- France – Ligue 2 – 27e journée – Istres/Sedan
Mais nom d’une pipe, qu’arrive-t-il à Sedan ?
Malgré la victoire obtenue cette semaine en match en retard face à Auxerre, le CSSA reste bon dernier de L2, une place occupée depuis la 9e journée. Surtout, le club-phare des Ardennes est menacé de dépôt de bilan si son rachat en cours, qui s’éternise, n’aboutit pas. Une pétition a été lancée par les supporters et d’anciens joueurs emblématiques poussent un cri d’alarme. Alerte : le sanglier est en danger.
Chaque saison ou presque depuis sa dernière relégation en 2007, le CS Sedan Ardennes espérait retrouver l’élite. Et chaque saison ou presque, il a manqué de peu d’atteindre cet objectif : 4e en 2008, suivi de deux exercices dans le ventre mou, puis 5e en 2011 et 4e au printemps dernier. Manque de chance, manque de réussite dans le money time… Vraiment, il n’a pas fallu grand-chose pour voir réapparaître les sangliers ardennais en L1. « Et sans vouloir manquer de respect, quand on voit les structures et l’engouement autour de certaines équipes qui y sont actuellement, on se dit qu’on y a largement notre place » , constate Gaël, président du groupe Ultra Young Boys Sedan. Vrai : à la lecture des affluences en deuxième div’ ces dernières saisons, le stade Louis Dugauguez se situe plutôt dans le haut du panier. L’enceinte elle-même a sacrée belle gueule : un chouette écrin de plus de 23 000 places construit il y a une grosse décennie, ainsi que des structures de formation et d’entraînement que David Ducourtioux, qui a joué dans les Ardennes de 2002 à 2007, juge « exceptionnelles » . Aux dires de l’actuel Valenciennois, « il y a tout pour s’épanouir en tant que joueur de foot à Sedan » .
Sauf que cette saison, c’est la galère noire. Déjà, l’été dernier, ça commençait à sentir le sapin ; plus de la moitié des cadres de l’équipe qui avait terminé au pied du podium quelques semaines auparavant s’est éparpillée aux quatre coins de la France : Kassim Abdallah à l’OM, Wesley Lautoa à Lorient, Ismaël Traoré à Brest, Nicolas Fauvergue à Reims, Pierrick Valdivia et Jérôme Lemoigne à Lens, Sébastien Cantini à Arles… L’entraîneur Laurent Guyot a dû composer avec un effectif limité et ultra jeune. « Par exemple, il n’y a pour ainsi dire que deux attaquants de métier (Diallo et Diaby), comment peut-on espérer avoir des résultats ? » , interroge Gaël. Depuis la 9e journée, le CSSA n’a plus quitté la place de lanterne rouge de Ligue 2, avec 6 points de retard sur le premier non-relégable. Logique, quand on cumule la 19e attaque et la 19e défense du championnat… La victoire 1-0 obtenue cette semaine en match en retard face à Auxerre a certes permis de croire encore un peu au maintien, mais ça semble quand même mal embarqué. Chez les supporters, on commence à envisager la relégation. Après tout, des clubs comme Bastia, Troyes ou Guingamp ont récemment expérimenté le National et s’en sont très bien remis. « Si on peut garder le statut pro et restructurer sainement avec un nouveau staff, ça peut être un mal pour un bien » , avance Gaël, fataliste.
Ducourtioux : « Je ne peux pas être indifférent »
En vérité, cette option serait un moindre mal pour Sedan. Car en plus d’être miné par ses résultats sportifs, le club ardennais vit surtout avec une menace encore plus grande que la descente en troisième div’ : le dépôt de bilan, comme l’a vécu le RC Strasbourg il y a peu. Et ça, ça inquiète jusqu’à Valenciennes, comme le reconnaît David Ducourtioux : « On en parle beaucoup en ce moment avec Greg (Pujol, ancien de la maison lui aussi, NDR). Bien sûr que ça nous attriste. Personnellement, j’y ai passé de belles années, je ne peux pas être indifférent à ce qui se passe. » Ce qui se passe, c’est une reprise qui tarde à aboutir et qui menace l’avenir du club.
Résumé des faits : le président Pascal Urano, en place depuis 1994, a mis en vente depuis pas mal de temps déjà un club endetté à hauteur de 6 millions d’euros. D’où la purge de joueurs du dernier mercato estival, d’où des retards de salaire à la fin de l’année 2012, d’où cette saison noire. En instance de cession, on dépense a minima. Est-il pour autant à blâmer ? Non, affirme David Ducourtioux : « Monsieur Urano, il a mis énormément de sa poche pendant des années pour le club, il y a mis aussi beaucoup d’énergie, c’est un grand passionné. Après, il peut y avoir une certaine lassitude et une envie de passer la main, on ne peut pas lui en vouloir… » Les supporters sont sur la même longueur d’onde. Et Gaël de développer : « Encore récemment, il a fait des bons choix, avec des recrutements intéressants et beaucoup de bons jeunes qui ont percé. Sa stratégie a failli s’avérer payante, la montée en L1 a été manquée de peu, mais chaque fois du coup, les joueurs révélés ici sont partis faire fructifier leur carrière ailleurs. C’est la logique du marché. »
Un plan B et une pétition
Et puis malgré les dettes, le CS Sedan Ardennes continue de plaire. Après tout, c’est le fleuron du département, un club chargé d’histoire, avec des bonnes structures et un palmarès qui légitime (2 Coupes de France). Un repreneur en particulier s’est montré intéressé : Guy Cotret, banquier basé à Reims et ancien président du Paris FC, qui a noué des contacts avec Urano depuis juin dernier. « Il a des origines ardennaises, c’est un plus. On l’accueillerait les bras ouverts » , assure le président des Young Boys. Mais si l’homme d’affaires est motivé à l’idée d’embrasser la cause des Sangliers – il l’a encore réaffirmé dans la presse locale cette semaine –, il pose une condition : que le Conseil général des Ardennes rachète le centre de formation de Montvillers, un très bel outil estimé à 5,5 millions d’euros. L’opération permettrait d’éponger quasi toutes les dettes qui, rappelons-le, sont de l’ordre de 6 millions et des brouettes. Le deal étant qu’ensuite, le département loue les structures au club. Un plan aussi limpide que légal, sauf que le président UMP du CG08 Benoît Huré est pas hyper chaud à l’idée de lâcher autant de fraîche, alors que son territoire est déjà pas mal sinistré. « La réalité économique est difficile, d’autant plus peut-être pour des clubs de certaines régions » , constate David Ducourtioux qui, comme tout supporter du CSSA, ne peut qu’attendre que la situation se débloque. Si un jour elle se débloque.
Cette semaine, un plan B est apparu de la bouche de Benoît Huré himself. « Nous avons ouvert une autre piste avec la Caisse des dépôts et consignations, laquelle dispose d’un outil qui, avec l’aide d’organismes bancaires, pourrait constituer une alternative intéressante » , a-t-il confié au quotidien L’Union. Du barbarisme d’où est sorti un délai : « Nous attendons une réponse sous dix jours. » En attendant que le couperet tombe sur cet énième rebondissement, les groupes de supporters des Sangliers se sont récemment regroupés autour d’un collectif intitulé « Sedanais à jamais » avec, entre autres actions, une pétition pour mettre pression et qu’enfin, la situation se décante. Au plus vite si possible, car il commence à y avoir urgence, le club s’endettant chaque jour un peu plus. Benoît Costil l’a déjà signé, David Ducourtioux nous a assuré qu’il allait le faire également. Conclusion de Gaël : « Hors de Sedan et des Ardennes, on peut s’en foutre de nous voir en crise, je peux parfaitement le comprendre. Mais on voit aussi qu’on suscite une certaine sympathie, car quelque part on représente un football populaire qu’on ne veut pas voir disparaître. Le CSSA reste un club aux valeurs familiales, où les joueurs et les supporters ont une certaine proximité. Jusqu’au bout, on va se battre pour sa survie. On y croit. »
Par Régis Delanoë