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Mais bordel, c’est quoi, un match qui se joue « sur des détails » ?

Par Eric Maggiori et Christophe Gleizes
Mais bordel, c’est quoi, un match qui se joue «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>sur des détails<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>» ?

C’est l’une des phrases favorites des entraîneurs et des joueurs et vous risquez encore de l'entendre ce soir et demain lors des interviews post-match de Ligue des champions. « Ce match s’est joué à des détails. » Et peu importe si le score final est de 1-1 ou de 4-0. Pour eux, tout n’est qu’une question de petits détails. Mais, bordel, ça veut dire quoi, exactement, un match qui se joue à des détails ?

Nous sommes le 9 novembre dernier. L’OGC Nice est battu 3-1 sur la pelouse du PSG. À chaud, Claude Puel, l’entraîneur niçois, analyse la défaite : « Ça s’est joué sur des détails, même si le PSG a eu une grosse maîtrise en première période. » Une défaite 3-1 juste sur des détails ? D’accord. 1er septembre dernier. L’OM s’incline 2-1 à domicile contre Monaco. Pour Dimitri Payet, la raison de cette défaite est toute trouvée : « Ça s’est joué sur des petits détails. Nous, on marque sur un coup de pied arrêté. Eux, ils marquent sur deux actions où l’on n’est pas attentifs. » Très bien, Dimitri. D’autres volontaires ? Oui, à commencer par son coéquipier Rod Fanni, qui revient sur la sinistre campagne de Ligue des champions du club olympien : « À part à Dortmund, ça ne tient jamais à grand-chose. Il doit certainement nous manquer un petit quelque chose, c’est difficile à expliquer. La différence se fait plus au niveau des résultats que sur le terrain. Les détails font la différence ; on peut s’en vouloir. » À la lecture de ces déclarations synthétiques et redondantes, deux constatations s’imposent à l’observateur averti. D’une : c’est toujours le perdant qui considère que le match s’est joué sur des détails. De deux, il va falloir, messieurs, nous expliquer la différence entre un « détail » et un « petit détail » . Puisque, par définition, un détail désigne déjà une petite particularité.

Alibi de l’échec

Un rapide examen du Petit Larousse nous en apprend davantage sur la signification de ce mot galvaudé chaque semaine par les footballeurs de tous bords. « Elément secondaire, sans importance » ou « élément particulier d’un ensemble » , le détail se présente d’abord comme une bagatelle, une broutille, un accessoire sans réel intérêt. Pourquoi dès lors lui attribuer la paternité des défaites même les plus méritées ? Parce qu’ils sont nombreux, peut-être, à penser comme Guy Roux, qui a un jour déclaré au sortir d’une méditation : « La différence entre la réussite et l’échec, c’est le soin apporté aux détails. » Est-ce à dire que Marseille aurait pu gratter quelques points face à ses concurrents européens avec un peu plus d’application ? Sûrement. Pourtant, à y regarder de près, la catastrophe industrielle olympienne n’a pas grand-chose à voir avec la chance ou la réussite. Simplement, les hommes d’Élie Baup sont tombés sur meilleurs qu’eux, pour des défaites indiscutables et indiscutées. Reste une question en suspens, et non des moindres : que se cache-t-il derrière ces fameux détails ?

Le plus simple reste encore de demander la réponse aux principaux intéressés. Surpris par la question au téléphone, Pape Mboup, le joueur de l’AS Cannes, rigole quelques secondes avant d’expliquer : « Eh bien, les détails, cela peut être une erreur sur une position défensive, ou une succession d’occasions que l’on n’arrive pas à mettre au fond, alors que l’équipe d’en face marque sur sa première tentative. En somme, ce sont les différents ingrédients d’un match qui font sa particularité. Le plus souvent, on dit que ça se joue sur des détails quand il y a eu un fait de jeu décisif lié à un manque d’efficacité, un manque de chance ou un manque de concentration. » Un poteau sortant, une dernière passe ratée, une intervention défensive décisive ou encore une décision arbitrale contestée sont ainsi autant d’éléments qu’on se remémore au moment de dresser le bilan d’après-match, la tempe ruisselante et le micro braqué aux lèvres. « On a quand même l’impression que cette histoire de détails, c’est de plus en plus un poncif pour se dédouaner de toute responsabilité, alors qu’en fait ce sont le plus souvent des défauts que l’on peut et qu’on doit corriger » , analyse Gilles Vervisch, philosophe du football. « On dit qu’on a manqué de chance ou de réalisme, alors qu’au fond on n’a simplement pas réussi à cadrer nos tirs : on cache un manque de technique derrière une grande phrase philosophique, alors qu’en réalité, c’est juste qu’on ne sait pas viser. » Devenu alibi pour masquer les lacunes, l’ode au détail serait ainsi de plus en plus utilisée par les footballeurs comme « un moyen de minimiser ou de masquer les raisons logiques qui ont conduit à la défaite » .

De la chance dans le football

Lucide et concentré, le spécialiste du ballon rond poursuit son développement à charge, en introduisant une nouvelle facette au problème : « Gagner un match de foot, cela demande plusieurs qualités ou compétences, qu’elles soient physiques, techniques ou intellectuelles. Le détail en question peut le plus souvent être un manquement à l’un de ses trois éléments, ou alors une circonstance extérieure indépendante de notre volonté. » Dans ce dernier cas, le détail devient chance : plus qu’un manquement personnel, il tient à des circonstances extérieures particulières, contre lesquelles on ne peut rien. « Cela me rappelle un texte de Sartre qui parle d’un tireur à l’arc qui peut rester de longues minutes à viser et s’appliquer, mais qui finalement rate sa cible à cause d’un rayon de soleil qui l’éblouit pile au mauvais moment. Dans le football, on a parfois beau réaliser parfaitement ce qui dépend de nous, la victoire n’est pas forcément au rendez-vous. »

C’est sans doute ce qu’a voulu expliquer Louis Nicollin au micro de L’Équipe TV, lorsqu’on lui a demandé les raisons du récent licenciement de Jean Fernandez : « Il faut avoir du cul aussi dans la vie. Jean, il est pas greffé sur un concombre (rires), le malheureux. Ah ouais, non, il est noiraud. C’est incroyable, c’est impensable ce qui nous arrive depuis le début de saison, franchement je n’ai jamais vu ça. En quarante ans de métier, j’en ai vu des entraîneurs malheureux qui n’avaient pas de chance, mais des comme lui, vraiment, je n’en ai jamais vu. » Et le président de Montpellier d’expliciter le fond de sa pensée, en mettant en avant l’idée que la victoire est avant tout affaire de chance et de détermination : « Le mec qui a la réussite et qui inculque la niaque à ses joueurs, crois-moi que ça y fait. Il n’y a qu’à voir René Girard à Lille, ils ont un gardien imbattable, et pour le reste vas-y que je te marque un but à la 92e minute(ndlr : contre Marseille). C’est comme nous quand on a été champions ; c’est comme ça, c’est le football, tu ne peux pas faire autrement. »

Dans ce monde du ballon rond où tout se joue sur des détails, l’entraîneur est en première ligne et joue le rôle de fusible dès que les circonstances sont contraires. Si l’on ne peut certes pas réduire l’échec de Fernandez à « un manque de chatte » , au vu de l’indigence du spectacle offert à la Mosson depuis le début de saison, il n’en reste pas moins que la frontière reste floue entre la victoire et l’échec. Son successeur dans l’Hérault, Rolland Courbis, peut d’ailleurs en témoigner : « Comment voulez-vous tirer une vérité générale ? La part de responsabilité de l’entraîneur dépend du niveau des joueurs à disposition. » L’ancien coach de l’OM se souvient d’ailleurs d’une partie mémorable au Vélodrome contre Montpellier, le 22 août 1998. Menée 4-0 à la mi-temps devant son public, son équipe réussit l’exploit insensé d’inscrire cinq buts d’affilée en seconde période pour finalement s’imposer au terme d’un scénario à couper le souffle (5-4). Entre ces deux mi-temps, qu’est-ce qui a changé ? Pratiquement rien, si ce n’est quelques détails : l’entrée de Camara à la place de Gourvennec, doublée d’un court discours dans le vestiaire. « Sur ce match, j’estime que notre remontée est due à 33% pour moi, 33% pour mes joueurs, et 33% pour Montpellier, qui a inexplicablement reculé en seconde période. Mais concrètement, je pensais avoir une chance sur un million de revenir. »

L’entraîneur, chasseur d’incertitudes

La récente double confrontation entre la France et l’Ukraine (0-2 puis 3-0) ou la finale de Ligue des champions 2005 entre Liverpool et Milan (3-3) sont autant d’exemples de retournements de situation improbables, et surtout difficilement explicables. Alors que les équipes sont quasiment inchangées, voire modifiées à la marge, le score, lui, varie du tout au tout en l’espace d’une mi-temps ou d’un match retour. De quoi effectivement penser que le diable se cache dans les détails. Plus que jamais, il revient donc aux entraîneurs de limiter au maximum les incertitudes liées au football et à ses particularités qui font son charme. Pour cela, il faut rechercher l’harmonie collective comme la panacée, afin de réduire autant que possible les conséquences de certains manquements individuels, couacs ou autres coup du sort. Ancien international belge reconverti entraîneur de Lille dans les années 80, Georges Heylens livre sa vision du métier de technicien : « Le rôle de l’entraîneur, c’est de savoir allier différentes mentalités à différentes places. Il faut savoir réunir pour mieux exploiter, avoir la juste parole ou le geste juste pour que tout le monde joue dans le même orchestre. Ensuite, les joueurs sont sur le terrain et ce sont les premiers à devoir nous fournir la qualité et le résultat. Mais nous devons avoir la vision du futur. »

« Un entraîneur, c’est très important ; c’est la pierre angulaire du système. Entre le choix des joueurs ou la gestion du groupe, il donne des repères ou la direction à suivre » , confirme Claudiu Keserü, l’attaquant bastiais, avant de nuancer son analyse : « Selon moi, le succès de l’entraîneur, c’est d’emmener son équipe dans les trente derniers mètres. Ensuite, c’est la créativité des joueurs et leur aptitude offensive qui est en question. Tu peux respecter à la lettre ce que ton entraîneur te dit et ça ne fonctionne pas toujours. » De quoi forcément pousser à l’humilité, même chez les plus grands. Qualifié avec la Suisse pour la Coupe du monde au Brésil, le sélectionneur Ottmar Hitzfeld a tenu à rappeler une vérité douloureuse : « Une Coupe du monde se joue sur des détails. Souvenez-vous de 2010 : nous battons l’Espagne, avant de perdre contre le Chili en raison d’une expulsion et d’un but litigieux. Les détails sont cruciaux, tout comme la part de chance qui doit vous accompagner dans un tel tournoi. » Ainsi, si tout le monde s’accorde sur l’importance de ces fameux détails, personne ne semble savoir comment faire pour y remédier vraiment. Et Georges Heylens de conclure l’air dépité : « Quoi qu’il arrive, à un moment donné, on est toujours impuissant. »

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