ACTU MERCATO
Lyon fait-il vraiment une bonne affaire en vendant Lucas Tousart ?
Le milieu de l'Olympique lyonnais de 22 ans continuera sa carrière la saison prochaine du côté du Hertha Berlin. Mais si les Lyonnais font une belle opération financière (on parle de 25 millions d'euros), ils n'ont plus que six mois pour profiter de leur soldat.
« On a Tousart devant la défense, mais on a besoin d’un autre profil, car Sylvinho préfère le 4-3-3. Quelqu’un de fin techniquement, qui aime le ballon et qui fasse jouer son équipe, un patron. Lucas Tousart a un profil plus physique et costaud. » C’est par ces mots de Juninho, lâchés lors de son intronisation en tant que directeur sportif de l’Olympique lyonnais, que la saison de Lucas Tousart avait débuté. Et si on se fie à cette photo estivale, le club de Jean-Michel Aulas devrait se réjouir aujourd’hui d’avoir tiré 25 briques d’un bourrin sans charisme, incapable d’aligner trois passes. C’est en tout cas le deal qui a été conclu ce lundi avec le Hertha Berlin, le milieu étant prêté à l’OL dans la foulée pour y finir la saison. Le beurre (d’une jolie enveloppe) et l’argent du beurre (en conservant le joueur quelques mois encore) pourrait-on se dire, mais de là à parler de « braquage » … Car, oui, Lucas Tousart est bien plus que cette caricature.
Les sempiternels doutes autour de la sentinelle
Depuis le mois d’août, Lucas Tousart a montré suffisamment de (bonnes) choses pour qu’un club décide de miser 25 millions d’euros sur lui. Le capitaine de la sélection Espoirs n’avait d’ailleurs eu besoin que d’un match pour retourner l’opinion du nouveau staff brésilien à son égard et clarifier un malentendu. C’était à Monaco (0-3), lors de la journée d’ouverture de Ligue 1, où l’Arrageois à l’accent aveyronnais avait « été bon dans la lecture du jeu et en marquant un but aussi » , d’après Sylvinho lui-même. Le coach n’est depuis qu’un souvenir sur les bords du Rhône, et Juninho a formulé des excuses à son joueur : « Je me suis mal exprimé le premier jour. Lucas Tousart a un profil très intéressant. Il est très respecté dans le groupe, avec un vrai talent. On compte sur lui. » Sagement, Tousart les a acceptées — « ça arrive, on s’est tous déjà trompés devant les médias » — et avait promis vouloir « devenir un leader lors de la saison » . À mi-saison, celui-ci est le joueur de l’effectif comptant le plus d’apparitions derrière Moussa Dembélé (29 contre 31) et le sixième temps de jeu, toutes compétitions confondues, tout en colmatant les brèches causées par l’intégration difficile de Thiago Mendes. Celui-là même qui était censé prouver son obsolescence.
Alors oui, on peut saluer les facultés du club rhodanien de bien savoir vendre ses éléments. Mais personne n’avait tiqué sur les 60 millions d’euros déboursés par Tottenham pour s’offrir Tanguy Ndombele. Ce dernier, bien qu’international et au jeu plus spectaculaire, n’était pas forcément plus déterminant dans les résultats lyonnais (1,88 point avec Tousart sur le terrain la saison dernière, contre 1,80 pour l’actuel joueur de Tottenham). Aujourd’hui, Lyon sait qu’il devra se résoudre à laisser partir un combattant valeureux, dévoué au collectif depuis déjà quatre saisons et demie, une « rampe de lancement » comptant à 22 ans pas moins de 155 matchs avec cette formation. Une expérience non négligeable lorsqu’on cherche à lancer un nouveau cycle et qu’on est à la recherche de cadres solides.
Droit dans le mur ?
Lucas Tousart aurait pu devenir avec le temps le vrai successeur de Maxime Gonalons. Pas le joueur le plus dingue techniquement, mais capable d’incarner un projet et grandir avec lui. Et pendant que l’OL cherche à finaliser le transfert de Bruno Guimarães, qui a 22 ans lui aussi, mais est plus offensif et forcément plus sexy dans l’imaginaire collectif, et pourrait à terme aligner un entrejeu 100% auriverde avec Mendes et Jean Lucas, Lucas Tousart aurait pu continuer à jouer ce rôle de relais et de matelas en cas de pari manqué.
Finalement, la seule question qui vaille est : l’ex-Valenciennois a-t-il fait le bon choix en mettant le cap sur Berlin ? Au vu de ses caractéristiques, la Bundesliga peut effectivement lui convenir. Mais sous les ordres de Jürgen Klinsmann, avec l’actuel 13e du championnat, Tousart sera privé de compétitions européennes et ne devrait plus jouer les premiers rôles. Un virage qui comporte le risque de disparaître des radars pour un homme qui gravit depuis plusieurs années à son rythme les échelons dans les différentes sélections jeunes et qui pouvait légitimement penser à un avenir avec les A. À moins que la clé de Deschamps, comme pour Benjamin Pavard ou Alassane Pléa, ne se trouve de l’autre côté du Rhin.
Par Mathieu Rollinger