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Maillot de Valbuena : sacralisons les numéros plutôt que de les retirer
En retirant successivement les numéros de Diawara et Valbuena, l'OM s'attire les moqueries de toute part. En football, les numéros, c'est sacré.
Mine de rien, il s’est passé un truc assez rare dans le football avec le départ de Mathieu Valbuena. Normalement, lorsqu’un joueur qui a passé huit ans dans un club s’en va, on a droit à une petite phrase assassine ou à un claquement de porte. Les histoires d’amour finissent mal en général. Ça peut venir des dirigeants, qui se plaignent de voir un joueur préférer l’argent, du public, qui ne comprend pas pourquoi on ne fait pas tout pour retenir l’idole ou du joueur, qui trouve que son futur ex-club pourrait le respecter un peu plus en ne cherchant pas à en obtenir une rallonge qui risque de tout faire capoter. Avec son tweet au moment de son transfert avorté à Tottenham il y a quelques semaines, Morgan Schneiderlin a donné une belle illustration au sujet :
6 years of an amazing journey #saintsfc DESTROYED in 1 hour !!!
— Morgan Schneiderlin (@SchneiderlinMo4) July 29, 2014
Avec Valbuena, Labrune a réussi donc un joli coup. Car au moment d’évoquer le transfert au Dynamo Moscou, on a l’impression qu’ils viennent tous de visionner pour la première fois Amélie Poulain. L’OM prend des sous, le milieu un gros salaire en net, ça se finalise dix jours avant la reprise du championnat et la succession est au club depuis déjà un an. Sourires pour tout le monde. Dans l’euphorie, le président olympien ajoute que le numéro 28 sera retiré à l’occasion d’une cérémonie à venir. Et c’est reparti, il y a un nouveau motif pour se foutre de la gueule du club du sud de la France.
« Et Papin ? Boli ? Skoblar ? Waddle ? »
Labrune avait déjà tenté le coup fin mai, en annonçant que Souleymane Diawara allait partir avec son 21. En janvier, le staff avait laissé miroiter une prolongation au défenseur central au moment où il fallait qu’il joue son rôle de cadre dans un club en crise. En mai, ils se sont rendu compte qu’il avait 35 ans… Alors le club lui a fait comprendre que Bielsa ne voulait pas de lui, et hop, cadeau, en prime, ne me remercie pas, c’est pour moi, ça me fait plaisir, tu pars avec ton numéro. Une décision qui n’a pas trouvé écho chez un seul supporter phocéen. « Et Papin ? Boli ? Skoblar ? Waddle ? On a retiré leur numéro ? C’est bien gentil de faire du marketing, mais ça nous fait passer pour un club qui n’a pas d’histoire » , résume Jérôme, abonné au Yankee. L’idée de Labrune de créer un Hall of Fame comme en NBA est louable, mais en ce qui concerne les numéros de maillot, elle ne s’inscrit pas du tout dans la culture football, qui en tant que sport majeur obéit à ses propres règles.
Le 7 à Manchester, le 4 à Arsenal
Dans la Ligue Américaine, on choisit un numéro allant de 0 à 99. Forcément, ça ouvre le champ des possibles. La Serie A a d’ailleurs suivi, et le Milan AC s’est empressé de retirer les numéros de Baresi et Maldini. Mais de nombreuses voix s’élèvent en Italie pour revenir à une numérotation classique, allant de 1 à 32 selon la taille du groupe, avec les numéros 1, 16 et 30 pour les gardiens de but. En football, les joueurs passent, le numéro reste. Mais il n’est pas interdit de le faire vivre, voir de le rendre mythique. C’est ce qui se passe à Manchester United avec le numéro 7. Porté par George Best, Eric Cantona, David Beckham et Cristiano Ronaldo, il a un certain poids. A sa signature en janvier dernier, Juan Mata a préféré prendre le 8. Son message était clair : pas trop de pression de suite, laissez-moi montrer que je le mérite. Dans le même ordre d’idée, Barcelone fera vivre le numéro 10 après Lionel Messi. Mais peut-être pas de suite. Il faudra qu’un joueur s’affirme en tant que digne hériter de la Pulga, mais aussi de Ronaldinho, Maradona.
Thierry Henry avait, lui, pris le 14 avec la bénédiction de Cruyff… et laissé ce même numéro à Arsenal à Theo Walcott, qui a signé chez les Gunners car le Français était son modèle. Dans le club du nord de Londres, Fabregas, qui a démarré avec le 15, a pris le 4 de Patrick Vieira une fois le Français parti à la Juve pour une belle continuité au milieu de terrain. Une fois Cesc parti, Wenger n’ayant pas de nouveau relayeur de folie, il s’est arrangé pour que ce soit un stoppeur qui le récupère. Mais Aaron Ramsey, meilleur joueur du club l’an dernier, a déclaré dans une interview qu’il était désormais prêt à récupérer le fameux 4. Des histoires qui passionnent les fans « purs et durs » mais qui fait aussi vivre le marketing. En changeant de numéro, les joueurs incitent les supporters à se mettre à la page et à débourser à nouveau une jolie somme pour la tenue officielle.
Fiorèse et le 11 de Drogba
Elle est là, la chance de Labrune. Les numéros de Diawara et Valbuena peuvent être retirés… momentanément. Le jour où le club recrutera une armoire à glace derrière ou un meneur de jeu de poche, le 21 et le 28 pourront à nouveau être de sortie. Le nouveau venu sentira ainsi toute la confiance qu’on lui accorde, mesurant par la même occasion le prestige passé (récent) du club. Et si ça ne marche pas, de toute façon, on ne pourra jamais faire pire que Fiorèse, qui avait demandé à prendre le 11 de Drogba en arrivant à Marseille, au prétexte que ce même Drogba lui avait succédé à Guingamp en lui prenant ce numéro…
Par Romain Canuti, à Marseille