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Mais pourquoi la Ligue 1 paie-t-elle donc autant de charges sociales ?

Par Adrien Candau
5 minutes
Mais pourquoi la Ligue 1 paie-t-elle donc autant de charges sociales ?

Ça y est, on y est : la Ligue 1 a repris ce vendredi et avec elle les habituels débats qui rythment l'actualité du championnat de France. Un moment de communion, où les plus grognons gâchent néanmoins souvent un tantinet l’ambiance, en râlant sur les limites habituelles du football hexagonal. On connaît la chanson souvent gazouillée par ces zozos là : les clubs français paieraient trop de charges et seraient soumis à une pression fiscale qui diminuerait largement leur compétitivité au niveau européen. Petit décryptage économique, alors que les cinq grands championnats du continent auront tous démarré d'ici la fin août.

Il paraît que la France du foot va mal. Un sombre constat partagé par des acteurs normalement un peu en marge de l’actualité footballistique : les économistes. A les écouter, la Ligue 1, qui a repris ses droit ce vendredi, serait l’enfant pauvre du haut du panier du football européen, une sorte de bête blessée qu’on viderait de sa substance à coup d’imposition abusive et de charges sociales vampiriques. Un constat amer, qu’a encore tenu ce vendredi le quotidien les Echos dans une double page consacrée aux « chiffres fous du foot français » , où l’on soulignait que « Le PSG paie plus de charges que l’ensemble des clubs allemands, espagnols et italiens réunis. » Un déséquilibre économique qui fait logiquement jacter et qu’il convient d’expliquer dans les grands largeurs.

L’heure de se payer l’impôt

Pour comprendre les mécaniques autour du phénomène, il faut se plonger dans le dernier document de synthèse du syndicat Première Ligue intitulé « Le poids des charges sociales et de la fiscalité sur le football français » et publié en mars dernier. Un papelard qui permet déjà de démonter un cliché qui a parfois la vie dure : non, le taux d’imposition n’est absolument pas au cœur du problème. Pour un salaire de 1,8 million d’euros net en France, on s’acquitte d’un impôt sur le revenu de 720.000 euros. Un chiffre qui est comparativement moins important qu’en Espagne et au Royaume-Uni (792 000 euros), en Italie (900 000 euros) et en Allemagne (828 000 euros). « La fiscalité française n’est pas problématique pour les clubs, il n’y pas de désavantage concurrentiel à ce niveau là confirme Bruno Belgodère, le directeur des affaires économiques du syndicat Première Ligue. Quelques mesures avantageuses ont même été prises ces 10, 15 dernières années comme le régime d’impatriation, qui doit permettre d’attirer les talents étrangers. » Ce dernier permet aux salariés étrangers recrutés par une entreprise française qui possède son siège social en France de soustraire 30% de leur rémunération nette totale à l’impôt pendant cinq ans. Une durée qui a même été rehaussée à huit années au lieu de cinq, en 2017.

Le plafond de verre

Alors, qu’est ce qui cloche sur la planète France ? Tout simplement les charges patronales et sociales. Encore faut-il comprendre tout le tintouin technique qui accompagne ces fameuses charges, qui viendraient plomber le football hexagonal. Quelques chiffres , là encore, sont de rigueur pour mettre en perspective l’étendue de l’écart avec nos voisins européens : pour verser un salaire de 1,8 million d’euros net, un club français doit aussi s’acquitter de 856.000 euros de charges patronales, si on en croit les données fournies par le syndicat Première Ligue. Un chiffre qui tomberait respectivement à 364.000 euros au Royaume Uni, 53.000 en Italie, 19.000 en Allemagne et 22.000 euros en Espagne. Voilà comment le PSG se retrouverait à payer plus de charges patronales que tous les clubs de Liga, Bundesliga et Serie A confondus.

Pourtant, à y regarder de plus près, l’écart ne devrait théoriquement pas être aussi important entre la France et les autres grands pays européens : le taux de charge patronale dans l’Hexagone est de 42%, contre 34% en Espagne, près de 24% en Italie, autour de 20% en Allemagne et seulement de 13,8% au Royaume Uni. « Sauf que la France et le Royaume-Uni n’intègrent pas un mécanisme décisif qu’on retrouve en Espagne, Italie et Allemagne : le plafonnement. » décrypte Bruno Belgodère. En effet, contrairement à la France et le Royaume-Uni, les cotisations patronales sur un salaire sont plafonnées à environ 15.000 euros annuel maximum en Espagne, 35.000 en Italie et 13.000 euros en Allemagne. Un plafond évidemment très communément atteint dans une économie aussi particulière que celle du football professionnel, où les niveaux de rémunération sont très élevés. Mais la France et le Royaume-Uni n’appliquent, eux, pas de limite chiffrée aux prélèvements des cotisations patronales : le taux de cotisation s’y applique en fonction d’un pourcentage sur le salaire des joueurs, sans plafond maximal.

« Schématiquement, le gros problème, c’est donc cette notion de plafonnement déroule Bruno Belgodère. Surtout que des mesures de régulation comme le fair-play financier n’intègrent pas dans leur réflexion le déséquilibre induit par le plafonnement des charges patronales dans certains pays. » De quoi légitimer la grogne du foot français ? Oui, si l’on considère que la notion d’équité sportive doit primer sur le reste. Non, si l’on argumente que le sport roi reste en France un secteur puissant économiquement, dont les clubs sont tenus aux même droits et devoirs que les entreprises classiques du pays.

Lots de consolation

En attendant, les clubs professionnels de l’Hexagone se consolent grâce à l’instauration de quelques mesures aux effets limités mais toujours bienvenus, comme l’instauration de la fameuse rémunération sur le droit à l’image des joueurs en 2017. « Schématiquement, elle stipule que les gains de publicité qui viendraient de l’exploitation de l’image d’un joueur sont considérés comme des revenus qui ne seraient pas directement issus du travail et sont par conséquent soumis à des cotisations patronales moins importantes  » , pose Christophe de la Mardière, professeur du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et spécialiste du droit du sport. Même si «  rien n’a encore été effectivement mis en place, nuance Denis Provost, avocat d’affaires spécialiste du droit du sport au sein du cabinet Fidal. On n’a pas encore réussi à fixer quel est le montant de la rémunération à partir duquel la mesure peut s’appliquer… Les clubs trouvent que ce système est une usine à gaz, car les montants alloués au droit à l’image ne peuvent être prélevés que sur certaines recettes, essentiellement celles de sponsoring. Ils trouvent l’ensemble trop restrictif. »

« Mais on a quand même espoir de trouver un accord visant à terme à la mise en place de la mesure poursuit Bruno Belgodère. En gros, ça permettrait d’économiser 1 à 1,5 million de charges patronales par club. Ça ne permettrait pas de recruter des footballeurs, mais plutôt des salariés classiques assignés au marketing, à la billetterie, etc. » Un petit coup de pouce financier en somme, même s’il ne faut pas s’attendre à voir de sitôt la Ligue 1 renverser la table, pour rivaliser économiquement avec ses prestigieux voisins.

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Par Adrien Candau

Tous propos recueillis par AC. Graphiques issus du document délivré par le syndicat Première Ligue : "Le poids des charges sociales et de la fiscalité sur le football français."

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