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Mais d’où sort ce petit Jamal Musiala, nouvelle sensation du Bayern Munich ?
Passé en dix mois des U17 à l'équipe première du Bayern Munich, dont il a établi en 2020 deux records de précocité, Jamal Musiala est le frisson d'un début de saison bavarois plutôt maîtrisé. Déjà auteur samedi contre Leipzig de son troisième pion en Bundesliga, quelques jours après avoir donné le change face à l'Atlético de Madrid, l'adolescent germano-britannique formé à Chelsea devrait avoir une nouvelle occasion de se montrer, ce soir face au Lokomotiv Moscou.
C’est le lot des dernières journées : elles ne sont jamais exonérées de quelques matchs de coiffeurs. La C1 et son groupe A n’échappent pas à la règle, avec une sixième levée opposant ce soir un Bayern Munich, assuré de la première place, et un Lokomotiv Moscou déjà hors-course et probable dernier de la poule. Dénué d’intérêt ? Pas pour quiconque était devant sa télé samedi dernier sur les coups de 19h. Moment choisi par Jamal Musiala pour justifier la confiance accordée par son entraîneur Hansi Flick et bonifier un bon décalage de Kingsley Coman, cinq minutes seulement après son entrée précoce. Le geste en question : un contrôle pour s’ouvrir le chemin du but à dix-huit mètres, puis une frappe limpide du droit dans le petit filet opposé de Péter Gulácsi. Imparable. Un pion rimant avec égalisation pour un Rekordmeister alors malmené – et finalement tenu en échec – par son dauphin Leipzig. La confirmation que le début de carrière de cet ado se joue décidément en mode accéléré.
Sur la route de Moses
Rien d’étonnant au regard de son parcours jusque-là. La vie du gamin est comme ça : tout y va très vite. Né à Stuttgart d’un père nigérian et d’une mère allemande, et élevé dans le Land voisin de Hesse à Fulda, commune de 65 000 âmes où il a tapé ses premiers ballons au TSV Lehnerz, Musiala a quitté son pays natal et la ville jumelée avec Arles à sept ans seulement, en 2010. Direction l’Angleterre et Southampton, où sa mère doit poursuivre ses études. Un passage éclair de quatre mois chez les jeunes des Saints plus tard, le môme rallie la capitale et l’académie de Chelsea, en mars 2011. Mais aussi la réputée Whitgift School, située à South Croydon, au sud de Londres. Une école privée dont l’équipe de foot est coachée par Colin Pates, 281 matchs avec les Blues et artisan de la remontée du club londonien en première division anglaise en 1984, et fréquentée par un « compatriote » : Victor Moses, alors membre de l’académie de Crystal Palace.
À huit piges, la voie de Jamal Musiala semble tracée. Mais à seize, le milieu offensif sort du sillon et quitte contre toute attente Chelsea avant même d’y avoir signé son premier contrat pro. Nous sommes en juillet 2019, et l’ado rentre au pays pour intégrer les U17 du Bayern Munich. Une institution à laquelle « on ne peut pas dire dire non, justifie un Musiala fraîchement rapatrié. Depuis tout petit déjà, j’aimais la Bavière. » Celle-ci le lui rend bien. Décisif toutes les 105 minutes (6 buts et 2 passes dé en 12 apparitions) avec les moins de 17 bavarois, le meneur de jeu est promu dès décembre chez les U19. Promotion de courte durée : sitôt le confinement levé, il intègre la réserve munichoise, pensionnaire de 3.Liga. Sous les ordres de Sebastian Hoeneß (le neveu d’Uli), fasciné par son sang-froid, Musiala plante dès sa troisième entrée en jeu un doublé, le 9 juin dernier face au FSV Zwickau. Il devient ainsi le deuxième plus jeune buteur de l’histoire de la D3 allemande derrière David Alaba.
Qu’est-ce que le culot ? Vous avez 76 minutes
La suite, c’est un baptême en Buli le 20 juin contre Fribourg (33e journée), et un compteur débloqué le 18 septembre face à Schalke (8-0) en ouverture de la nouvelle saison. Deux premières qui font de lui le plus jeune débutant (à 17 ans et 11 jours) et le plus jeune buteur (à 17 ans et 205 jours) de l’histoire de l’équipe première du Bayern et qui ont conduit Hansi Flick à lui filer davantage de responsabilités. De nouveau buteur contre Francfort lors de la 5e journée (5-0), au bout d’une action qu’il avait lui-même initiée en coupant dans les airs une relance adverse, le numéro 42 a ainsi connu ses premières titularisations en Coupe d’Allemagne en octobre contre Düren, puis en championnat fin novembre face au Werder, et enfin en Ligue des champions contre l’Atlético de Madrid, mardi dernier. Alors ? Alors Musiala, positionné en deuxième récupérateur après avoir été essentiellement utilisé côté gauche par Flick, en a foutu partout.
Aisance dans les petits périmètres, percussion balle au pied, pouvoir d’accélération, duels au sol remportés, ténacité, faculté d’élimination : bien campé sur ses appuis, le minot a en 76 minutes redéfini la notion de culot, remis le double contact au goût du jour et justifié, quelque part, le choix du Bayern de laisser filer Cuisance à l’OM en octobre dernier. S’il y avait alors quelque chose d’intrigant à voir le champion d’Europe se contenter du seul Marc Roca pour suppléer Tiago Alcântara et le Français, il y avait ainsi quelque chose de logique samedi à voir Hansi Flick lui préférer Musiala quand les adducteurs de Javi Martínez ont sifflé. Cinq minutes ont suffi au précoce international espoirs anglais, promis aux Three Lions malgré la cour assidue de la fédé allemande et son intermède de deux matchs avec les U16 teutons en 2018, à lui donner raison. Et à filer à chacun une bonne raison de mater ce Bayern-Lokomotiv sans grand intérêt sur le papier.
Par Simon Butel