- JO 2024
- Cérémonie d’ouverture
Macron, maître du Je olympique
Emmanuel Macron tente apparemment d’utiliser les Jeux olympiques et paralympiques de Paris pour redorer son image et rassembler le pays autour de sa personne. Il a déjà essayé pareille stratégie avec le foot, et l’échec de son storytelling aurait dû lui servir de leçon. Mais non.
Emmanuel Macron ne s’en est jamais caché, les Jeux olympiques et paralympiques seront un des temps forts de son second quinquennat. Ce grand événement sportif international, « cette fête sportive », durant laquelle la planète entière aura les yeux rivés sur l’Hexagone (et son Jupiter), compte plus que tout dans la construction de sa propre légende, surtout dans le contexte politique actuel. Cet immense raout aussi bien diplomatique qu’économique que sera Paris 2024 constitue une opportunité unique pour lui de se croire de nouveau au centre du monde. Surtout après une campagne législative qui a traumatisé le pays, souligné l’affaiblissement de sa légitimité, y compris hors de nos frontières, et laissé la France avec un gouvernement démissionnaire, mais en charge des affaires courantes lors cette « parenthèse enchantée » athlétique. « Nous ne sommes pas en situation de pouvoir changer des choses parce qu’on créerait un désordre », a-t-il annoncé. Mais qui l’a causé, ce désordre ?
Une fois de plus, le président de la République entend employer le sport pour se poser en sauveur ou rassembleur de la nation, inventant même au passage une « trêve politique », déjà rejetée par les oppositions, à commencer par le NFP. On pouvait ainsi lire dans les colonnes du Parisien : « Un proche du chef de l’État a toutefois estimé que le travail des “forces républicaines” en vue d’une coalition devait se poursuivre pendant les JO, avec un président dans “un rôle d’arbitre, d’unité de la Nation et d’accompagnement” de ce grand rendez-vous sportif. » Bref : admirez-moi pendant « mes » JO, vous qui avez si mal voté. Malheureusement, ces JO ont peu de chance de se révéler aussi idylliques qu’il ne le rêve. Le début des compétitions, notamment en football, l’a d’ores et déjà illustré concrètement : hymne israélien sifflé (et argentin pour d’autres raisons), grève des danseurs de la cérémonie d’ouverture, etc. L’incantation consensuelle et unanimiste a peu de chance de fonctionner comme par magie. La France ne cessera pas d’être une démocratie pour le seul bonheur du CIO et de son VRP élyséen.
Sacré coup du sport
Le président de la République aurait dû pourtant être instruit par ces tentatives ratées et souvent contre-productives dans le domaine du football. En soustrayant les Bleus victorieux de 2018 à la joie populaire, pour les privatiser lors d’une party entre happy few dans les murs de son palais – bus détourné par un certain Alexandre Benalla –, il avait déjà commis une première faute de goût en confondant sa personne et la nation. Ce grand moment de bonheur tricolore s’était transformé en culte de sa personnalité. Or en démocratie, seul le peuple est souverain. Même hiatus quand il était descendu sur la pelouse à Doha après la finale perdue contre l’Argentine en 2022, afin de consoler un Kylian Mbappé sonné et mutique. Il était une fois de plus sorti de son rôle en essayant de se poser en petit père du pays, une figure rassurante caricaturale pour quelques points dans les sondages. Toujours dans le sillage du capitaine des Bleus, ses interventions répétées pour le conduire à rester au PSG, puis ensuite obtenir du Real un droit de visite pour les JO ont laissé l’impression d’une faiblesse politique, comme s’il cherchait auprès du ballon rond une légitimité populaire qui lui faisait défaut.
C’est ainsi qu’il prétend utiliser Paris 2024 pour imposer de facto une stature quasi gaullienne ou mitterrandienne qui lui glisse entre les doigts. Emmanuel Macron attend désormais donc que ces JOP prouvent à nos concitoyens quel grand homme politique il est. « Ses » olympiades, comme « son » équipe de France, doivent pousser à l’admirer, persuader qu’il est a toujours eu raison et que sans lui nous sommes perdus. Seul problème, à l’instar du foot, les Jeux olympiques sont par essence politiques, et il n’y aura pas plus de trêve que d’interruption de match sur ce terrain de luttes.
Par Nicolas Kssis-Martov