- C1
- OL/Real Madrid
Lyon à l’épreuve du Mou
OL-Real, saison 4. Avec leur bilan sans faute face à leur souffre-douleur préféré, les Lyonnais ont toutes les raisons d'y croire pour ce nouveau 1/8ème européen. Sauf qu'il est aussi question de retrouver Mourinho. Et là, c'est une autre histoire.
Une huitième à rejouer, un exploit à reproduire et un statut de bête noire à confirmer. Voilà à quoi pourrait se résumer la feuille de route lyonnaise avant de retrouver le Real pour la deuxième année de suite en Ligue des Champions. Du coup, la tentation est grande de retourner un an en arrière pour remettre la main sur toutes ces histoires qui ont mené à la divine surprise lyonnaise : la pelouse de Gerland laissée en friche sur ordre du chef-major Lacombe, Xabi-la-rampe serré de près par Mak II, l’appel au sang et aux larmes scandé à coups d’aphorismes pour asados par Lisandro dans les tréfonds de Santiago Bernabeu. Jusqu’à ce bout de supplément d’âme que Boumsong avait pioché dans l’iPod de Toulalan : « Moi qui n’écoute que du classique au vestiaire, j’ai demandé à Toulalan de me faire écouter la chanson « Toi plus moi”, de Grégoire, qui dit : “Allez, venez, laissez faire l’insouciance, tout est possible, tout est réalisable” » .
Seems so long ago, Nancy…
Cette année, on espère que la Toule aura l’idée de passer “Seems so long ago, Nancy” à ses coéquipiers avant d’entrer sur le terrain. D’abord, parce que cette chanson reste l’une des plus belles de Leonard Cohen qui en a composé un paquet, pas négligeable au vu des playlists un rien Radio Nostalgie de Jérémy. Ensuite, parce qu’elle impose la nécessité de renvoyer au rang de souvenirs déjà lointains la victoire euphorique sur Nancy samedi dernier, ainsi que toutes celles face au Real, alors même qu’elles paraissent statistiquement aussi inéluctables qu’une sortie à coups de punchlines bien senties signée JMA.
Qu’on se le dise, pour sa huitième apparition consécutive en phase finale de Ligue des Champions, il s’agit moins pour l’OL de célébrer de nouvelles retrouvailles avec une Maison Blanche, qui reste sa victime préférée, que de revoir surgir le Mou’ sur sa route. La seule fois où le Special One s’est pointé à Gerland, c’était au printemps 2004. Le temps d’un quart où, avec ses Dragons, il avait donné aux Lyonnais ce qui reste comme une leçon de football rarement vue à ce niveau. Rien à faire face à une telle maîtrise collective, à ces transmissions trop rapides, aux ouvertures lumineuses de Deco. Une sortie sans grands regrets sur laquelle s’est néanmoins forgée une bonne part de l’expérience lyonnaise en Ligue des Champions. Et surtout cette certitude du côté de Jean-Michel Aulas qu’il existait bien un business model à sa portée pour s’imposer un jour sur la scène européenne. Suffisait pour ça de tenir l’entraîneur qui saurait faire d’un effectif normal sup’ une armada taillée pour remporter une compétition devenue l’obsession de tout un club à mesure qu’il tenait la L1 à sa main.
Pour son savoir-faire dans l’art d’amener un effectif low cost à squatter le carré de tête en championnat et à remuer sévère Manchester United en Ligue des Champions, Claude Puel a pu incarner une certaine idée du Mou’ à la française. Une idée d’autant plus crédible que les dirigeants du FC Porto l’avaient sollicité pour assurer la succession de Mourinho. Avant que les chasseurs de tête lyonnais n’y souscrivent à leur tour –Bernard Lacombe le premier– pour en faire leur priorité absolue. Trois saisons plus tard, pas sûr que l’unanimité reste de mise. Lacombe ne s’est pas embarrassé depuis le début de saison pour manifester haut et fort son agacement. Faut dire qu’entre-temps, on a appris à en savoir un peu plus sur la fabrique du succès chez Mourinho. Les questions en conférence de presse d’avant-match ne parlaient que de ça, cette gestion psychologique qui amène la rock star portugaise à conditionner son groupe et ses individualités pour le succès et rien d’autre.
Puel, pas assez Mou ?
Parmi les reproches qu’a pu essuyer Claude Puel depuis son arrivée à Lyon, il a souvent été question de cette difficulté à user du ressort psychologique qui permet de tirer le meilleur d’un groupe. Si la dernière secousse en date – Licha plus sauvage que jamais qui se froisse les ischios de colère pour une histoire de non-titularisation contre Nancy –, les débuts de clash et autres bouderies qui ont émaillé les saisons précédentes le rappellent à leur manière. Juninho, Fred, Benzema, Govou ou Cris y sont allés chacun leur tour de leur coup de froid plus ou moins assumé avec un coach décrit comme trop rigide. Pas pour rien si une bonne part de la communication lyonnaise s’emploie à rappeler tous les six mois que « Claude Puel a changé » . Bien plus qu’un problème d’image, cette lacune dans sa gestion psychologique des joueurs peut servir à l’occasion d’explication aux difficultés chroniques de son équipe. Une équipe qui trouve sa pleine expression au moment des grandes parenthèses européennes, avant que son jeu et ses vertus ne se diluent de retour au quotidien de la L1. Cette difficulté à maintenir un certain niveau d’exigence sur l’ensemble d’une saison ne manquera pas d’être abordée dans le bilan de fin de saison qu’a promis en creux Jean-Michel Aulas dimanche dernier. D’ici là, bien plus que le seul Puel, c’est aussi une équipe qui promet d’être mise à l’épreuve du Mou’. A commencer par ce 4-2-3-1 ressorti des cartons au cœur d’un Derby où le milieu lyonnais, Gourcuff en tête, a manqué de prendre le bouillon.
Nouvelle variation en 4-3-3 accords
Un schéma qui a tout d’une nouvelle variation autour du 4-3-3 historique, pour ne pas dire d’un retour aux origines, du temps où Juninho, tout juste nommé grand architecte du jeu lyonnais, avait tout le loisir de jouer en soutien de son attaque, laissant le soin aux deux sentinelles à la base du triangle (Essien et Diarra) de régler la question du milieu. Ce système a l’avantage de remettre Gourcuff au cœur de l’animation lyonnaise. Cela avait déjà été le cas une première fois en octobre dernier face au LOSC, laissant deviner une relation plus directe avec Lisandro. Cette fois, le meneur de jeu lyonnais peut bénéficier du travail de conservation et de remise de Gomis pour trouver les décalages et se montrer enfin plus décisif dans son soutien en phase offensive. Autre intérêt, le dispositif remet au goût du jour un turn-over qui avait laissé la place à un onze type bien établi. A l’approche d’une série de matchs décisifs, Claude Puel peut à nouveau compter sur un effectif où tous les joueurs peuvent se sentir à nouveau concernés.
Autant de raisons qui ont convaincu le coach lyonnais de renvoyer son équipe en 4-2-3-1 ce soir à Gerland. La seule incertitude concerne la dernière place à prendre dans le onze type de départ, celle de Lisandro. Si Briand a confirmé contre Nancy son retour dans la peau du supersub décisif entamé à Saint-Étienne, Puel a reconnu à demi-mots que la place semblait promise à Delgado : « Chelito a de grandes qualités de percussion et de dribble. Il peut être redoutable, voire déterminant dans ce genre de rencontre » . Des atouts certes considérables pour compenser l’absence de Lisandro côté technique. Reste à savoir si Puel trouvera les mots et les ressorts qui permettront de compenser ces monuments de rage que le bouillant barbu sait transmettre à ses partenaires dans ce genre de rencontre bigger than life. Une nécessité qui paraît d’autant plus grande qu’à l’inverse de la saison passée, les Lyonnais ne sont plus condamnés à l’exploit. D’une part, parce qu’en sortant le Real l’an passé, l’OL a réglé la question de la performance inédite qui manquait encore à son histoire européenne. D’autre part, parce que l’avenir du club se joue aussi en championnat, tout de suite ou presque, avec le déplacement de dimanche à Lille.
En cas de premier passage réussi ce soir à Gerland, Jean-Michel Aulas pourra toujours se féliciter d’avoir maintenu un coach taillé pour emmener son équipe plus loin que ne le laissait entrevoir un début de saison duraille. Dans le cas contraire, il sera toujours temps de tirer son lot d’enseignements de la nouvelle leçon de Mou.
Serge Rezza
Par