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Lyon a perdu sa griffe
Après une troisième saison sans titre, l'OL en a fini avec les transferts pétaradants et les ambitions démesurées. C'est désormais officiel : le club d'Aulas n'est plus le patron du football français. Définitivement... ?
On comprend mieux pourquoi Jean-Michel Aulas a sauté au plafond et branché tout le monde comme un sagouin quand Lyon est allé gagner à Saint-Etienne (4-1) en février dernier. Certains avaient interprété ça comme de l’arrogance déplacée nourrie par l’idée de prendre une douce revanche après la défaite à Gerland (0-1). Peut-être un peu, c’est vrai, mais c’était surtout une réaction pleine d’humilité. Le signe que JMA sait désormais que les ambitions lyonnaises vont surtout se borner à assurer la suprématie régionale et tenter de sauver ce qui peut l’être sur la scène nationale. Longtemps, l’Olympique Lyonnais avait réduit ses adversaires du Championnat de France à de simples sparring-partners en vue des joutes européennes davantage à sa mesure, la fameuse époque où Aulas avait pour projet de « rendre la victoire en Ligue des champions inéluctable » . Longtemps, le club rhodanien, véritable locomotive du marché français, a fait les bons choix de recrutement, se trompant rarement sur la marchandise. Longtemps, JMA a cru que son club allait franchir un cap supplémentaire en engageant un bâtisseur comme Claude Puel avec un contrat inédit à la clé tant dans sa durée (quatre ans) que dans ses prérogatives (entraîneur général). Cette troisième saison de rang sans le moindre trophée à la clé aura fait exploser ces espoirs et ces certitudes.
Resserrage de ceinture de plusieurs crans
Aujourd’hui, Lyon a décrété la diète en dégraissant un maximum. Toulalan a déjà plié les gaules (Malaga), Bastos est en vente aussi et au total tout ça devrait rapporter pas loin des trente millions nécessaires pour combler la dette. D’autres devraient suivre, comme Ederson. A la limite pourquoi pas mais l’histoire commence à sérieusement se compliquer pour l’OL quand on songe au recrutement cheap qui se profile. Car quand pour remplacer la Toul’, on scrute attentivement le Nancéien N’Guémo, c’est qu’il y a une grosse couille dans le potage et ce n’est pas manquer de respect au milieu lorrain que de dire ça. Mais il faut être lucide et se souvenir qu’il fut un temps où quand Essien (putain, Essien quoi) fichait le camp direction Chelsea, Lyon faisait venir Tiago Mendes en un coup de cuillère à pot. Facile.
Mais les supporters lyonnais vont devoir s’y habituer : le club a resserré sa ceinture de quelques crans. « L’OL a vécu au-dessus de ses moyens ces dernières années » , a même lâché Aulas. Résultat, les anciens despotes de Ligue 1 vont acheter bon marché et surtout tabler sur des valeurs maison, entre promotion des jeunes pousses du club, intronisation de Rémi Garde à la place de Puel, officiellement parti lundi soir, et rappel probable de Robert Duverne pour mettre fin à la série de casses en tous genres qui polluent l’effectif depuis… trois ans. Alors bien sûr, le retour de l’homme au chronomètre est sans doute une bonne perspective (même s’il reste sur trois échecs cuisants : Bleus, Arles-Avignon et Aston Villa). Bien sûr, le centre de formation lyonnais a sorti des pépites et peut nourrir l’équipe première. Et bien sûr, il y aura toujours des optimistes béats pour établir un parallèle entre Garde et Guardiola. Mais franchement, soyons sérieux…
Briser le souvenir de Knysna
Car cette politique de modération extrême (le terme diplomate pour « politique de rigueur » ) intervient à un moment où Marseille semble plus stable que jamais (trois saisons que l’OM finit devant l’OL, mine de rien), Lille en passe d’être pérenne (doublé, C1 l’an prochain, grand stade en 2012) et surtout Paris en voie de « galactisation » aigüe. Dans ce paysage hexagonal, la dynamique lyonnaise ne ressemble pas exactement à celle d’un prétendant à la couronne. A moins que JMA qui aussi ambitieux que pragmatique n’ait une petite idée derrière la caboche. Car le départ de Toulalan, s’il est évidemment motivé par un intérêt financier, a une autre incidence : celle de briser la chape de plomb sud-africaine. On l’a beaucoup trop sous-estimé mais Lyon a payé plus fort que d’autres l’addition laissée par Knysna. Avec Toulalan et Gourcuff, l’OL a abrité deux traumatisés majeurs du dernier Mondial et personne ne peut dire avec certitude si Lloris n’a pas vécu avec sa part de blues aussi. Avec le départ du milieu défensif, Lyon se « débarrasse » d’un dépressif et va peut-être permettre à Gourcuff d’arrêter enfin de vivre avec ses fantômes. Surtout si Aulas réussit un gros coup dont il a secret : Marvin Martin. Celui qui incarne l’avenir en Bleu ainsi qu’une idée de jeu commune à celle de Yo est peut-être le meilleur moyen pour tourner cette page funeste et pesante.
Et à bien y regarder, une équipe qui compterait alors Martin, Gourcuff, Lisandro et Gomis en attaque, avec des backup nommés Pjanic ou Briand, aurait-elle vraiment à rougir de la comparaison avec quiconque même si la défense ne semble tenir qu’aux seuls gants de Lloris ? Il n’empêche, Lyon est à une croisée dangereuse des chemins. Des destins. Réagir vite pour ne pas quitter le wagon de tête de la L1 ou quitter le podium, ce qui signifierait alors peut-être une lente mais certaine descente vers l’anonymat du football français. Inéluctable, comme dirait l’autre ?
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