- C3 – 16es – LASK-AZ Alkmaar
Mais c’est quoi cette folie LASK ?
Vice-champion d'Autriche au printemps dernier sous les ordres d'Oliver Glasner, aujourd'hui installé sur le banc de Wolfsburg, le Linzer ASK de Valérien Ismaël est l'équipe sensation de la Ligue Europa en cours et a l'occasion de valider jeudi soir sa qualification pour les huitièmes de finale de la compétition face à l'AZ Alkmaar (1-1 à l'aller). Une surprise ? Tout le contraire.
« Est-ce qu’on a peur ? Non, parce qu’on mérite d’être ici. » Sur le moment, Valérien Ismaël n’a pas tout à fait fusillé son interlocuteur du regard, c’était autre chose : une forme de coup de poing sur la table, envoyé par le coach d’une bande affamée que personne n’a vraiment vu arriver. Puis, il y a eu les actes, malgré la pression inhérente à un tel rendez-vous et un vent terrible : en visite à l’AFAS Stadion d’Alkmaar jeudi dernier, le technicien français du LASK est reparti avec « un très bon match » dans les poches et un nul (1-1) précieux en vue d’une qualification historique pour les huitièmes de finale de la Ligue Europa. Ce qu’il en garde une semaine plus tard : « Je suis fier de ce que les gars ont proposé. Ce n’était pas simple avec les conditions météorologiques, qui ont perturbé la construction du jeu. Avec le vent, les directions étaient aléatoires et il fallait énormément se concentrer. Ça n’a pas été un match simple, mais on est encore en course. » Et même en ballottage favorable, d’autant que le Linzer ASK a confirmé sa belle forme du moment en balayant Sankt Pölten (4-1) dimanche, profitant au passage du nul concédé plus tard dans la journée par Salzbourg sur le terrain de l’Austria Vienne (2-2) pour s’offrir trois points d’avance en tête du championnat d’Autriche.
Ismaël avait-il anticipé la chose ? « Je ne peux pas cacher que l’on est beaucoup plus heureux que prévu » , sourit l’ancien défenseur du Bayern, débarqué en ville au printemps dernier pour prendre la suite d’Oliver Glasner, parti à Wolfsburg en laissant une belle base : celle d’une équipe venant de terminer vice-championne d’Autriche derrière le RB Salzbourg, septuple tenant du titre qui n’a laissé filer que deux couronnes nationales au cours des années 2010 (en 2011 et en 2013). Reste qu’en l’espace de quelques mois à peine, Valérien Ismaël a réussi à amener la troupe à l’étage supérieur, en deux temps. En l’extirpant d’abord facilement de sa poule de Ligue Europa grâce notamment à trois copies parfaitement maîtrisées à domicile face à Rosenborg (1-0), au PSV (4-1) et au Sporting (3-0) et à une seule petite défaite, à Lisbonne (2-1), début octobre. En faisant d’elle, ensuite, un rouleau compresseur dans son pays : cette saison, en championnat, le LASK a remporté 75% de ses rencontres, n’a chuté que deux fois et présente la meilleure défense d’Autriche. Le 14 février, le club de Linz a surtout été s’imposer sur la pelouse de Salzbourg (2-3), une première depuis 2011, et a mis définitivement tout le monde d’accord : oui, ces types sont bien à leur place.
« J’ai compris l’équipe, l’équipe m’a compris »
Et ils ont surtout ramené le LASK dans la lumière après une énième période de tumulte qui avait envoyé le club en troisième division il y a encore quelques années. En 2013, l’institution a ainsi été sauvée par un consortium d’investisseurs et un nouveau président, Wolf-Dieter Holzhey, avant de se restructurer progressivement et de retrouver l’élite du football autrichien au printemps 2017. « C’est un club très sérieux, qui sait où il veut aller, raconte Ismaël. Quand on voit d’où le club revient, il faut rester humble. J’ai eu la chance de suivre ça de relativement près, car le club m’avait déjà contacté il y a cinq ans, après mon expérience à Nuremberg. J’étais venu rencontrer le président et les dirigeants, j’avais déjà senti qu’un beau projet se montait à Linz. À l’époque, j’avais choisi de partir à Wolsburg, mais il n’empêche que j’ai gardé un œil attentif sur leurs performances, d’autant que j’habitais à deux heures de l’Autriche, donc j’allais déjà souvent voir des matchs ici. Je connaissais bien le contexte. » Durant cette période, Valérien Ismaël, qui avait connu des premières expériences compliquées en tant qu’entraîneur principal à Nuremberg, Wolfsbourg et en Grèce, a aussi pris le temps de travailler ses principes, de revoir son ancien coach au Werder, Thomas Schaaf, et de prendre part à de nombreux séminaires, notamment au Portugal, où il a pu rencontrer certains coachs de Premier League. « J’ai échangé avec de nombreuses personnes, j’ai écouté les idées, j’ai trouvé de nouvelles pistes… Cette période creuse m’a aidé à fortifier ma philosophie de jeu et j’en avais besoin, pour avoir de meilleures clés, une meilleure connaissance des différents systèmes… Puis, je suis arrivé ici, j’ai récupéré une équipe qui n’a quasiment pas bougé par rapport à la saison dernière et qui évoluait déjà selon des principes proches des miens. J’ai compris l’équipe, l’équipe m’a compris. Maintenant, on avance. »
Vite, et bien. Ismaël a récupéré le 3-4-3 utilisé avec Glasner et cherche à déployer un football pro-actif, semblable à celui vu à Salzbourg ou à Leipzig. « Oui, chez nous aussi, la clé, c’est l’intensité, expose l’entraîneur français. C’est la base à mes yeux et je veux de l’intensité aux entraînements, aux matchs, partout, tout le temps. Ensuite, dans l’animation, je souhaite voir des joueurs volontaires, courageux, qui n’ont pas peur de prendre des risques. Face à Salzbourg, c’est ce qui a fait la différence : on a osé, j’ai vu des mecs qui ont confiance en eux et en leur manière de jouer au football, qui sont convaincus par notre approche. Tout ça, c’est aussi le fruit de notre parcours en Ligue Europa, qui est une compétition qui nous a ouvert l’esprit. Désormais, on n’a plus peur de personne et on arrive à provoquer du stress chez n’importe quel adversaire. C’est une force. » De nombreux éléments reviennent dans la campagne du LASK : l’utilisation massive des latéraux (Ranftl à droite, Potzmann ou Renner à gauche), une relance en « M » où les défenseurs centraux recherchent systématiquement les deux joueurs axiaux (Holland et Michori), la multiplication de triangles naturels et des renversements… Un éloge du foot moderne, que le LASK peut surtout déployer en Europe, ses adversaires nationaux ayant davantage tendance à se retrancher. Jeudi soir, l’équipe d’Ismaël passera un nouveau test, alors que le RB Salzbourg, qui a perdu de nombreux cadres cet hiver (Minamino, Håland, Pongracic), est déjà quasiment éliminé après sa défaite à l’aller à Francfort (4-1). Un « bonus » dans une saison déjà réussie et où l’objectif le plus raisonnable est certainement la conquête d’un premier titre de champion d’Autriche depuis 1965. Un horizon tout sauf impossible. Cette histoire ne fait certainement que commencer.
Par Maxime Brigand
Propos de Valérien Ismaël recueillis par MB.