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Mais d’où viens-tu, Januzaj ?

Par Émilien Hofman et Martin Grimberghs
Mais d’où viens-tu, Januzaj ?

Adnan Januzaj déchaîne les passions depuis son passage en pro à Manchester United cet été. Mais entre les rumeurs de transfert et le feuilleton autour du choix de son équipe nationale, on ne sait cependant pas grand-chose sur ce joueur apatride, aussi discret dans la presse qu’omniprésent sur le terrain. Enquête sur les traces d’un précoce.

« Adnan ne discute pour l’instant avec aucun pays au sujet d’une carrière internationale. Pour le moment, il veut uniquement se concentrer sur son club. C’est son souhait et celui de son entourage. » Dirk De Vriese est clair. Le manager de Januzaj déballe à tous les coups le même discours quand on lui parle de la future équipe nationale de son poulain. Et en gros, c’est à peu près tout ce qu’on sait sur le garçon de 19 ans. Alors pour en savoir plus, il faut passer la frontière belge, direction Bruxelles. Coéquipiers ou formateurs, ils ont côtoyé le jeune Adnan. Déjà surclassé, le gamin épate déjà autant qu’il étonne.

Un mature chez les plus vieux

Premier sur la liste des séduits, Jean Kindermans, responsable technique du centre de formation d’Anderlecht, n’était présent que depuis un an au club quand il a découvert Adnan Januzaj. « Quand il arrive ici, je suis ébloui de voir dans les U12 d’Anderlecht jouer un gamin plus jeune que tous les autres, c’était un joueur d’exception. » Né à Bruxelles, Adnan commence le foot à 6 ans, en s’affiliant au RWDM. « Jean-Paul, on a une petite perle, il est vraiment excellent. On a gagné 23-0 et il a marqué 17 buts à lui tout seul. » Les premières infos que recevra Jean-Paul Pira, un des premiers formateurs du petit Januzaj, sont plutôt rassurantes. « C’était un joueur banal dans le vestiaire. Il n’avait jamais le moindre problème de discipline, était très calme et à l’écoute, mais s’exprimait comme nul autre sur le terrain. » En 2005, le club doit pourtant laisser son joyau filer chez l’ennemi anderlechtois, alors que Januzaj n’a que 10 ans. Dans son nouveau club, il est systématiquement surclassé et évolue donc dans les classes d’âge supérieures. « Notre ami Adnan s’est toujours senti comme un poisson dans l’eau dans un groupe pourtant plus âgé, lance Kindermans. Il n’a jamais été perturbé par la différence d’âge et parvenait même à s’imposer comme meneur technique. Ce n’était pas un meneur verbal, mais il faisait ce qu’il voulait avec ses pieds. »

La plupart du temps, Adnan évolue comme numéro 10. Mais il lui arrive aussi de jouer sur les ailes et donc de venir des côtés pour repiquer vers le centre, « à la Zidane » estime ainsi Yannick Ferrera, son entraîneur à l’époque chez les U15 d’Anderlecht. Le jeune impressionne bien sûr pour ses évidentes qualités techniques, mais également pour sa sagesse. « Ce n’était vraiment pas le même en dehors et sur le terrain, poursuit Ferrera. Sur le terrain, il était très mature dans ses choix et sa lecture du jeu. En dehors, c’était encore un enfant. » Un enfant qui tisse des relations avec certains autres gamins de l’équipe, comme par exemple Jordan Lukaku, frère de Romelu, qui l’a côtoyé dans les équipes de jeunes anderlechtoises. « On se faisait tout le temps des blagues. Il savait très bien comment il devait me provoquer. C’est comme un petit frère qui fait chier un peu. Mais ça reste surtout de loin le joueur le plus talentueux avec lequel j’ai joué. »

Luxe, calme et humilité

À cette époque, c’est déjà son père qui s’occupe de ses affaires. Adnan ne dit pas grand-chose, il est guidé par son paternel au fil de ses années chez les jeunes anderlechtois, comme le confirme Kindermans. « Je n’ai jamais, au grand jamais discuté argent, contrat ou plan de carrière avec Adnan. C’est surtout son papa qui s’occupait de sa carrière, ce qui semble toujours le cas aujourd’hui. » Confirmation par Jean-Paul Pica, qui louait déjà à l’époque l’attitude d’Abedin Januzaj : « Il n’a jamais encensé son fils. Il l’obligeait à rester les pieds sur terre. Ce n’était pas un papa qui venait faire du foin dans la buvette pour vanter son fils. Ça restait toujours au niveau du sol. » S’envoler sur le terrain et pas dans les paroles, les parents Januzaj ont bien fait en sorte que leur fils ne vire pas petit con. « Réservé, bien éduqué, poli, humble, on n’a jamais eu le moindre problème avec lui. Pas une seule sanction. C’était un exemple à tout niveau, vraiment une perle rare comme on en retrouve une fois toutes les décennies » , confirme Kindermans. Alors, le gendre idéal, Adnan ? En tout cas, pas de traces de reproches dans les propos de Yannick Ferrera. « C’était un garçon qui était titulaire à tous les matchs du samedi après-midi, mais qui était présent à tous les entraînements du dimanche matin, pourtant réservés aux remplaçants de la veille. Une preuve d’humilité rare. »

Le grand saut

En 2011, quand, après l’avoir rencontré une dizaine de fois, Manchester United vient lui proposer un pont d’or, Januzaj n’hésite pas longtemps : il veut faire le grand saut. Ça ne surprend d’ailleurs pas grand monde, et surtout pas Yannick Ferrera. « Depuis l’âge de 11-12 ans, il était suivi par les plus gros clubs européens. Ça m’aurait étonné de le voir arriver jusqu’en haut de la pyramide à Anderlecht. » Pourtant, il semblerait que l’attrait de la Premier League n’ait pas été la seule motivation du Bruxellois, et Anderlecht pourrait d’ailleurs avoir sa part de responsabilité. « Peut-être que le fait qu’Anderlecht ait tout fait pour attirer Denis Praet qui évoluait au même poste à Genk à l’époque l’a un peu poussé vers Manchester » , théorise Jordan Lukaku.

Au moment des adieux, pas d’effusions, ça reste assez sobre, assez « Januzaj » , en fait. « Ce n’est pas quelqu’un qui a pris congé de ses équipiers en leur offrant un hamburger, un morceau de gâteau ou en faisant un speech monstrueux, atteste Kindermans. C’était pas son style, ce ne le sera probablement jamais, mais je sais qu’il entretient encore des relations privilégiées avec certains. » C’est le cas de Jordan Lukaku, qui correspond par moments avec le Mancunien via Skype. « Mais peut-être qu’on se verra plus une fois que Romelu aura déménagé à Manchester. On pourra se faire des soirées à trois comme on passait des après-midi avant en regardant Romelu jouer. » Sauf qu’aujourd’hui, à force de travail, le petit Adnan a déjà rattrapé son aîné…

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