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Lyonnaises, Parisiennes, ramenez le foot à la maison !

Par Eric Carpentier
6 minutes
Lyonnaises, Parisiennes, ramenez le foot à la maison !

Cette semaine, Lyonnaises et Parisiennes sont les vraies dernières représentantes de la France en Europe. Alors que la Coupe du monde approche, il est temps de s'unir derrière le football féminin pour enfin marcher sur le monde, des clubs à la patrie.

Il paraît que le football français est incapable de voir le printemps européen. Que, dans le sillage d’une capitale fragile dès que ça secoue un peu, aucun club hexagonal ne peut faire honneur à notre campagne de Russie. Que la Ligue 1 ne joue à rien, comme une sympathique Jupiler League. Que nous sommes condamnés à repasser Vegedream pour bomber le torse, puisque ni Phil Collins à Paris, ni Muse à Lyon, ni Depeche Mode à Rennes ne riment avec succès. En fait, il paraît que le football français est une saison de Losers à lui tout seul.

Et voilà que deux clubs tricolores s’avancent en quarts de finale de Ligue des champions ! Mieux, si Lyon (match aller ce mercredi soir face à Wolfsburg) et Paris (jeudi à Chelsea) se qualifient, la France sera assurée d’être représentée dans une finale européenne ! On entend déjà les mauvaises langues cachées derrière Pierre Ménès : « Ouais, mais c’est que du foot de gonzesses, ça vaut rien, les gardiennes sont nulles. » Vraiment ? En attendant, l’heure est à la parité, un trophée est un trophée et si la Champions avait un sexe, il serait féminin. Messieurs, il est donc temps de soutenir les filles. Histoire de montrer qui sont les patronnes.

Je zappe et je mate

Il est d’autant plus urgent de s’y mettre que derrière les bonnes intentions, il y a surtout beaucoup de velléités lorsqu’il s’agit de promouvoir le foot féminin. Un exemple : pour quatre matchs joués par Paris et Lyon dans ces quarts de finale, deux diffuseurs et surtout quatre horaires différents (allers respectivement à 20h45 et 20h05, retours le même jour, mercredi 27, à 18h15 pour Lyon, 19h pour Paris). Pas l’idéal pour fixer un rendez-vous, n’est-ce pas ? Alors qu’il y a de la marge pour faire de l’audience ! Prenons une finale de Ligue des champions avec le Real Madrid, en clair sur C8 : dans les quatre millions de téléspectateurs. Une finale de Coupe du monde sur TF1 ? 20 millions. Entre les deux, un delta à conquérir. Un public qui vient pour l’émotion, la victoire, les images de joueuses exténuées, mais heureuses, et qui ne va pas chicaner si l’ailière est un peu moins rapide ou la frappe un peu moins puissante. Un public de WTA, voilà. Près de deux millions pour une finale dames de Roland-Garros, quand même. Alors, Canal, beIN : choisissez une belle musique, travaillez vos habillages davantage que RMC et faites ce que vous savez faire : mettre la pression pour des horaires de match à votre convenance. Et on commencera peut-être à être fidèle.

Oui, peut-être, soyons honnête. C’est que les tentations sont nombreuses – et c’est de pire en pire ! Regardez la FIFA : elle se targue d’être à la pointe de l’émancipation des femmes par le ballon (pour résumer), mais elle s’empresse surtout de rendre possible un Tanzanie-Oman en Coupe du monde chez les hommes. La raison de cette schizophrénie est simple : d’un côté, le foot féminin à Zanzibar reste une anomalie ; de l’autre, les dirigeants du football mondial ont un compte de résultats à la place du cœur. Et voilà comment on en arrive à vouloir vendre le football du deuxième sexe tout en augmentant sans cesse les rencontres masculines, du Mondial des pays à celui des clubs. Appelez-ça la quadrature du cercle, le carré magique de Kaldor ou le chameau par le chas de l’aiguille : en un mot comme en cent, c’est impossible. Une question de temps de cerveau disponible.

La femme est l’avenir de l’homme

Encore que, pour ces quarts de finale, le contexte est favorable. Une belle trêve internationale, un déplacement de la patrie en Moldavie (!), une concurrence télévisuelle limitée à l’aller (Allemagne-Serbie, Belgique-Russie, Rodez-Tours…), inexistante au retour : le moment parfait pour les Parisiennes de montrer que le PSG peut gérer un aller-retour européen. Ou pour les triples tenantes Lyonnaises qu’elles n’ont rien à envier au Real Madrid. Un OL qui va profiter de ces quarts pour entrer véritablement dans la compétition. Parce qu’avec des scores cumulés de 7-0 en 16es (contre les Norvégiennes d’Avaldsnes IL) et 13-0 en 8es (contre les filles de l’Ajax), on était plutôt sur du sparring-partner jusqu’ici. Les Parisiennes, quant à elles, ont tenu à rendre hommage à leur collègues masculins : score cumulé de 6-1 en 16es (face aux Autrichiennes du SKN St Pölten-Frauen), victoire 3-2 au retour sur les Suédoises du Linköpings FC en 8es, confirmant la victoire de l’aller, 2-0 à l’extérieur.

Et rien que pour ça, il faut remercier le football féminin. Pour ces noms vaguement exotiques, qu’on ne sait pas vraiment situer, mais qui, dans dix ans, au hasard d’une conversation ou d’un voyage, nous feront dire « tiens, Linköping ? Les Parisiennes avaient gagné 2-0 là-bas, buts de Katoto et Wang ! » Pour ce football européen qui nous fait apprendre notre géographie en même temps qu’il encombre notre mémoire de savoirs inutiles, rangés à côté des détails de la carrière d’un anonyme milieu défensif de Première Division (au hasard : Cyril Serredszum). Loin, très loin de la Coupe d’Europe façon NBA rêvée par l’UEFA. Hors sujet : sait-on déjà le naming envisagé pour celle-là ?

Hello, Boys and Girls

À ce propos, bienheureux le football féminin dont la Première Division s’appelle Première Division, et pas Super Ligue GiFi, des idées de génie ! Première Division qui, compte tenu de l’époque et de la domination française sur l’Europe, pourrait aussi bien s’appeler Liga – sans le BBVA. D’ailleurs, en Espagne, c’est plutôt la marque Iberdrola qui est accolé à Liga Femenina. Signe d’une Espagne qui gagne, sans doute : 68 000 personnes sont venues assister au choc entre Atlético et Barça. Qui ça ? Ah, oui, les Colchoneras. Celles qui, en huitièmes de finale, se sont fait fesser 10-0 en cumulé par Wolfsburg, l’adversaire des Lyonnaises ce soir. Mais on s’égare.

Revenons à la Coupe d’Europe aujourd’hui, demain la Coupe du monde. D’un côté des billets à trois euros pour la finale, de l’autre 500 000 tickets déjà vendus : à chaque fois, une réussite assurée. Sans doute un peu l’effet Ménès, qui nous dirige mécaniquement dans le sens inverse de ses mots. Ou parce que, tout doucement, le football féminin se forge une culture. Marinette Pichon, Laure Boulleau, Marie-Antoinette Katoto ou Corinne Diacre… Autant de noms, de parcours et de profils qui commencent à s’installer dans la conscience collective. Peut-être ce qui compte le plus, finalement, avant le niveau de jeu qu’un supporter de club français moyen peut difficilement réclamer en toute honnêteté. Alors, tous ensemble, levons-nous et supportons nos équipes françaises engagées en Coupe d’Europe. Promis, si elles gagnent, personne ne passera Jealousy.

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