- Coupe de Monde 2018
- Suède
Mais à quoi joue Zlatan Ibrahimović ?
La Fédération suédoise vient de rendre son verdict : Ibra avec la sélection au Mondial, c'est non. Mais alors, pourquoi a-t-il fait tout ce cirque autour de son retour ? La vérité est sans doute plus sournoise qu'il n'y paraît. En effet, si Ibra ne prendra pas part à la Coupe du monde, cela ne l'empêche pas d'aller en Russie pour jouer un autre rôle.
Le meilleur moyen d’ouvrir une porte qui s’est fermée, c’est de taper dessus le plus fort possible. Un mantra qui sert de boussole aux persévérants et aux courageux, mais aussi aux gros lourdauds. Dur de savoir dans quelle catégorie classer Zlatan Ibrahimović quand on l’entend brailler depuis des mois à propos de son retour en sélection pour la Coupe du monde. Avant, l’emploi du temps du Z était parfaitement réglé autour de ses deux activités préférées : jouer au football et faire du bruit. Depuis qu’il ne joue plus beaucoup au football, il ne lui reste que le boucan. Et force est de constater que si ses genoux commencent à lui jouer des tours, sa grande gueule, elle, est en pleine forme.
Il faut dire qu’en se mettant dans le crâne qu’il voulait aller en Russie cet été, Ibra s’était trouvé un sacré cheval de bataille et depuis quelques semaines, le tatoué donnait l’impression de mener une campagne hyperactive pour défendre sa cause, deux ans après sa retraite internationale. Sauf que mener campagne, c’est aller récolter des voix. Et ça, Ibra n’en a rien à foutre. Dans sa vision du monde, une seule voix lui suffit pour faire pencher la balance : la sienne. Et même exilé à neuf mille kilomètres de Stockholm, Zlatan avait assez de coffre pour envoyer : « Laissons-les ronger leur frein. Ils discutent entre eux pour savoir si je dois y être ou pas, parce qu’ils disent avoir une bonne équipe. Mais jusqu’à présent, ils n’ont rien gagné, et moi, je sais comment gagner. Comme je l’ai déjà dit, il n’y a pas quelqu’un qui doit appeler quelqu’un. Si je veux aller au Mondial, j’irai. » Manque de pot, en un communiqué officiel, la Fédé suédoise vient de lui couper la chique.
« Je crois qu’il va falloir arrêter de parler de lui. »
Il y a encore peu de temps, Zlatan pouvait se permettre ce genre de déclaration sans passer pour un clown. Quand il déclare en 2015 « J’ai ajouté la Suède sur la carte du monde » , pas grand monde ne songe à le contredire. Ibra était tellement écrasant et tellement important pour son pays qu’il pouvait se le permettre. En 2018, la donne a changé, et le fou s’est retrouvé confronté pour la première fois de sa vie à des garde-fous. Première haie, une opinion publique suédoise qui ne veut plus de lui. C’est le quotidien Expressen qui a osé jeter le pavé dans la mare en publiant un sondage révélant que 63% des personnes interrogées ne souhaitaient pas le come-back du meilleur buteur de l’histoire de la sélection. Deuxième obstacle, un sélectionneur qui grinçait des dents dès qu’il entendait parler d’Ibra et qui a reconstruit l’équipe sans lui.
Le soir même de la qualification de la Suède pour le Mondial, juste après le barrage contre l’Italie, Janne Andersson était interrogé sur un éventuel retour de l’attaquant de 36 ans. Verdict : « C’est incroyable, il a arrêté de jouer avec la Suède depuis un an et demi, et on parle encore de lui. Mon Dieu… Je crois qu’il va falloir arrêter de parler de lui. » Enfin, troisième barrage, les joueurs de la sélection eux-mêmes, qui n’hésitent plus à fermer le rideau, à l’image du gardien de Guingamp Karl-Johan Johnsson, interrogé la semaine dernière par le site Main opposée : « En tant qu’équipe, nous jouons tous ensemble alors que Zlatan est individualiste, en tant que joueur et en tant que personne. » Avant de résumer l’état d’esprit ambiant d’un lapidaire « On a réussi à se qualifier sans lui, donc je pense qu’on peut jouer la Coupe du monde sans lui. »
Russie, ça rime avec égérie
En effet, mettre Ibra dans l’avion pour Moscou serait revenu à jeter à la poubelle deux ans de boulot et à écraser les nouvelles têtes qui avaient émergé. Pas de quoi faire reculer un homme qui, depuis qu’il est arrivé à Los Angeles, a encore augmenté sa force de frappe médiatique. Car Ibra s’affiche désormais en une de ces journaux où on parle habituellement de Tom Brady ou de LeBron James, et enchaîne les passages dans les late show que la télé française n’a jamais réussi à copier. Chez Jimmy Kimmel, il a continué son manège : « Une Coupe du monde sans moi ne serait pas une Coupe du monde. » Soit. Mais en lisant entre les lignes, une autre grille de lecture apparaît. Depuis le mois de mars, Zlatan est l’ambassadeur du site BetHard.
Or la FIFA interdit de compétition les joueurs liés aux sites de paris sportifs. Réponse du Z : « La FIFA ne peut pas m’empêcher de jouer. Si je veux y aller, j’irai. Ce n’est pas la décision de la FIFA, c’est la mienne. » Mais la FIFA est peut-être la clé de l’énigme, puisque le groupe Visa – service officiel de paiement de la Coupe du monde et donc partenaire de la FIFA – vient de dévoiler sa nouvelle campagne publicitaire pour le Mondial. Comme par hasard, Zlatan en est l’égérie. On semble donc se diriger vers une présence d’Ibra en Russie, mais en tant qu’ambassadeur et mascotte publicitaire. Ce qui expliquerait pourquoi il avait ajouté chez Kimmel : « Je vais aller au Mondial. C’est la seule chose que je peux dire. Si j’en dis plus, des gens vont m’en vouloir. » Maintenant, reste le cas de l’autre retour annoncé par Ibra sur son Instagram, celui d’Henrik Larsson. Et là, avec un bonhomme de 46 ans sur les bras, les dents de Janne Andersson n’ont pas fini de grincer.
Par Alexandre Doskov