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  • Ma vie de joueur pro
  • Épisode 9

Loïc Puyo : « Cette fois-ci, je me range »

Par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron // Photo : Rockdale City Suns FC

Passé par la Ligue 1, la Ligue 2 et le National, installé depuis plusieurs années en Australie, le milieu de terrain Loïc Puyo (34 ans) a l'habitude de prendre la plume afin de raconter pour So Foot son quotidien de footeux. Ce neuvième volet sera sans doute le dernier : c'est l'heure du clap de fin, un moment évidemment particulier pour un joueur professionnel.

Loïc Puyo : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Cette fois-ci, je me range<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Des mois que j’y pense, que mes pensées se mélangent, sans pour autant vouloir vraiment me faire une raison. Il faut se rendre à l’évidence : cette fois-ci, je me range. J’avais l’impression de prendre cet événement avec sérénité et tranquillité, mais je dois avouer que cela est bien plus complexe à encaisser. Il est temps de l’écrire : j’arrête le foot. J’avais sans doute besoin de poser ces mots pour vraiment les penser. L’écriture m’a fait tant de bien ces dernières années pour raconter tout ce que je ressentais : exprimer ce que le foot m’avait apporté, mais aussi tout ce dont il m’avait privé. Trente ans que je tape dans un ballon, avec toujours autant d’envie et de passion. Je ne me souviens pas, à un seul moment de ma vie, m’être dit que je n’aimais plus ça. Me dire que désormais, cette passion ne sera plus assouvie me perturbe complètement.

Entre nostalgie des beaux moments et peur d’un avenir incertain, mes émotions se mélangent : la fierté d’avoir réalisé mon rêve, le rêve de millions de personnes, certains regrets gravés à jamais et la peur de ne plus jamais revivre les mêmes émotions et les mêmes montées d’adrénaline. Malgré ce sentiment de vide, je suis persuadé que c’est le moment d’arrêter. J’en ai marre de devoir me vendre pour signer quelque part : comme par exemple à Orléans, mon club de cœur pour lequel j’ai toujours clamé mon amour, et où j’ai toujours dit vouloir finir ma carrière. Cela fait bien quatre ans que je sonde le club, que je discute avec des dirigeants que je connais, sans qu’on ne me réponde avec respect. Le foot en général n’a pas de mémoire, et c’est très malheureux.

J’en ai marre d’être jugé trop âgé alors que je suis encore en pleine forme, et marre de voir que le système actuel met en avant des jeunes qui ne sont même pas passionnés, et surtout qui n’ont aucune implication et aucun professionnalisme. Je l’ai constaté notamment dans mes deux dernières expériences en National, au Red Star ou à Chambly, où la plupart des prétendues jeunes pousses arrivaient en retard aux entraînements, venaient en tongs aux séances de musculation ou esquivaient les entraînements les plus difficiles en restant en soin. Je ne me serais jamais imaginé me comporter ainsi à leur âge. Un autre élément, plus léger, me fait dire qu’il est temps d’arrêter : je ne connais quasiment plus aucun nom, quand je regarde les compositions d’équipes en Ligue 2 ou en National. Auparavant, je connaissais tout le monde, mes potes ou les mecs contre qui je jouais depuis des années. Ma vague est passée. D’autres m’attendent : celles de l’océan !

Le foot régissait mon style de vie, avec une routine bien huilée et une rigueur imposée. Je crois que perdre ce cadre, que j’ai toujours connu, me déstabilise plutôt que de me faire envie.

Maintenant s’ouvre une nouvelle page pour moi. Je n’avais aucune envie de rester dans l’univers du foot. Je n’aime pas du tout ce qu’il est devenu. Et j’ai aussi du mal à m’imaginer travailler pour un patron. J’ai passé ma carrière à me faire jauger quotidiennement par tous mes coachs, mes directeurs sportifs, mes coéquipiers, les supporters, les journalistes, etc. Cela faisait évidemment partie du jeu, mais je n’ai plus envie d’en souffrir. J’aime la pression de la compétition, mais je ne veux plus subir les regards qui me jugent tous les jours. J’ai toujours entendu au fil des années : « Tu verras, une carrière ça va très vite, prépare-toi à l’après. » Mais c’est quand ce moment arrive qu’on s’en rend vraiment compte. Tout au long des saisons, on profite juste de son confort de joueur, d’un salaire confortable, du bonheur de la vie de vestiaire, sans jamais vraiment considérer le lendemain. Pour ma part, j’y ai souvent pensé sans jamais mettre de choses en place pour l’anticiper.

Au-delà de l’aspect financier, qui est très important, l’aspect psychologique est central. Depuis que j’ai en tête d’arrêter le foot, j’ai ressenti de la peur, de la solitude et même un sentiment d’abandon. Comme si j’étais le seul à pouvoir comprendre ce que je vivais. Le monde qui était le mien depuis 30 ans s’arrête brutalement, pendant que celui des gens autour de moi continue de tourner. Mon rythme de vie ne va désormais plus être régulé par mes horaires d’entraînement, un calendrier de match établi un an à l’avance, des vacances fixées au mois de juin. Le foot régissait mon style de vie, avec une routine bien huilée et une rigueur imposée : pas de sortie et pas d’alcool avant les matchs, un sommeil régulier, une alimentation saine et équilibrée. On va sans doute me dire que c’est la liberté qui s’offre à moi, mais je crois que perdre ce cadre, que j’ai toujours connu, me déstabilise plutôt que de me faire envie.

Restera le regret de n’avoir jamais osé parler à Jean Fernandez, qui avait dit de moi que j’avais une technique de Ligue 1, mais un physique de DH.

Resteront bien sûr les grands souvenirs sportifs pour moi : mes années de centre de formation à Auxerre, la finale de Gambardella, les titres de champions de France de National avec Orléans et de Ligue 2 avec Nancy, ma première année en Ligue 1 qui marqua le pic de ma carrière, et ces deux aventures inoubliables en Australie. Resteront aussi et surtout les belles rencontres humaines tout au long de ces saisons, la camaraderie du centre de formation, mon meilleur ami Romain Ruffier rencontré à Amiens, le groupe exceptionnel à Orléans, les super potes à Nancy, et la mentalité australienne qui m’a redonné goût à la vie de vestiaire. Les regrets, aussi, de m’être souvent laissé marcher dessus, de n’avoir jamais vraiment cru en moi, de n’avoir jamais osé parler à Jean Fernandez (à Auxerre), qui avait dit de moi que j’avais une technique de Ligue 1, mais un physique de DH. Je m’en veux d’avoir subi, sans réagir, le traitement malsain et malhonnête de certains joueurs et dirigeants d’Angers. Moi qui n’aime que les coups francs !

Mais avec le temps, je sais que je garderai tous ces souvenirs qui m’ont permis de grandir et d’être heureux. Mon dernier match, en deuxième division australienne (au Rockdale City Suns FC), se sera soldé par un but magnifique sur coup franc, comme un symbole, devant 200 spectateurs max, mais surtout devant les amis que je me suis faits à Sydney, et bien sûr Diane, toujours présente pour assister à mes grands matchs, mais aussi à des déplacements « bourbiers ». On parle souvent de l’entourage des joueurs, leurs agents, leur famille, leurs conseillers. Le mien n’aurait pu être meilleur. Celles et ceux qui n’étaient pas sur le terrain ont joué un rôle décisif dans mon évolution. Ils ont toujours cru en moi, alors que je doutais moi-même : des amis, des cousins, une sœur, des parents et une fiancée qui ont traversé la France entière pour venir me voir, me soutenir, partager ma vie et l’embellir par leur présence et leur bienveillance.

 

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Me reviennent en mémoire un déplacement à Raon-l’Étape en Gambardella en plein mois de février, des déménagements un peu partout en France, des soirées mémorables, des vacances inoubliables, des présences dans les moments difficiles. Maman, Papa, Claire, Diane, Mamée, Nico, Titou, Romain, Walid, Steven, Ludo, Didoy, Didier, tous les potes auxerrois et tous ceux qui se reconnaîtront : merci d’avoir contribué à ce que ma carrière soit juste un souvenir parfait. Il est désormais temps de tracer un nouveau chemin et de trouver de nouveaux repères, de nouveaux objectifs, pour bâtir une nouvelle vie aussi riche que la première. Il est temps pour moi d’engager cette partie !

Dans cet article :
Des Bleus aux gardes à trous
Dans cet article :

Par Loïc Puyo, avec Jérémie Baron // Photo : Rockdale City Suns FC

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