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Mais pourquoi le stade de Zagreb sera-t-il si vide pour accueillir le PSG ?
Demain, le stade Maksimir de Zagreb sonnera creux pour recevoir le PSG comme pour tous les matches de Ligue des Champions. Malgré les efforts désespérés des dirigeants et joueurs du Dinamo pour remplir le stade en proposant une loterie, de nombreux supporters vont continuer de boycotter leur propre club. Il faut dire qu’ils ont de bonnes raisons.
Fin septembre, le Dinamo Zagreb accueillait le Hajduk Split. Un match de prestige et d’histoire auquel seules 10 000 personnes ont assisté. Résultat : beaucoup de chants et de banderoles de solidarité entre Bad Blue Boys du Dinamo et Torcida du Hajduk, dénonçant tour à tour la répression policière, la corruption au sein des instances du football croate, et la mainmise du désormais célèbre Zdravko Mamic sur le club de la capitale.
Un clan Mamic qui s’en met plein les fouilles
Faisons simple : le Dinamo Zagreb est un club public, géré par la mairie de Zagreb, qui en délègue la charge à un directeur exécutif, Zdravko Mamic. Celui-ci bénéficie d’appuis politiques et sportifs haut placés. D’une part, il a financé une partie de la campagne électorale du maire de Zagreb, Milan Bandic, qui le lui rend bien. De l’autre, il fait partie du comité exécutif de la fédération de football au sein de laquelle, malgré le départ de Vlatko Markovic, il garde de sérieux appuis, à commencer par le nouveau président Davor Suker. Ce que les supporters reprochent au clan Mamic, c’est d’avoir fait main basse sur le club et ses ressources de façon très simple : chaque joueur du Dinamo doit traiter avec la société de management sportif de Mario Mamic, le fils. Donc, les Mamic ne mettent aucun sou dans le club, financé par les sponsors, un peu de droits télé et les impôts des Zagrébois. Mais chaque fois qu’un joueur est vendu (Lovren, Modric, bientôt le crack de 16 ans Halilovic, etc.), une partie indéterminée du transfert finit dans leurs poches.
Un autre exemple ? A son arrivée en Croatie, alors qu’il était encore mineur, le Brésilien Eduardo a dû signer avec Mamic un contrat garantissant à ce dernier 20% de ses revenus pendant toute sa carrière. Résultat, Eduardo a dénoncé le contrat, n’a plus versé un rond depuis son transfert à Arsenal, et les deux hommes sont actuellement en procès. Alors que les supporters croates l’acclamaient après son but contre les Gallois il y a quelques jours, Eduardo a semblé verser quelques larmes. Explication : la veille, alors qu’il voulait retirer de l’argent à la banque, il a appris que tous ses biens en Croatie, qui ne sont pas à son nom à cause du contrat (maison, comptes, voitures) ont été gelés et confisqués en attendant la décision de justice. Et le pire pour Eduardo, c’est que Mamic est descendu dans les vestiaires avant le match pour motiver les joueurs, dont beaucoup sont toujours managés par la société familiale.
Ensemble pour sauver le Dinamo
C’est à cause de la multiplication de ces histoires et de l’impunité dont jouit le clan Mamic que les amoureux du Dinamo Zagreb, bien au-delà des ultras des Bad Blue Boys, ont décidé il y a deux ans de fonder l’initiative Zajedno za Dinamo (« Ensemble pour le Dinamo »). Parmi ses initiateurs, des juristes et des universitaires qui sont parvenus à fédérer autour d’eux des milliers de personnes pour mener le combat sur le terrain juridique avec une idée simple : puisque le Dinamo est une association sportive publique, chaque citoyen a le droit de devenir membre de cette association, et ainsi participer à l’élection de la direction du club. « Nous ne nous battons pas contre une personne mais POUR une gestion juste et démocratique de notre club. Nous luttons afin que le président du club ne soit plus jamais désigné par un parti politique, par l’armée ou par des familles influentes. Nous voulons que le président soit élu par les membres du club, afin qu’il puisse ensuite avoir toute la légitimité nécessaire pour mener à bien son travail » , pose Dragutin, juriste et membre fondateur de ZZD.
La principale victoire du collectif a été l’adoption de la nouvelle loi du sport contre les conflits d’intérêt qui, si elle était appliquée, mettrait un terme aux affaires louches du clan Mamic. Cette loi est le fruit d’un long travail de sape auprès des conseillers de Zeljko Jovanovic, devenu ministre des Sports après la victoire de la gauche aux dernières élections au début de l’année. Pour autant, rien n’est acquis. Si Mamic a perdu son troisième niveau de protection avec la défaite de la droite aux élections, il lui reste la mairie de Zagreb et la Fédération. Quant aux supporters, Zajedno za Dinamo ne peut guère faire beaucoup plus que ce qui a été fait sur le terrain juridique et médiatique, en dehors de constituer, ce qu’ils ne veulent pas, une sorte de point d’impulsion vers un mouvement social plus massif de lutte contre la corruption à tous les échelons de la société croate.
Des ultras en crise
Du côté des Bad Blue Boys, ça ne va pas très fort non plus. Leur nombre se réduit, entre ceux qui ont décidé de ne plus aller au stade, fatigués du harcèlement du club et des pouvoirs publics dont ils estiment être victimes, et ceux qui sont interdits de stade par les autorités ou le club. A cela s’ajoutent des relations très conflictuelles avec la police, chose assez logique, mais exacerbée depuis la condamnation, douteuse au vu des éléments de l’enquête, de Nikica Marovic à 4 ans de prison en 2010 pour avoir lancé un pétard sur un policier qui y a perdu son œil.
Les BBB traversent donc la plus grave crise de leur histoire. D’un côté, le groupe a compris qu’il était dans son intérêt de ne pas réagir par la violence aux provocations de Mamic, d’où un long boycott de plus d’un an, en particulier des matchs de Ligue des Champions. Et refuser d’aller soutenir son équipe contre le Real Madrid à Maksimir, ce n’est pas rien comme sacrifice. De l’autre, ils sont systématiquement harcelés par le club, par des visites policières aux domiciles des leaders, ou par des descentes de police dans leur local. Cet été, ils ont été empêchés de faire les déplacements en coupe d’Europe en Bulgarie et Slovénie où ils furent refoulés à la frontière, un sort qui les attend peut-être en France dans deux semaines. D’où un risque fort de départ des plus âgés et modérés, au bénéfice de supporters plus jeunes et plus radicaux. Une stratégie du pire à peine voilée de la part des autorités du football croate et du Dinamo, qui permettrait de discréditer les efforts de « Zajedno za Dinamo » en les associant aux éléments violents et incontrôlables des Bad Blue Boys.
L’homo balkanicus barbare
N’en déplaise au sensationnalisme imbécile de ceux qui croient voir l’enfer à Zagreb, une ville très agréable par ailleurs, c’est peut-être à Milan qu’ils auront davantage l’occasion d’observer en vrai l’homo balkanicus barbare tant fantasmé et tristement réapproprié par les supporters eux-mêmes, puisque les deux factions des Grobari du Partizan Belgrade ont, semble-t-il, décidé de régler leurs comptes là-bas en marge du match d’Europa League contre l’Inter. Mais dans cette histoire-là, il n’est plus question de football depuis longtemps…
Par Loïc Trégourès