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Mais bordel, pourquoi se faire tatouer la tête d’un footballeur sur le cul ?
Voir la tête d’Alexandre Lacazette bien « encrée » sur le postérieur d'un supporter d’Arsenal pose bon nombre de questions quant au sens de cette démarche. Consultation auprès de professionnels de l’aiguille pour connaître les motivations de ces clients un peu particuliers, qui ne reculent devant aucun pari perdu au moment d’avoir une star sous la peau des fesses.
Un Jorge Sampaoli qui fait les gros yeux, un message exhortant David Moyes à plier bagage, une dédicace à John Obi Mikel, le score d’un match que l’on veut garder gravé à jamais… Le fessier apparaît comme le cadre idéal pour les supporters qui souhaitent manifester toutes sortes d’émotions, de l’adulation à la revendication, toujours à travers l’art figuratif du tatouage. La dernière en date est cette reproduction à l’effigie d’Alexandre Lacazette, que l’Anglais Sam Leach s’est fait dessiner sur l’arrière-train.
Pierre-Gilles Romieu ne reste pas insensible face à cette pièce plutôt originale. « En tant que Lyonnais, je trouve forcément la démarche intéressante » , reconnaît le tatoueur du salon parisien La Bête Humaine, avant d’y poser un regard professionnel. « Techniquement parlant, on a vu mieux. Pour être spécialiste du portrait, je ne trouve pas que celui-ci soit d’une ressemblance frappante. Ça dépend de quel côté on le regarde. » Des traits épais, un sens des proportions aléatoire, assorties d’une moue étrange sur le visage de Lacaz’, les erreurs se multiplient. À moins que Tom Wood, le tatoueur en question, ne soit fan de Tottenham et se soit payé le luxe de réaliser un énorme troll en incrustant le visage de Darren Bent en lieu et place du néo-Gunner. « Ce serait vraiment une grave erreur professionnelle de faire ce genre de coup » , évacue-t-on chez les collègues.
Questions sur un champion
Bien que l’on puisse saluer le sens de l’honneur et de l’engagement de ce brave Sam Leach, ayant assumé son pari intempestif, vient le temps de savoir les motivations d’un tel jusqu’au-boutisme. Quel plaisir ou quelle fierté peuvent procurer cette relation charnelle avec un joueur, aussi talentueux soit-il ? Pourquoi vouloir y laisser sa peau du cul, sachant que c’est ce qu’a coûté la prestation, estimée entre 600 et 800 euros selon les devis. « C’est clair que le mec cherche à se faire remarquer, à créer un buzz ou faire marrer. Je ne suis même pas sûr qu’il aurait trouvé un intérêt de se le faire sur le bras » , analyse Louis Lacourt, qui exerce au Ravenink Tattoo Club. Pour son homologue Pierre-Gilles Romieu, cette initiative est plutôt à inscrire dans un processus de dépassement de soi, de spontanéité, guidée par cette idéologie dite du « YOLO » . « Il a fait ce qu’il a dit, c’est bien. C’est pour le fun et on a bien le droit de rigoler dans la vie, admet celui qui a déjà tatoué Rémi Cabella lors de sa période avignonnaise. Rien ne dit qu’il le regrettera un jour, sauf si Lacazette fait une saison catastrophique ou qu’il part à l’Atlético dans six mois. »
Chez Ravenink Tattoo Club, on est un peu plus rabat-joie. « J’ai accepté de faire le portrait de Julien Lepers sur les fesses d’un client, mais c’est un animateur qui est là depuis 30 ans, reconnu dans le monde des médias et du show-business. En revanche, j’aurais certainement refusé de faire le portrait d’un joueur comme Lacazette, témoigne Louis Lacourt, qui tient à respecter la déontologie professionnelle. Dans cinq ans, on ne parlera plus de lui. C’est pareil si on me demande Griezmann, je trouve ça débile. Ce ne sont pas des icônes incroyables comme peuvent l’être Platini ou Papin qui eux ont déjà marqué l’histoire. »
L’enfer du derrière
Reste la question de la partie du corps choisie : une fesse, en l’occurrence. Pierre-Gilles fait émerger une première contradiction : « En règle générale, on fait des portraits sur un endroit que l’on peut voir, parce que là on n’en profite pas vraiment » . De quoi mettre en évidence l’altruisme du geste : on ne fait pas ça pour soi, mais pour une communauté de supporters ainsi que pour agiter les sphères des réseaux sociaux. D’autant qu’un certain investissement physique doit être pris en compte. « C’est un enfer pour le tatoué comme pour le tatoueur, avertit Louis Lacourt. C’est un zone très douloureuse à cause des nombreuses terminaisons nerveuses, avec une peau molle même si on est musclé. » « Pour nous, c’est une zone élastique, très chiante, qui déforme beaucoup, confirme Pierre-Gilles. Il faut être très bon pour faire un portrait sur la fesse. » Quoi qu’il arrive, pour un supporter d’Arsenal, ce souvenir indélébile fera toujours moins mal au cul qu’un huitième de finale de C1 contre le Bayern…
Par Mathieu Rollinger
Propos recueillis par MR.