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Lyon, l’impossible supériorité numérique
Deux buts d’avance après moins d’une demi-heure de jeu, Keita Baldé expulsé avant la pause : dimanche soir, l’OL tenait le match entre ses griffes et semblait capable de reprendre la barre en seconde période. Sauf que ces Lyonnais ont leurs habitudes et qu’elles sont tenaces : à savoir, ne pas savoir gagner en supériorité numérique et savoir exploser face à un bloc bas. La preuve par les chiffres.
« Franchement, c’est dur… » Lâchée dimanche soir par Bertrand Traoré, quelques minutes après sa sortie de scène et alors que le score était encore de 2-2, la phrase est d’autant plus brutale qu’exempte du moindre soupçon d’ironie : il faut bien la comprendre au premier degré. Un peu plus tôt, alors qu’il était encore en train de s’agiter sur la piste, le Burkinabè a eu une balle de tête pour s’offrir un doublé et coucher une AS Monaco alors mal en point, réduite à dix depuis l’expulsion de Keita Baldé pour un coup de faux lâché sur Ferland Mendy avant la pause, mais également privée tour à tour de Danijel Subašić, blessé au moment d’embrasser son poteau droit sur l’ouverture du score de Mariano Díaz, et de Falcao, touché à la cuisse à l’heure de jeu.
Oui, cet OL ne changera pas en un jour. Avant ce déplacement au Louis-II, Bruno Génésio avait d’ailleurs ouvert le parapluie : « À Bordeaux (défaite 1-3, le 28 janvier, ndlr), l’équipe avait moins de vingt-quatre ans de moyenne d’âge. Et certains joueurs sont également jeunes dans l’expérience : ils doivent être performants tous les trois jours à un niveau qu’ils ne connaissaient pas. C’est pour ça que je parle régulièrement du jeu, et pas de l’enjeu. » Ce matin, pourtant, il y a possibilité d’évoquer les deux. Car l’enjeu, dimanche soir, était présent, que Génésio le veuille ou non : après la victoire de l’OM vendredi soir face à Metz (6-3), Lyon devait s’imposer à Monaco, quatrième au coup d’envoi, pour espérer renfiler sa toque de premier dauphin de France. Raté, donc. Car dans la foulée de l’expulsion de Keita Baldé, de la sortie de Falcao, de Traoré, Rony Lopes a abattu l’OL à deux minutes de la fin du temps réglementaire d’un pétard sec envoyé du bout de son pied gauche. Ou comment renverser avec maîtrise la crème.
« C’est devenu difficile de casser les lignes… »
Et le jeu, maintenant. Traoré, toujours, au moment de parler scénario sur le banc : « À dix, ils sont revenus dans leur camp… Ils ont un bloc très bas, c’est devenu difficile de casser les lignes. Il faudrait passer par les côtés. » Ce à quoi Gérald Baticle, l’adjoint de Génésio, répond : « Oui, mais à chaque fois qu’on veut aller sur le côté, on ne va pas assez vite… » Voilà : au lendemain de la vingt-quatrième journée, le même refrain. Ce Lyon est jeune, ce Lyon est capable d’envoyer du spectacle, mais ce Lyon est aussi en souffrance à l’heure d’enchaîner les performances. Cela s’explique avant tout par son inflexibilité dans l’approche et le fait que l’OL est incapable de faire sauter un bloc bas, ce qu’a été obligé de rapidement installer Leonardo Jardim dimanche soir. Pour preuve, il suffit de se repasser la performance du 19 novembre dernier, face à Montpellier (0-0), ou celle de début janvier face à Angers (1-1). Une autre ? Celle de la Beaujoire (0-0), le 26 août, à une période où, certes, cet effectif ne faisait encore que se découvrir. Un regard de côté, direction Bruno Génésio, incapable de répondre dans le doute face à l’ASM et qui a parlé après la soirée de « faute grave » . Il n’a pas tort, car une équipe ambitieuse, c’est avant tout une équipe qui sait s’adapter. Lyon n’y est pas encore.
Dimanche soir, en seconde période, les Lyonnais n’ont, ainsi, pas réussi à se créer plus de situations dangereuses qu’en première. À la pause, leur expected goals (xG) s’élevait à 0,58… statistique qui évoluera à 1,04 en fin de partie, soit une mi-temps à 0,46 xG produit sur 10 tirs tentés. C’est peu. Plus flagrant, les Gones n’ont surtout pas su varier leurs attaques, les 45 dernières minutes étant avant tout un empilement de frustrations : chaque membre de l’OL interrogé insistait pourtant sur la nécessité de passer sur les côtés face à un bloc regroupé, mais le onze de Génésio n’a jamais cherché à le fixer, et ce, alors que l’entraîneur lyonnais avait pourtant aligné un milieu de terrain hyper-offensif en choisissant d’aligner Aouar plutôt que Jordan Ferri aux côtés de Tanguy Ndombele et Nabil Fekir pour compenser la suspension de Lucas Tousart. Les statistiques sont cruelles : ces derniers n’ont pas tenté le moindre dribble dans les trente derniers mètres durant toute la période de supériorité numérique de l’OL. Ajoutez à cela l’absence quasi totale d’appels de la part des trois attaquants (Mariano, Depay, Traoré, puis Cornet) et vous obtenez une équipe stérile, car bien trop prévisible pour n’importe quelle défense.
À onze contre dix, virage stérile
Dimanche soir, c’est aussi une autre tendance plus inquiétante, mais forcément liée, que Lyon a confirmée : son incapacité à faire la différence en supériorité numérique (à noter que sept joueurs ont déjà été expulsés face à l’OL lors de l’exercice 2017-2018, plus que contre n’importe quelle équipe, ndlr). Depuis le début de saison, l’OL a ainsi été dans cette configuration pendant 183 minutes (21 minutes contre Troyes, 43 minutes contre Saint-Étienne, 20 minutes contre Nice, 6 minutes contre Angers, 33 minutes contre le PSG, 14 minutes contre Bordeaux, 46 minutes contre Monaco). Ce qui nous intéresse ici est alors les rencontres lors desquelles le sort du match n’était pas encore « fait » , ce qui permet de mettre de côté les quelques gifles données (Nice, Troyes, Saint-Étienne). On ne parle donc que des quatre autres rencontres (Angers, Paris, Bordeaux, Monaco), ce qui réduit le tableau à 99 minutes de jeu à onze contre dix où l’OL se retrouve dans l’obligation d’aller chercher des points. Bilan durant cette parenthèse bien spécifique : un but marqué seulement (Depay, contre le PSG), un encaissé (Lopes, dimanche soir)… et c’est tout, pour un bilan d’une victoire, un nul et deux défaites. S’il manque au printemps deux ou trois points, il seront probablement ici.
Sonder ce symptôme revient aussi à regarder le contenu : ainsi, durant cette période de supériorité numérique, Lyon a tiré 23 fois au but – dont dix contre Monaco –, ce qui, en le ramenant au per90, nous donne une moyenne de 20,9 tirs là où la moyenne habituelle de l’équipe de Génésio est de 14,1 tirs par match. Oui, la fréquence de tirs est plus élevée, ce qui est logique, mais la qualité ne suit pas, car, dans ce laps de temps, Lyon ne s’est pas non plus créé de grosse occasion lors de ces quatre rencontres. À titre de comparaison, à onze contre onze, l’OL se crée en moyenne 2,6 grosses occasions par match. Cette fébrilité dans la supériorité a été flagrante à Monaco, dimanche soir, Seydou Sy n’ayant pas grand-chose à faire là où Anthony Lopes a longtemps repoussé les crochets adverses. Alors oui, Bertrand Traoré a certainement raison : c’est dur, mais c’est avant tout symptomatique.
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Par Maxime Brigand et Florian Toniutti, avec Opta