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Lyon : Houssem Aouar, gone atone
Prodige de l'OL, Aouar vit un déclassement inattendu depuis deux ans. Retardé depuis trop longtemps, son futur départ de l'OL va résonner comme un second début de carrière.
De 50 à 60 millions d’euros ! Cela devait être lui. Un nouveau transfert d’envergure d’un pur produit du centre de formation de l’OL. Histoire de suivre les traces de ses aînés : Samuel Umtiti (transféré contre 25 millions d’euros au Barça), Corentin Tolisso (41,5 millions d’euros au Bayern Munich) et Alexandre Lacazette (53 millions d’euros à Arsenal). En 2020, en sortie de confinement, Houssem Aouar est (très) grand dans le parcours lyonnais en Ligue des champions, si juste et si délicieux en quarts de finale face au Manchester City de Pep Guardiola (3-1). Les efforts défensifs, les transitions efficaces, la justesse offensive… Ce soir-là, Aouar franchit un nouveau cap. Et tout le monde est unanime : il est prêt pour aller voir plus haut. Les prétendants sont là : Juventus, PSG, Barcelone, Arsenal et… Manchester City sont cités.
Un mois après le récital de Lisbonne, L’Équipe rapporte un accord Arsenal-Aouar. Montant proposé par les Gunners : 40 millions d’euros. Jean-Michel Aulas dégaîne son téléphone et tweete : « Arsenal est beaucoup trop éloigné de la valeur d’Aouar. » Le juste prix du Gone selon Lyon : entre 50 et 60 millions d’euros ! En plein Covid et avec une crise économique qui fait mal, les mastodontes européens finissent par lâcher l’affaire.
« Chaque été, on se met dans ma tête »
Quasiment deux ans ont passé. Aouar est toujours lyonnais. Aouar est toujours annoncé sur le départ. Mais avec deux différences notables : son niveau et son prix. « J’ai été titulaire à 19 ans dans un gros club européen, et j’ai enchaîné en Ligue des champions, analysait-il en avril dans Libération. Dès lors, j’ai entendu :« S’il en est là à tel âge, il doit faire ça, puis ça, puis encore ça. »Et on a dessiné mon propre chemin. Mais c’est le mien. Depuis deux ans, chaque été, on se met dans ma tête. » Vendredi dernier, une rumeur expliquait que le numéro 8 des Gones avait reçu une offre du Séville FC. Offre supposément mise en attente, pour voir si d’autres clubs se positionnent. Trop pour Aouar, qui a répondu sur Twitter : « D’autres bêtises ??? On est reparti pour un été de mensonges ? » C’est dire l’agacement du garçon face à cette situation.
L’impression que sa trajectoire ressemble d’ailleurs à celle de son club ces derniers temps. Comme si cela ne suffisait pas (et pour illustrer que le train a déraillé), Aouar a enchaîné les mésaventures : écarté pour un match pour avoir séché un décrassage à Angers en 2020 ; embrouille avec Paquetá pour tirer un penalty à Rennes alors que Lyon est corrigé 0-4 ; insultes véhémentes d’un supporter après l’élimination face à West Ham cette année ; sifflets du Groupama Stadium à son entrée en avril ; et bien sûr son compteur en équipe de France qui reste bloqué à une toute petite sélection, face à l’Ukraine (7-1), en 2020, quand tout allait bien. Il avait également révélé n’avoir joué que deux matchs sans avoir mal lors de la saison 2020-2021.
Les prises de tête de l’esthète
Pour couronner le tout, Jean-Michel Aulas y est allé de sa pique en mars dernier : « Il va encore plus jouer par la force des choses. Il reste neuf matchs pour lui permettre de se mettre en évidence. » Sous-entendu : Houssem, il te reste un an de contrat, il va peut-être falloir se bouger pour que l’OL te vende à un bon prix. « Je vois un gamin qui n’évolue pas à son niveau, c’est indiscutable, tranche Gilles Rousset, entraîneur-adjoint de la réserve lyonnaise à l’époque d’Aouar. Il n’exploite plus son énorme potentiel. Depuis un an et demi, c’estup and down, de très bonnes choses et à d’autres moment, du dilettantisme. Ça nous fait mal au cœur. » Un air de nostalgie parcourt également Armand Garrido, ancienne référence de la formation lyonnaise, qui a peaufiné Aouar : « Je ne l’ai pas connu comme ça, mais plutôt enthousiaste avec l’envie de jouer. Je l’ai toujours qualifié de joueur esthète. Quand il joue, il est élégant. Il y a quelque chose de propre, les passes sont propres, il y a de la finesse, c’est technique… »
Il serait donc très étonnant de voir Aouar avec un maillot lyonnais en septembre. Un départ presque amer pour tout le monde. « Il a besoin d’un nouveau projet, confirme Garrido. Retrouver l’envie, un nouvel élan… Il a été un moteur, il ne l’est plus. Quelque chose s’est cassé dans la mécanique. » Aouar a poussé la porte de Tola Vologe en 2009. Une éternité pour Garrido : « Il connaît trop le « système » Lyon. Il y a trop longtemps qu’il est là ! Le foot, c’est un métier où il ne faut pas hésiter à se bousculer, autrement, on devient un peu fonctionnaire en prenant une certaine routine. Et il est tombé dedans. » Aujourd’hui, l’OL accepterait de lâcher son joueur contre environ 20 millions d’euros. Roma, Real Sociedad, Betis Séville, Séville FC… Oui, ce ne sont plus les très grands clubs qui sont là, mais Aouar a gardé une cote. Comme pour prouver que rien n’est perdu, alors qu’il s’est aussi distingué par un but lors du premier match de préparation contre le FBBP01. Rappelons, quand même, que le garçon vient à peine d’avoir 24 ans. « C’est la manière dont il surmonte ses échecs qui définit un joueur », disait joliment Aouar dans Libération. À lui de jouer, maintenant.
Par Timothé Crépin
Propos de Houssem Aouar issus de Libération. Ceux d'Armand Garrido et de Gilles Rousset recueillis par TC.