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Lyon : comment faire mal à la Juve de Conte ?
Il semble évident que pour battre la Juve de Conte, l'OL va devoir élever très largement son niveau de jeu, individuel et collectif. Et encore, cela pourrait bien ne pas suffire. Voici les quatre conditions nécessaires – et non suffisantes – à un succès lyonnais ce soir.
Giovanni Trapattoni avait raison. Il y a exactement une semaine, le Trap affirmait avec confiance à Radio Crc que Rafa Benítez « sait comment affronter la Juventus, car il en connaît les points forts et les points faibles » . Résultat: Callejón d’abord, Mertens ensuite et 2-0 au San Paolo. La clé ? Le technicien espagnol est parvenu à repousser les latéraux de Conte dans leur propre camp, à l’aide de l’activité de ses ailiers (Insigne et Callejón), du pressing de Hamšík sur Pirlo et d’une excellente conservation de balle (71% de possession à la 20e minute). La Juve, sans Tévez, ne cadre que deux tirs et ne réussit que 80% de ses passes. Comment répéter l’exploit ?
Ralentir le cerveau d’Andrea Pirlo
Carlo Mazzone entraînait Brescia en 2001. Un beau jour, il avait eu l’idée anodine de placer Pirlo devant sa défense. « Je lui ai dit qu’en défense, il ne devrait pas penser à aller chercher le ballon dans les pieds de l’adversaire, mais juste à bien se placer pour gêner l’autre équipe. Et qu’en attaque, il aurait plus de temps pour diriger la manœuvre. » Les solutions sont dans le texte: pour ralentir Pirlo, il faut réduire le temps de réflexion du barbu ou l’obliger à défendre. On est loin du marquage de Maradona par Lothar Matthäus en 1986 ou Claudio Gentile en 1982, mais le fait est qu’aujourd’hui, tous les entraîneurs adaptent leur plan de jeu pour mettre des bâtons dans les roues de la conduite de balle d’Andrea. Option numéro un: désigner un homme au marquage. Au tour précédent, Vincenzo Montella a carrément décidé de sacrifier son cerveau, en misant sur la mobilité de Borja Valero. À San Siro, Clarence Seedorf avait décidé de placer le besogneux Andrea Poli en numéro 10, dans le but d’avoir toujours un travailleur dans les environs de l’imagination de Pirlo. Autre exemple: en novembre 2012, l’Inter de Stramaccioni avait aussi pressé, mais en faisant alterner Palacio et Milito.
Deuxième option: obliger Pirlo à passer du temps à courir, lui qui est trequartista de formation. À Naples, le fait d’être dans la même zone qu’Hamšík ne lui a pas facilité la tâche. Les mouvements d’un faux 9 comme Francesco Totti ont d’ailleurs toujours posé problème aux équipes ayant adopté un meneur de jeu reculé. Après cette première étape, il s’agit de mettre sur le terrain un milieu capable de faire face à l’intensité de Vidal et Pogba. La tactique de Seedorf à San Siro peut faire référence: le sacrifice de Poli était parfaitement équilibré par l’activité offensive de Kaká et Taarabt pour épuiser le Chilien et le Français (du moins en première mi-temps). Enfin, si les manœuvres de la Juve seront forcément plus lentes, elles continueront à exister grâce au jeu long de Bonucci, d’où le besoin impératif de prendre le jeu à son compte.
Vaincre l’arrogance de la Vieille Dame
« Robin des Bois disait qu’un cœur timide n’a jamais conquis une demoiselle. Et je rajoute: ni une Vieille Dame. Selon moi, la Juve, soit tu la presses haut, soit tu l’attends dans tes seize mètres. Si tu restes entre les deux, tu finis par te perdre. Mais si tu te renfermes derrière, tôt ou tard, ils finissent par marquer, toujours. Si en revanche tu essayes de les attaquer, peut-être que tu perds aussi, mais si les choses prennent une bonne tournure tu peux aussi faire bingo » . Ces mots sont signés Siniša Mihajlović, en janvier, avant d’aller perdre au Juventus Stadium 4-2, le couteau entre les dents et la tête haute. Paradoxalement, il s’agit peut-être de la meilleure partition d’un adversaire cette saison dans l’antre de la Vieille Dame. Pour éviter de courir durant 90 minutes après les manœuvres de Pirlo, les longs ballons de Bonucci, les courses de Vidal et les appels de Tévez, il n’y a pas de secret: il faut gagner le ballon. À San Siro, le Milan avait fait déjouer la Juve le temps d’une mi-temps mémorable avec 61% de possession. Au San Paolo, Benítez avait 62% à la mi-temps. Luigi Garlando, illustre journaliste de La Gazzetta dello Sport: « il faut prendre la balle à la Juve pour lui enlever le rythme et l’arrogance » . L’arrogance de la vista de Pirlo, et le rythme de ses appels incessants, bien souvent sur les côtés…
Lui couper les ailes
Il est possible de ralentir Pirlo, mais on ne peut pas se permettre de penser qu’il n’aura pas un coup de génie décisif. Les coups francs cruciaux marqués à Gênes et Florence ces dernières semaines auront convaincu les plus sceptiques. En revanche, si le talent est impossible à annuler, il est possible de lui couper les lignes comme une défense de football américain qui isolerait le quarterback adverse. Et les lignes les plus dangereuses, ce sont celles qui connectent directement Pirlo à ses deux wide receivers: Asamoah à gauche, Lichstcheiner à droite. Pour les garder loin du but, rien de mieux que les faire travailler défensivement.
Et pour forcer le repli, il n’y a pas d’autre solution que de mettre en difficulté la défense à trois de Conte, c’est-à-dire gagner des un-contre-un contre Barzagli à droite et Chiellini à gauche. Évidemment, ce sont deux experts en la matière, sinon la Juve souffrirait bien plus souvent. Face à Cáceres à San Siro, par exemple, Adel Taarabt avait permis à Abate de monter et de faire reculer Asamoah. Au San Paolo, Callejón et Insigne ont également forcé Conte à défendre à cinq. Compte tenu des blessures dans l’effectif lyonnais, Rémi Garde pourra-t-il aligner lui aussi un 4-2-3-1 ?
Occuper physiquement les trois centraux
Enfin, pour que ces situations de un-contre-un existent, il faut occuper les deux autres centraux, ce qui nous amène à évoquer le rôle de l’avant-centre. Pazzini avait rempli sa mission à Milan, en prenant de la place, ouvrant des brèches et occupant physiquement les trois centraux. Du physique, des coudes, du jeu en pivot, des coups de fesses et des bons longs ballons. Comme Milito avec l’Inter ou Drogba avec Galatasaray. Pour pouvoir profiter des espaces laissés par les latéraux de la Juve, il faut aller provoquer un mauvais placement de l’un des centraux. L’autre possibilité serait de présenter un trident offensif, comme l’Inter en 2012 avec Cassano-Milito-Palacio. Mais Rémi Garde peut-il calquer le système de l’OL sur celui de Conte ? Enfin, inutile de rajouter que pour faire mal à la Juve, il faut soigner la finition, cette dimension du jeu où la Vieille Dame est, dans la mythologie du football italien, la plus cynique. À San Siro, le Milan s’était incliné 0-2…
Par Markus Kaufmann
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