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Maccabi Haïfa, la vie d’après
Le Maccabi Haïfa s'apprête à affronter le Stade rennais ce jeudi sur terrain neutre et à huis clos. Une énième modification pour le club israélien qui apprend à vivre autrement depuis l'attaque du Hamas d'octobre dernier, avec le soutien patriotique comme mantra.
Pour fêter son retour en Ligue Europa avec le Stade rennais, Julien Stéphan n’aura le droit qu’à la triste ambiance des tribunes vides du stade Ferenc-Puskás de Budapest ce jeudi. Depuis l’attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre dernier, le Maccabi Haïfa doit s’acclimater à évoluer loin de ses bases. Après un arrêt forcé du championnat local, reportant trois rencontres, les Verts ont notamment affronté Villarreal à Belgrade lors de la dernière journée de C3. Mickaël Alphonse a porté les couleurs du Maccabi lors de la saison 2021-2022 et se montre désormais sceptique : « À huis clos, ça va être une autre équipe. Si le Maccabi avait joué dans son stade avec du public, Rennes aurait pu être embêté, mais là… »
« Nos cœurs sont avec les citoyens et les soldats du pays »
Ne pouvant pas compter sur le soutien de son public, le vainqueur des trois dernières éditions du championnat israélien avait combattu la solitude et le silence en accrochant 1400 ballons de baudruche bleu et blanc sur les sièges du stade Rajko-Mitic en hommage aux victimes. Face à Villarreal, les joueurs du Maccabi affichaient également le drapeau israélien sur leurs maillots, chaussettes et crampons. En face, Aïssa Mandi et Ilias Akhomach ont refusé de participer à la minute de silence, alimentant une polémique qui n’en avait pas besoin. Sur fond de guerre, le football avance – comme l’ensemble de la société israélienne – au ralenti. Samedi, le Maccabi Haïfa et Petah Tikva étaient les deux premières équipes à retrouver le championnat local de Ligat Habursa Leniyarot Erech, pour une victoire des Verts (2-1). La compétition reprendra ses droits dans son intégralité ce week-end.
Depuis l’attaque du Hamas, c’est tout Israël qui apprend à vivre autrement. Le Maccabi Haïfa s’y adapte en s’engageant au-delà du terrain. Sur les réseaux sociaux, l’ancien club de Mickaël Alphonse multiplie les messages de soutien aux civils et à l’armée israélienne. « Le Maccabi n’est pas plus politisé que les autres clubs du pays, appuie le défenseur passé par Amiens et Ajaccio. Ils soutiennent tous leur pays. » Celui de Haïfa a tout de même décidé de verser « 10% du total des ventes à des associations pour la réhabilitation des localités de la bande de Gaza », selon la communication du club. Les joueurs eux-mêmes ne se sentent plus vraiment concernés par le sportif. « C’est étrange d’être ici, avait commenté le gardien Sharif Kiuf avant d’affronter Villarreal. Nos cœurs sont avec les citoyens et les soldats du pays. » Malgré un conflit persistant au fil des années et la présence de militaires au sein des stades, Mickaël Alphonse, lui, n’avait « pas ressenti la moindre tension » lors de son année en Israël.
Nazi, terroriste et déchéance de nationalité
L’effectif actuel compte un Français en la personne de Pierre Cornud (formé à Montpellier et passé par Dijon) ainsi que l’international haïtien de Guingamp, Frantzdy Pierrot. Après être revenu en Bretagne à la mi-novembre pour se maintenir en forme auprès des hommes de Stéphane Dumont, l’avant-centre était de la partie samedi face à Petah Tikva et se retrouve au cœur d’une nouvelle controverse. Lui, Pierre Cornud et d’autres joueurs étrangers titulaires, dont le Suédois Daniel Sundgren et le Surinamien Tjaronn Chery, ont refusé de tenir une pancarte demandant, en hébreu, le retour des otages détenus par le Hamas. Le Maccabi Haïfa a déclaré dans un communiqué que l’incident ferait l’objet d’une enquête. De son côté, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, supporter du Beitar Jerusalem, a demandé qu’on leur retire leur visa, pensant assimiler leur tort à une complicité de terrorisme. Chose impossible et rapidement réfutée par Moshe Arbel, ministre de l’Intérieur.
« Les Israéliens ont vu ça comme une défiance, mais je comprends les joueurs. Lire l’hébreu, c’est compliqué, donc tu ne veux pas être mêlé à quoi que ce soit », les défend Mickaël Alphonse. Sur les réseaux sociaux, Pierre Cornud a annoncé avoir été traité de « nazi » et de « terroriste » par des internautes. De son côté, Frantzdy Pierrot a aussi pris la parole sur Instagram : « Il n’est pas facile d’être un étranger dans cette équipe en raison de la situation. Les gens ne savent pas ce que nous vivons. Nous avions tous le choix de rester dans notre pays, mais nous avons décidé de venir ici sans nos familles et sans savoir ce qui se passerait. » Auteur de trois buts en championnat cette saison, l’ancien attaquant de Guingamp devrait être sur la pelouse hongroise ce jeudi pour affronter le Stade rennais. Au regard du contexte actuel critique, même un but de sa part pour une victoire du Maccabi HaÏfa ne suffira pas à ce que tout redevienne comme avant le 7 octobre.
Par Enzo Leanni
Propos de Mickaël Alphonse recueillis par EL.