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Mais bon sang, que se passe-t-il au Stade des Alpes ?

Par Antoine Donnarieix
7 minutes
Mais bon sang, que se passe-t-il au Stade des Alpes ?

Le mois dernier, la rencontre entre le Grenoble Foot 38 et la réserve de l’AJ Auxerre révélait un sac de nœuds autour de la grande enceinte sportive de la région. La raison ? Une cohabitation entre le GF38 et le FC Grenoble Rugby. Décryptage d’un imbroglio entre clubs, supporters et propriétaire.

27 mai 2011, sur les coups de 21h. Officiellement dernier de Ligue 2, le Grenoble Foot 38 vient de se faire fesser au Havre (5-0). Une défaite anecdotique pour les Isérois, tant l’avenir du club est alors en plein blizzard. Index Corporation s’apprête à rendre son tablier, sérieusement noirci par sa gestion calamiteuse du club. Le GF38 attend un repreneur d’une part, et une descente en National de l’autre. Début juillet, le propriétaire japonais ne peut rembourser sa dette de 2,9 millions d’euros, le dépôt de bilan est inéluctable. La chute peut être très lourde, puisque le club peut potentiellement évoluer en Division d’Honneur régionale. Si la sanction installera finalement Grenoble en CFA2 pour la saison 2011-2012, des effets secondaires viendront s’attacher suite aux décisions du propriétaire de l’enceinte grenobloise, Grenoble-Alpes Métropole.

« Baisser les subventions »

Au sein de ses locaux du 3 rue Malakoff, un projet de délégation de service public est en cours. Il mettra 18 mois à se mettre en forme, pour laisser Carilis, un groupe spécialisé dans l’exploitation d’équipements sportifs et de loisir, transformer le stade en « lieu de vie » . Vice-président des équipements sportifs et du Stade des Alpes pour la Métro, Claus Habfast témoigne : « En 2011, il n’y avait plus de club résident. C’était la volonté du président de l’époque d’ouvrir le stade à d’autres résidents, comme un club de fitness, en attendant le retour du GF38 à haut niveau. Le délégataire est devenu forcé à rentabiliser l’exploitation du stade d’un point de vue financier, et pour l’aider dans cette tâche, le nouveau corps municipal élu en 2014 a considéré qu’un autre club pouvait aussi subvenir aux besoins d’exploitation : le FCG. Cela permettait de baisser les subventions, et c’est aussi du bon sens à ce niveau. Le meilleur club de la région se retrouve dans le meilleur stade. » Depuis, le FC Grenoble Rugby, en Top 14 depuis deux ans, voit son statut de club résident prévaloir sur celui du GF38 au Stade des Alpes. L’origine d’un malaise.

GF38-Auxerre B, le match de trop

Au sein des supporters du Grenoble Foot 38, la politique actuelle est à la parole. Une chose plutôt rare dans le milieu. « Depuis sa montée en top 14, le FCG s’insère de plus en plus au Stade des Alpes, explique Baki, membre du collectif Red Kaos. Au début, ils jouaient leurs cinq plus gros matchs, puis ils sont passés à dix, puis à tous les matchs de championnat. Depuis cette année, ce sont tous les matchs de championnat et de coupe d’Europe. L’an passé, on s’est fait éjecter du stade deux fois : contre Fréjus, puis contre Mont-de-Marsan. Cette saison, nous avons déjà été virés deux fois, et une troisième exclusion est prévue au mois de janvier. » Si de telles exclusions ont lieu, c’est que depuis deux ans, cette cohabitation FCG/GF38 au Stade des Alpes rencontre des impasses au moment où des doublons apparaissent sur les calendriers respectifs des clubs.

Dernier en date, l’enchevêtrement entre FCG-Toulon, joué le dimanche et couvert par Canal +, et GF38-Auxerre B, lors du week-end de la Toussaint. Après de longues négociations via communiqués et contre-communiqués des deux clubs, Marc Chérèque, président du FCG, accepte de laisser jouer le GF38 dans son stade, le samedi 31 octobre à 15h, sous conditions. Trois jours après, revirement de situation : les gérants du FCG se voient dans l’obligation de peindre des logos Orange et Société Générale sur la pelouse. Le GF38 est invité à trouver dans l’urgence un terrain d’entente avec la ville de Chambéry, en Savoie. Dans les faits, le FCG ne voulait pas prendre le risque de poser la peinture un jour avant avec le match du GF38, car la détérioration de la pelouse pouvait engendrer des sanctions de la Ligue Nationale de Rugby (LNR) en cas de détérioration par la pluie. « Des faux problèmes, ajoute Baki. La seule chose que l’on voit, c’est que le FCG s’approprie le Stade des Alpes, tout doucement. Il ne se prive pas pour nous faire des coups bas dans tous les sens. On ne se laissera pas faire. »

Instaurer une collaboration

Si l’homme est aussi engagé, c’est que la cause défendue lui semble juste. « La cohabitation, nous sommes complètement d’accord pour la faire avec le FCG. Mais dans ce cas-là, il faut réellement cohabiter. L’expulsion, ce n’est pas une solution possible, c’est ça que l’on dénonce. Le FCG peut jouer ces matchs au Stade des Alpes, mais il doit aussi prendre en compte son frère, le GF38. Aujourd’hui, on se sent pris pour des cons. » Face à ce triste constat, les intérêts de la Métro doivent aussi entrer en considération. « En tant que propriétaire, nous considérons qu’il est bête de garder ce Stade des Alpes vide, évoque Claus Habfast. Le stade Lesdiguières, ce n’est pas un beau stade. Avec ce stade des Alpes, le FCG détiendrait l’une des plus belles enceintes du Top 14. Nous avons mis en place ce partenariat GF38/FCG, comme cela avait eu lieu à Lesdiguières. »

Le stade Lesdiguières, c’est l’enceinte du FCG. Depuis le printemps 2008 et l’inauguration du Stade des Alpes, le GF38 l’avait quitté, pour retrouver sa terre initiale. « C’était un aparté pour le GF38, évoque Baki. Si nous avons passé dix ans là-bas, c’était parce que notre ancien stade Charles-Berty était trop vétuste pour la télévision, parce que la construction du Stade des Alpes était en cours. Il fallait donc trouver un autre terrain. Mais notre place à l’origine, c’est cet emplacement du parc Paul Mistral. C’est historique. Ensuite, accepter de venir jouer à Lesdiguières, cela va conforter le FCG dans sa position de résident au Stade des Alpes. Ils vont nous dire : ‘Vous voyez, le football est très bien à Lesdiguières…’ Pour nous, c’est hors de question de bouger dans ce stade. Le GF38 reste plus mesuré là-dessus, même si actuellement, c’est impossible de jouer là-bas. Lesdiguières est rempli de sponsors à l’effigie du FCG, le seul club qui s’entraîne dans un stade de 12000 places. » Pour instaurer une collaboration, c’est assez limite.

La fin du litige, c’est pour bientôt ?

Le mois dernier, Marc Chérèque s’était exprimé à travers un communiqué pour expliquer la situation à Lesdiguières : « Nous reconnaissons que Lesdiguières est très marqué FCG, nous entamons un travail de nettoyage d’une grande partie des panneaux publicitaires, mais nous n’éliminerons pas totalement l’affichage FCG dans un site qui est celui de sa vie quotidienne. Là aussi, il faudra trouver des solutions faciles à mettre en œuvre pour que ce stade puisse servir de repli dans des situations exceptionnelles. » Interrogé sur le même sujet, Habfast cherche un moyen d’entente entre le FCG et le GF38 : « Lesdiguières, c’est une solution de repli pour le GF38 en cas de doublon. Le GF38 restera encore au Stade des Alpes pour cette saison et toutes les saisons à venir, ça c’est clair dans notre volonté. Il faut savoir que le GF38 rassemble jusqu’à 5000 spectateurs pour des matchs de CFA, nous souhaitons donc qu’il puisse jouer au maximum ses matchs au Stade des Alpes. En revanche, en cas de nouveau clash, le top 14 reste prioritaire. » Hélas, la solution est temporaire et sera à revoir, dans le cas où le GF remonte dans les divisions professionnelles…

Sur ce jeu des chaises musicales, la Métro espère de toute façon trouver un accord rapide pour terminer la saison dans de meilleures conditions. En l’occurrence, une réunion avait lieu le jeudi 12 novembre, pour établir une nouvelle donne. « Des mesures claires vont être mises en place pour la coexistence des clubs dans les deux stades, annonce Habfast. Comme cela, on saura quels seront les moments où un déménagement deviendra nécessaire. Les règles sont en train d’être édictées… Il faut arrêter de s’engueuler à chaque fois qu’un doublon se présente. Ce que l’on souhaite, c’est un esprit de coopération, permettre une bonne articulation des différentes mises en place afin de réduire le délai minimum possible entre deux matchs. Quand tout le monde se parle et que la communication est là, cela se passe correctement. Des exemples concrets ont déjà été vus à Bordeaux ou en Angleterre. Dans une ville de taille moyenne, il est normal que le foot et le rugby doivent se partager le stade. » Dans le monde du sport, un collectif soudé constitue la clé de la réussite. Et tout ce beau monde devrait le savoir.

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Par Antoine Donnarieix

Propos de Baki et de Claus Habfast recueillis par Antoine Donnarieix

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