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Lyon, une qualification empoisonnée
En général, une qualification en huitièmes de finale de Ligue des champions, certes laborieusement acquise, est dignement fêtée. Pourtant, ce mardi soir, la qualif' passerait presque en second plan tant des tensions se sont ravivées au Groupama Stadium. D'autant plus que ce ticket ne pourra camoufler les vraies incohérences dans le projet actuellement mené dans le club de Jean-Michel Aulas.
Oui, Lyon est malade. Il n’y avait qu’à voir la tronche d’Anthony Lopes au micro de RMC Sport en sortant de la pelouse. Plutôt qu’un large sourire pour accompagner cette qualification aussi heureuse qu’inespérée, c’est une mine renfrognée que le gardien sert à la caméra. Non pas que le Portugais s’en veuille encore d’avoir concédé un penalty dans les premières minutes de jeu, mettant dans le pétrin une équipe déjà tremblotante. Non pas qu’il fasse la fine bouche d’avoir arraché au bout d’un match étrange son ticket pour les huitièmes à la faveur d’une victoire du Benfica face au Zénith (3-0) sur l’autre terrain du groupe G. Mais plutôt à cause des événements survenus quelques secondes après le coup de sifflet final.
? Exclu vidéo – Ligue des champions ???? Mené 2-0, l’OL est revenu de l’enfer pour se qualifier en 8e de Ligue des champions. Communion avec les supporters à la fin ? Pas du tout : c’est parti en baston sur la pelouse du Parc OL…
— RMC Sport (@RMCsport) December 10, 2019
Alors que ses partenaires célébrent à distance cette « performance » , Memphis Depay claque un ultime sprint vers un supporter ayant franchi les barrières publicitaires pour agiter un drapeau représentant Marcelo en âne. Des restes de vieilles dissensions, mais toujours vives, que la qualif’ n’a pu éteindre. « Je suis en colère et je ne sais pas quoi dire, rageait le Néerlandais. Nous n’avons pas fait notre meilleur match, ça c’est vrai, mais on s’est qualifié. On a joué avec notre cœur pour ça. […]Mais pourquoi voulez-vous qu’on aille saluer des supporters qui insultent nos familles ?[…]Là, ils nous ont craché dessus. » En vrai capitaine, Depay est venu au secours de ses coéquipiers. Mais il ne pourra pas sauver toutes les apparences ce soir. « On aurait aimé partager cette qualification dans d’autres circonstances, mais voilà, c’est comme ça, plaquait Lopes. On va régler ça en interne. » Vraiment ?
La pire chose qui pouvait arriver à l’OL ?
Car si ce soir, Lyon est encore vivant en Ligue des champions, ce n’est en rien dû à son audace, son courage ou son ambition tactique. Plutôt un heureux concours de circonstances où il a fallu compter, décompter et recompter les points, avec un œil sur le match à Lisbonne. Certes, on peut saluer le joli coup de patte de Houssem Aouar — rare satisfaction lyonnaise — et l’abnégation d’un Memphis qui avait raté jusqu’alors tout ce qu’il avait tenté pour arracher un nul. Mais voilà : pour la seconde année consécutive, l’OL verra le printemps européen alors qu’il n’a remporté que trois matchs européens en deux ans. De plus, le fonds de jeu proposé a rarement été aussi affligeant que lors de cette campagne. Entre les expérimentations et la frilosité de Sylvinho, les consignes de Rudi Garcia ne reposant que sur des poncifs érodés, les Rhodaniens passent la tête basse.
Voilà une preuve supplémentaire qu’un résultat positif n’implique pas forcément que des bonnes choses pour la suite. Car cette place dans le top 16 européen, acquise dans des conditions quasi miraculeuses, ajoutée au fait que l’OL ne soit qu’à trois points du podium en Ligue 1 après son début de saison catastrophique, ne fera que repousser le moment où Jean-Michel Aulas, Juninho et Rudi Garcia devront se poser les bonnes questions. En vrac : comment intégrer les dernières recrues (toujours aussi transparentes), comment faire pour ne pas se reposer uniquement sur le caractère de Memphis, pourquoi attendre la 87e minute pour effectuer un dernier changement lors d’un match décisif, comment enclencher un vrai projet à moyen et long terme, comment arrêter de se voiler la face ? D’ailleurs, ce soir, il n’y avait que Rudi Garcia pour employer le mot « fête » . Son discours n’est d’ailleurs que la preuve d’une vision de gagne-petit : « On a joué sans filet en deuxième période, mais revenir contre cette équipe, ne pas prendre d’autres buts et surtout en mettre deux, ça reste une satisfaction. » L’indice UEFA est pour le moment sauf, mais pour ce qui est de l’honneur, ce n’est pas encore ça.
Par Mathieu Rollinger