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Luzenac vs DNCG : un déni sur l’avenir ?

Par Nicolas Kssis-Martov
5 minutes
Luzenac vs DNCG : un déni sur l’avenir ?

C'est très mal parti pour Luzenac AP en L2. Le buzz de la fin de saison dernière va sûrement accoucher d'une petite souris en National. Derrière cet épisode, qui fait écho au cas infiniment plus symbolique du RC Lens, se pose derechef la question de la régulation économique du foot français assurée depuis 1984 par la DNCG, et dont les clubs ont de plus en plus de mal à décrypter les motivations et surtout les critères. Analyse d'une exception française…

Luzenac est une histoire bien de chez nous. Ce genre de joli conte qui fait que le foot tricolore est ce qu’il est. L’idée très à l’ancienne, vieux héritage du modèle associatif amateur, qu’il est possible de monter tous les échelons jusqu’au sommet, avec des clubs comme Auxerre en modèle. Seulement, le foot constitue désormais aussi une industrie et son capitalisme, certes très spécifique mais avec ses contraintes incontournables, rentre en profonde contradiction avec cette noble idée de la méritocratie à crampons. C’est ainsi que la LFP, via son instance de contrôle la DNCG, essaye de bricoler un modèle hybride, oscillant entre le mythe de la réussite sportive et une version assez bancale et extensive des ligues fermées à l’américaine. C’est sur cet écueil que le fragile navire ariégois vient, en toute bonne foi, de s’échouer. Rappel des faits.

Le Stade Toulousain en sauveur

Tout commence par une belle aventure en National que personne n’attendait. Au fil du championnat 2013-2014, il apparaît de plus en plus clairement que Luzenac et ses 550 habitants jouent la montée. Le bonheur est dans le pré et en mars dernier, la DNCG valide même son budget 2013, ce qui laissait le président Jérôme Ducros assez serein quant à la suite des événements. Les choses vont rapidement se gâter. Dès que l’accession à l’échelon supérieur est validée sur le terrain, les dirigeants prennent rapidement conscience que pour passer le nouvel examen de passage, il faut résoudre urgemment un certains nombre de problèmes, dont celui de plus en plus épineux, dès lors qu’il s’agit de franchir le plafond de verre du professionnalisme, du stade. Leur actuelle enceinte à Foix nécessite des travaux importants qui risquaient de se révéler insurmontables. Une solution est dès lors à chercher du côté de Toulouse, à 122km de là, au stade Ernest-Wallon. Un accord est même négocié avec les amis du Stade Toulousain, dans la mesure où les deux calendriers pouvaient cohabiter.

L’autre facette tient au besoin de gonfler une surface financière quelque peu faiblarde pour la L2. « J’ai été informé dans l’après-midi que le budget était retoqué en première instance mais je savais qu’on ne pouvait pas fournir en dix jours le travail de trois mois » , prend avec philosophie le président Jérôme Ducros, qui insiste alors sur le décalage entre le dossier présenté et les évolutions en cours, notamment « l’attribution par la LFP de la « licence club » représentant une ressource de 850 000 euros dans le budget » . Luzenac accueille donc sans surprise ni angoisse le rejet originel en juin de son dossier.

Le cas Valence 2004

Le choc se produit après le passage en appel le 2 juillet dernier, qui maintient l’avis défavorable. Malgré donc les garanties offertes par Luzenac. Cette fois-ci, l’incompréhension voire la colère dominent, surtout que l’opacité des attendus rend pour le coup presque suspicieux, voire paranos, les dirigeants ariégois, non sans rappeler le cas de Valence en 2004. Il reste un dernier recours d’ordre sportif, le CNOSF, dont la commission de conciliation a déjà permis à Valenciennes d’évoluer l’an prochain en L2, contrairement à ce qu’avait au départ décidé la DNCG. La décision de l’instance « olympique » , guère plus détaillée, douche une fois encore les espoirs de nos adorables petits poucet. Et pour le coup, cela enterre sûrement pour de bon, malgré leur décision de déposer un recours devant le tribunal administratif de Toulouse, leurs rêves de L2. Sur son site, le club s’étrangle d’indignation et entre dans une bataille de comm’ : « Contrairement à ce qui est communiqué par la FFF et relayé par tous les médias, le club n’a aucun déficit et présente des comptes équilibrés avec des fonds propres validés par le commissaire aux comptes. Il répond à tous les critères réglementaires imposés par la LFP. »

De fait, en se tenant aux règles strictes de la DNCG, il est très difficile de comprendre les fondements de cet arbitrage. Sauf à considérer que par le passé, la DNCG s’est trouvée confrontée à des clubs qui sombraient économiquement, comme Strasbourg ou Le Mans, souvent sanctionnés par des décisions judiciaires, ou plus récemment la liquidation de la SASP AS Cannes. Le profil de Luzenac laissait-il craindre au « gendarme » du foot français de telles perspectives à plus ou moins long terme ? Dès lors s’agit-il d’une mesure de prévention afin d’éviter un accident industriel ?

Un jugement d’anticipation ?

Bref, le rôle de la DNCG aurait-il finalement glissé insensiblement vers une vocation beaucoup plus importante, à savoir d’assurer la « stabilité » du foot français ? Une telle transformation impliquerait de tenir compte par anticipation de facteurs « potentiellement fragilisants » tel le coût que pourrait peser la location du stade de Toulouse dans les finances du plus petit budget de L2 (2 millions) ; ou la perspective que le club ne dispose pas de l’assise territoriale suffisante (supporters, sponsors, régions ; collectivités, etc) pour se maintenir à un tel niveau.

Dans ce cas, nous serions confrontés à une interprétation très large et étendue de la mission originelle de la DNCG, qui devait surtout s’assurer de la santé des clubs « en vérifiant notamment que les investissements sportifs n’excèdent pas les capacités financières » . Avec la difficulté supplémentaire de savoir comment ce type de soucis peut s’appliquer également à l’élite et aux plus riches, notamment avec la pierre d’achoppement, à l’instar du fair-play financier de l’UEFA, de l’endettement. De toute manière, l’un des enjeux que pose « l’affaire » Luzenac reste bien de mesurer ce qu’il reste de l’aléa sportif dans le fonctionnement du foot pro et quelles sont les personnes ou exigences qui décident d’en borner la place.

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