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Lyon, pôle austère ?
Jeudi matin, c'était réunion de famille à Tola Vologe pour officialiser la prolongation de contrat de Grenier, le choix de Gonalons de rester une saison de plus à Lyon et, accessoirement, l'arrivée de Miguel Lopes. L'occasion de boucler la première partie d'un mercato auquel il faut trouver une cohérence.
À demi-mots, Rémi Garde avait annoncé la couleur mardi dernier : « L’arrivée de Miguel Lopes clôt provisoirement le recrutement. À moins d’un changement de dernière minute, l’effectif devrait donc rester stable. » Une façon de lever les deux dernières incertitudes au sujet de Grenier et de Gonalons. Le premier vient de prolonger son contrat jusqu’en 2016, après des semaines de séduction de la part de son club formateur. Le second a profité de l’occasion pour préciser qu’il resterait une saison de plus entre Saône et Rhône. La veille encore, La Gazzetta dello Sport l’envoyait à Naples pour 13 millions d’euros.
L’urgence n’a pas de prix
Ce dernier volet de l’acte I du mercato lyonnais vient donc valider une première idée : contrairement aux apparences, la perspective d’un tour préliminaire de Ligue des champions a obligé la cellule de recrutement de l’OL à faire vite. Ce n’est pas la première fois que le club de JMA est soumis à pareille contrainte. C’était déjà le cas en 2009. Sauf que cette fois, tout a été fait pour ne pas s’embarquer dans un recrutement mené dans l’urgence et à grands frais. Entre les 75 millions balancés en 2009 pour ramener au plus vite Lisandro, Cissokho, Bastos et Gomis et les 700 000 euros lâchés pour Danic, la prolongation de contrat de Grenier et le prêt de Miguel Lopes, il y a un gouffre que la triste situation financière du club lyonnais pourrait expliquer à elle seule.
Il y a un autre message à l’adresse des premiers intéressés par une éventuelle qualification de l’OL en Ligue des champions. Aux joueurs et à leur agent d’abord, à la recherche d’une prolongation de contrat avec valorisation salariale à la clé. C’est le point de départ du clash avec Gomis et de la situation inédite qui en découle – le bras de fer, mais pour rester. On peut toujours discuter du discours servi par Aulas, de la pratique managériale digne d’un RH de France Télécom. Reste qu’elle relève aussi d’une nécessité pour les clubs de L1 d’en finir avec une certaine « politique du joueur » qui fait exploser les masses salariales pour mieux revoir les ambitions sportives à la baisse quelques saisons plus tard. Au-delà du seul cas lyonnais, c’est précisément ce que sont en train de payer les Girondins, le LOSC et, dans une moindre mesure, Montpellier. L’autre message envoyé par la direction de l’OL s’adresse aux clubs concernés par le transfert d’un de leurs poulains pour un club en passe de décrocher le jackpot de la Ligue des champions. En faisant venir un international portugais à la relance plutôt que le meilleur espoir du championnat au poste de latéral droit, JMA et ses hommes laissent entendre que la politique d’investissement en Ligue 1 a vécu. Surtout quand il faut la mener au prix fort, celui de l’urgence.
Arsenal cheap ou Super Lorient ?
Reste que la logique comptable ne peut être une fin en soi, même à l’heure du fair-play financier dont Aulas se gargarise à tout bout de champ. Le précédent exercice en L1 n’a eu de cesse de le rappeler : pour gagner, il faut avoir les meilleurs joueurs. Et pour avoir les meilleurs joueurs, il faut dépenser sans compter. Dans le cas contraire, il faut se résigner à jouer les seconds rôles. Ou en profiter pour mettre sur pied un modèle rentable. À l’échelle du foot européen, ce modèle existe : il s’appelle Arsenal. La construction d’un stade et le recours à de jeunes talents rapprocheraient l’OL de ce schéma. À une exception près : la qualification en Ligue des champions paraît beaucoup plus incertaine en Ligue 1 avec le PSG et Monaco dans le bal que dans une Premier League avec quatre places à se disputer. Du coup, il faut s’en remettre à l’autre modèle rentable du moment, quitte à le faire évoluer un cran plus haut : celui de Lorient. Recrutements audacieux, mais toujours raccord avec les principes de jeu (Danic, Miguel Lopes), jeunesse qu’on fait monter et valorisation des talents dès lors que le titre de meilleure machine à jouer du moment semble acquis : le filon n’est pas pour déplaire à l’OL.
Le premier concerné, Jean-Michel Aulas, en a même fait son nouveau credo au moment de boucler son mercato : « On n’a peut-être pas d’argent, mais on a des idées. » L’idée derrière la tête, c’est Garde qui semble l’avoir. Et elle concerne le jeu. En début de semaine, Tola Vologe ne vivait qu’au rythme des exercices de conservation et de pressing à la perte du ballon. Ce que le premier match de préparation en Pologne (0-0, face à Pogoń Szczecin) a validé à sa façon. Loin de l’omniprésence de son président adepte du tweet clash, on pourrait en conclure que Garde a lui aussi posé sa marque sur le mercato lyonnais. Ne serait-ce qu’en affirmant sa volonté de faire de Grenier la pierre angulaire de son système de jeu, au mépris de certains impératifs économiques qui tiennent dans les émoluments de Yoann Gourcuff. Preuve que, contrairement à ce que raconte Aulas, les idées aussi peuvent avoir un prix.
Par Serge Rezza