- Euro 2012
- Phase de poules
- Bilan
Mais bordel, où sont passés les 0-0 ?
C’est l’un des enseignements de ce premier tour de l’Euro 2012 : aucun des 24 matches disputés depuis le début de la compétition ne s’est soldé par un score nul et vierge de 0-0. Parce que les attaques sont bonnes ou parce que les défenses sont nulles ?
La dernière fois qu’une phase de poules de l’Euro n’avait pas connu de 0-0, c’était en 1988. À l’époque, néanmoins, la compétition ne se disputait pas à seize, mais à huit équipes. Donc deux fois moins de matches. Donc deux fois moins de chances de tomber sur un 0-0. L’édition 2012 peut donc être considérée comme une première en la matière. En 2008, on avait eu droit à un 0-0 lors de cet affreux France-Roumanie, tandis que lors du tournoi 2004, pas moins de trois rencontres du premier tour s’étaient terminées sur ce score nul et vierge. Mais en 2012, les filets tremblent. 25% des rencontres n’ont eu droit qu’à un seul pion, 33% ont donné lieu à deux buts, 21% à trois réalisations et 21% à quatre buts ou plus. Une répartition plutôt équitable, pour un moyenne générale de 2,5 buts par match. Or, ce manque de 0-0 est-il une coïncidence ou le fruit de certains faits avérés ? Peut-être un peu des deux, même si l’on aurait tendance à penser que quelques facteurs jouent indéniablement.
Thiago, Vincent et Nemanja
Il est intéressant, tout d’abord, d’aller voir ce qu’il se passe du côté des défenses. Lors de ce premier tour, aucune équipe n’est parvenue à conserver ses cages inviolées. La meilleure défense demeure l’Espagne, avec un seul but encaissé, devant un tandem composé de l’Italie et l’Allemagne, qui en ont chacune pris deux. Et si ces équipes n’ont pris que si peu de buts, elles le doivent plutôt au fait qu’elles ont toutes un immense gardien plutôt qu’à la rigueur impériale de leur défense. Et c’est peut-être là que l’on peut trouver la première explication à cette absence de 0-0. Il n’y a, en effet, aucune équipe qui aligne une charnière centrale impressionnante. Oui, l’Espagne a Piqué et Sergio Ramos, qui ne sont pas les derniers venus. Mais le défenseur du Real Madrid, longtemps positionné sur l’aile par Mourinho, a commis quelques bourdes (une sur Balotelli, l’autre qui aurait pu, ou dû, entraîner un pénalty sur Mandžukić) qui laissent à penser qu’il n’est pas impassable. L’Italie a Chiellini, mais ce dernier est out pour le reste de la compétition. Barzagli et Bonucci, bien qu’ils aient guidé cette saison la meilleure défense d’Europe à la Juventus, ne semblent pas de la trempe d’une charnière Nesta-Cannavaro. Quant à l’Allemagne, si Hummels fait un énorme début d’Euro, Badstuber est loin d’être un monstre.
Alors quoi ? Serions-nous donc en pénurie d’immenses défenseurs centraux ? Peut-être. Il faut dire que ceux qui sont actuellement considérés comme les meilleurs défenseurs centraux du monde, à savoir les Thiago Silva, Kompany ou Vidić, ne participent pas à l’Euro. Ajoutez à cela les absences forcées (pour des raisons diverses) de Puyol et Ferdinand et vous obtenez des équipes qui ne font certainement pas de la défense leur atout principal. L’Angleterre, peut-être, avec Lescott et Terry, aurait pu y prétendre, mais certaines errances contre la Suède ont prouvé le contraire. Même constat, d’ailleurs, pour l’Italie : impressionnante défensivement lors du premier match contre l’Espagne, la Nazionale a sabordé ses prestations par deux grosses erreurs de marquage, sur Fàbregas et Mandžukić, qui ont coûté 4 points. Lors des matches à élimination directe, elle ne pourra plus se le permettre. On ne préfère, à ce propos, même pas évoquer le cas de la France. Mexès, Rami… Non, on ne risque pas de voir de 0-0 avec eux.
Au bon souvenir de Italie – Pays-Bas 2000
Un 0-0, c’est aussi, parfois, le fruit d’une stratégie. « Jouer le 0-0 » , dit-on d’ailleurs dans le jargon. Une stratégie que l’on a souvent prêtée aux Italiens, et au célèbre catenaccio. Un catenaccio que l’Italie et les équipes italiennes ont arrêté d’utiliser depuis des années et des années. Mais bon, difficile de se défaire d’un stéréotype. Or, dans cet Euro, aucune équipe n’est entrée sur la pelouse avec la ferme intention de bloquer le jeu et de se contenter du 0-0. Contre l’Espagne, l’Irlande aurait bien aimé. Mais elle en a pris 4. L’Angleterre a bien cadenassé contre la France. Mais elle avait déjà marqué et encaissé un but auparavant. La preuve que, dans l’ensemble, les sélectionneurs ne font pas vraiment dans le calcul. L’exemple typique est celui de la Suède. Contre l’Angleterre, les Suédois menaient 2-1 et auraient pu verrouiller. Bah non. Les potes d’Ibra ont continué à attaquer. Résultat : ils en ont pris deux et ont perdu. Or, si on fait les calculs : avec 3 points, ils sont éliminés, mais avec 4, ils auraient pu se qualifier. Même si rien ne dit qu’ils auraient fait le même match contre la France s’ils savaient qu’il y avait une qualif’ au bout, hein…
Il reste désormais sept matches pour boucler l’Euro sans le moindre 0-0, ce qui serait un peu fou. Lors des quatre dernières éditions, il y a toujours eu au moins un 0-0 à partir des quarts de finale. En 2008, c’était le match entre l’Italie championne du monde et l’Espagne qui lui succèderait deux ans plus tard. En 2004, un Suède – Pays-Bas en quarts s’était soldé par un 0-0, tandis qu’en 2000, c’est le Italie – Pays-Bas qui avait connu son dénouement aux tirs au but après que le match n’avait pas réussi à se décanter (malgré deux pénos ratés par les Néerlandais). En 1996, deux quarts de finale (France – Pays-Bas et Espagne – Angleterre) ainsi qu’une demi-finale (France – République tchèque) avait donné lieu à ce bon vieux 0-0. Il suffit de faire ses jeux. Un score nul et vierge entre l’Italie et l’Angleterre ne nous étonnerait qu’à moitié. Après, ce serait beau de terminer un Euro sans un seul 0-0. Même si, pour certains, 0-0 veut dire que les deux équipes ont été parfaites tactiquement parlant. Allez dire ça aux adeptes de la Ligue 1…
Eric Maggiori