intérêt aux chants des supporters italiens, ce dernier explique donc que les supporters italiens se réapproprient ces classiques pour aussi rendre un certain hommage. Outre cet amour pour la variété, les tifosi y trouvent aussi des chansons parfaitement adaptées aux stades. « Les chansons italiennes ont un rythme très chaud et envoûtant. L’italien est une langue aussi très musicale, ce qui facilite les choses. Les refrains sont souvent clairs, faciles à retenir, ce qui permet ensuite aux supporters de les modifier en l’honneur de leur club », explique Mazzeo. Si Sarà perché ti amo correspond plus à une ambiance d’avant-match, d’autres sont en revanche plus émouvantes. C’est le cas du titre I giardini di marzo de Lucio Battisti, repris par les supporters de la Lazio après chaque victoire.
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« C’est une chanson parfaite lorsque ton équipe gagne, elle est vraiment émotive et correspond parfaitement à ce moment précis », avance Leonardo Mazzeo. Cerise sur le panettone, Battisti a toujours clamé son amour pour le plus vieux club de la capitale. Mais les rivaux historiques peuvent se vanter d’avoir l’un des plus beaux hymnes de la Botte, Roma, Roma, écrit par un certain Antonello Venditti, fan incontesté de la Louve. Artistes sur les bords, les tifosi apprécient donc de revisiter certains classiques, en l’honneur de leur club. Autre exemple avec cette reprise du titre L’estate sta finendo du groupe Righeira faite par les supporters napolitains, qui l’ont transformé en « Un giorno all’improvviso » (Un jour soudain, en VF). Un chant devenu plus que populaire en hommage au club et à la ville de Naples, qui a été repris en dehors des frontières (de Liverpool, à Athènes en passant par Glasgow). Comme pour répondre à cet amour, les artistes italiens n’hésitent désormais plus à rendre aux supporters quelques mélodies, en clamant leur attachement pour leur club de cœur. En 2015, le rappeur italien Emis Killa sortait le titre Rossoneri, en collaboration avec le Milan. Un titre diffusé avant chaque match de la bande de Stefano Pioli à la maison. Outre exprimer son amour à son club de cœur, le Genoa, l’artiste Shune a souhaité faire honneur aux tifosi du club génois, et plus généralement à tous les supporters italiens, au travers de son dernier titre intitulé Guasto d’amore.
« C’est certain que les chanteurs ont tous une équipe favorite. Et ces dernières années, ils se cachent de moins en moins et n’hésitent pas à clamer leur amour pour leur club », argumente Leonardo Mazzeo. Les supporters du Milan suivent donc une tendance des enceintes italiennes, celle de mélanger football et chanson. Un mélange délicieux dont seuls les Italiens ont la recette, comme toujours.
Critiqué par Paolo Di Canio, Rafael Leão lui rappelle son passé fascistePar Tristan Pubert
Propos de Leonardo Mazzeo recueillis par TP.