- CAN 2021
- Qualifs
- Comores-Égypte (0-0)
- Interview
« Madagascar est allé à la CAN, pourquoi pas les Comores ? »
En trois jours, les Comores ont battu le Togo à Lomé (1-0), puis fait match nul contre l’Égypte à Moroni (0-0), en qualifications pour la CAN 2021. De retour à Malmö, Fouad Bachirou, le milieu de terrain des Coelacanthes, formé au Paris-SG, est revenu sur ces deux performances finalement pas si surprenantes...
Salut Fouad. Les Comores ont donc fait 0-0 contre l’Égypte. À la fin du match, plusieurs centaines de vos supporters ont envahi la pelouse du nouveau stade de Moroni…
C’était bon enfant, les gens voulaient nous approcher, récupérer un maillot, un short, faire un selfie ou juste nous serrer la main. La sécurité a été débordée. Je pense que la Fédération sera sanctionnée, car cela ne se fait pas, mais il n’y avait aucune agressivité. Aux Comores, le football représente tellement pour les gens… On venait de faire un beau résultat face à une grande équipe africaine, trois jours après avoir battu le Togo. Les supporters étaient fiers et heureux, tout simplement. De plus, c’était l’inauguration de notre nouveau stade à Moroni, qui était plein. On a joué sur une vraie pelouse. Avant, c’était sur de vieux synthétiques, et comme on préfère pratiquer un jeu plutôt technique et offensif, c’est mieux.
Ce match nul face aux Pharaons, pour ceux qui suivent de près le football africain, n’est finalement pas une énorme surprise. Après tout, les Comores avaient accroché le Cameroun (1-1) et le Maroc (2-2) en qualifications pour la CAN 2019…Oui. Et le mois dernier, nous avions battu la Guinée en amical (1-0). Disons que pour ceux qui ne s’intéressent que de loin au foot africain, cela peut ressembler à un immense exploit. Après tout, les Comores, c’est un petit pays, qui ne tient pas une grande place sur la carte du football mondial. Mais cela fait plusieurs années qu’on progresse (les Comores ont été affiliées à la FIFA en 2005, N.D.L.R.). Peut-être que des gens pensent encore à l’époque où on perdait souvent, parfois lourdement. Aujourd’hui, je pense que nous avons une équipe capable de faire des résultats, et de tenir tête aux meilleurs.
Il paraît que vous aviez même quelques regrets après le match nul obtenu contre les Égyptiens ?Un peu, car nous avions tous le sentiment que la victoire était à notre portée. On aurait pu battre l’Égypte ! Notre début de rencontre a été un peu difficile, mais ensuite, on a su rivaliser et leur poser de gros problèmes. Je pense que les Comores ont été l’équipe la plus entreprenante des deux. Nous avons eu des occasions de marquer. Les Égyptiens aussi, c’est vrai, mais moins souvent.
Avez-vous eu l’impression que l’Égypte vous a pris un peu de haut ?
Non, pas du tout. Ils savaient que nous venions de gagner au Togo, et que chez nous, le Maroc et le Cameroun avaient souffert. Les Égyptiens étaient très concentrés, très impliqués. Ils s’attendaient à être bousculés, à ne pas tomber sur un adversaire qui ne pense qu’à défendre. Notre philosophie, c’est de jouer. Trop défendre, ce n’est pas notre truc. Bien sûr, il faut trouver un juste équilibre : par le passé, il a pu nous arriver de perdre des matchs, car on cherchait trop à jouer. Tactiquement, on progresse. C’est dû au fait que nous sommes tous ou presque professionnels en Europe, où beaucoup d’entre nous sont nés et ont été formés. Mais pour revenir au match contre l’Égypte, j’ai senti qu’ils ne nous prenaient pas de haut. D’ailleurs, quand leur sélectionneur fait entrer un défenseur à vingt minutes de la fin, tu comprends qu’ils ne sont pas complètement tranquilles…
On parle beaucoup de ce match nul, mais avant, il y a eu ce succès au Togo. Revêt-il pour vous la même importance ?J’ai même envie de vous dire que cette victoire à Lomé est encore plus significative. On gagne quand même chez une équipe qui a plusieurs fois participé à la CAN, qui compte de bons joueurs, qui a un sélectionneur (Claude Le Roy), réputé. C’est une victoire de référence, méritée. Nous avions rencontré le Togo en septembre, lors des qualifications pour la Coupe du monde (1-1, 0-2). On savait qu’on pouvait réaliser quelque chose. On a joué notre jeu, mais avec l’état d’esprit qu’il fallait. Nous avions besoin de ce match référence. Avec cette victoire et le nul contre l’Égypte, pour la confiance, c’est important.
Une qualification pour la CAN 2021 est aujourd’hui envisageable…
Oui. Même si seulement deux matchs ont été joués. Nous avons quatre points, c’est une bonne base. Deux équipes peuvent se qualifier, nous avons nos chances. On a regardé Madagascar lors de la CAN en Égypte. Ils ont atteints les quarts de finale, alors qu’il y a encore quelques années, ils en semblaient très loin. Alors, pourquoi les Comores ne pourraient pas envisager de se qualifier pour la CAN, et dès 2021 ? On a de l’ambition. Nous savons que ce sera difficile dans ce groupe, qu’il faudra bien négocier notre prochain voyage au Kenya, en septembre prochain. Mais quand je vois tout le chemin qui a été parcouru depuis trois ou quatre ans, j’y crois. Le staff, avec le sélectionneur national Amir Abdou, fait un énorme travail, alors que les moyens sont très limités. Nous sommes plusieurs à jouer en Europe, dans de bons clubs. Certains d’entre nous disputent les compétitions européennes, et tout cela profite à notre sélection…
Propos recueillis par Alexis Billebault