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Lyon et son linge sale
Le film se joue depuis désormais plusieurs mois. En juillet dernier, Jean-Michel Aulas faisait revenir Gérard Houllier dans l'organigramme de l'OL, pas très loin de Bernard Lacombe. Problème, les deux hommes ne peuvent bosser ensemble et ont progressivement calé un flou insupportable autour de la politique sportive du club. Une situation où la victime finale pourrait finalement être le quatrième homme : Bruno Génésio.
Une boucle qui se répète. En arrivant sur le banc de l’Olympique lyonnais en décembre 2015, Bruno Génésio n’avait qu’un seul objectif : réinjecter « un certain nombre de valeurs qui ont fait que le club a gagné des titres » dans les veines de l’institution pour qui il a enfilé son premier short à l’âge de cinq ans. Des valeurs « oubliées » à ses yeux, ce dont il assumait alors une part de responsabilité. Hop, le matelot du huitième arrondissement de Ludgunum avait pris ses instruments et ses tripes pour rééquilibrer le navire en danger et l’OL avait bouclé la saison à la deuxième place de Ligue 1 en marchant notamment sur le PSG (2-1) et l’AS Monaco (6-1) dans une seconde partie de saison presque parfaite.
Tout ça était trop simple, beaucoup trop simple et Génésio savait que ce n’était qu’une première étape, que gérer une intersaison est exigeant, qu’orchestrer un mercato est complexe et que le révélateur serait finalement la saison d’après. Celle de la confirmation. Au fond, l’ancien adjoint a toujours été regardé avec méfiance par les supporters de l’OL. Pour plusieurs raisons, dont la principale était son manque de légitimité pour accéder à un tel poste si l’on se fiait à son passé sur un banc. Le Parc OL rêvait de Lucien Favre, il a eu Génésio. Mais ce dernier s’en cogne : « J’accepte la critique. J’accepte qu’on puisse avoir des doutes, c’est légitime, mais de les exprimer de manière violente, ça, je ne l’accepte pas. La critique me touche, mais ça m’a renforcé. Je me suis dit : « À toi de montrer que ce que qu’ils disent est faux. » » Et le boomerang.
Génésio, victime facile
Non, l’OL n’est pas soigné et voilà que Bruno Génésio se retrouve à jouer son avenir sur deux matchs européens contre Beşiktaş. C’est ce qui se dessine derrière l’entretien donné cette semaine par Jean-Michel Aulas à OLTV : « Il faut être derrière Bruno. On fera les comptes à la fin. Je pense que cette saison peut nous donner d’énormes satisfactions. » Et la seule façon de coller un sourire sur le visage des supporters lyonnais sera de les emmener à Stockholm le 24 mai prochain, le championnat n’ayant désormais pour seul intérêt que la conservation d’une quatrième place. Alors, il faut déjà poser les problèmes. Le premier, que reproche-t-on à Génésio ? Ses résultats, d’abord, là où l’OL a déjà été mis au tapis douze fois sur trente-deux matchs de championnat cette saison. Sa culture tactique, ensuite, là où elle était louée à la fin du dernier exercice.
Il faut déjà faucher une affirmation trop entendue : non, Bruno Génésio n’est pas un idiot devant un tableau noir et sait de quoi il parle. Il sait où il veut aller : « Faire progresser mes joueurs par rapport à ce qu’on leur apporte avec ce qu’on veut mettre en place. Exemple, je ne peux pas apprendre à Lacazette à dribbler trois joueurs et frapper ensuite en lucarne, mais je peux lui apprendre à gagner en repli tactique. » L’homme veut jouer, veut que son équipe aille vite dans les transitions et qu’elle soit capable de presser très haut. Là, le problème est ailleurs, et les récents caprices de Nabil Fekir l’ont prouvé. Contre la Roma au tour précédent, Génésio a réussi son pari tactique à l’aller. Problème, depuis le début de la saison, le coach de l’OL s’est planté sur plusieurs coups, naviguant entre les schémas avec un déséquilibre défensif constant, et est surtout victime d’une politique sportive qui n’a résolu aucun des problèmes identifiés l’été dernier.
« Il n’y a pas de clash »
La politique sportive, justement. Une sorte de piscine à balles où se chatouillent depuis plusieurs mois deux mecs qui se détestent – Gérard Houllier et Bernard Lacombe – sous les yeux de tonton Aulas qui ne sait plus trop quoi penser et faire. Le premier est « consultant extérieur » , l’autre est « conseiller du président » . Mais ? « Vous anticipez des difficultés qui n’existent pas, coupait cette semaine Jean-Michel Aulas. Ils ne s’embrassent pas sur la bouche tous les jours, ils ne partent pas en vacances ensemble, mais ils sont complémentaires. Et, c’est moi qui décide.(…)Si ça dérape, je peux arrêter l’histoire. » Pas de problème alors. Et qu’en dit Houllier ? « Il n’y a pas de clash. Aujourd’hui, il n’y a pas de relation. J’aime Bernard, mais je n’apprécie pas le type de comportements qu’il a. Un club ne peut avoir du succès que dans l’unité et dans l’harmonie. Mais cette harmonie n’existe pas. »
Donc, il y a bien un souci. Depuis le départ, les deux hommes se marchent dessus et entretiennent le flou sur les directions d’un club qui bouscule également en ce moment sa politique de formation. Autour de ça, une question : qui soutiendra Génésio au moment de faire les comptes ? Aulas veut le garder, lui faire confiance, mais jusqu’à quand ? Et quand le coach lyonnais parlait samedi, après la défaite à domicile contre Lorient (1-4) – lors de laquelle Aulas est venu dans le vestiaire –, de « comportements inappropriés pour le football de haut niveau » , visait-il seulement ses joueurs ? Place à l’action, avant la réaction indispensable.
Par Maxime Brigand
Propos de Bruno Génésio recueillis par MB en septembre 2016.