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Luzenac, An 1
En août 2014, le Luzenac Ariège Pyrénées passait d'une montée en Ligue 2 à la PHR, six divisions plus bas, à la suite d'une sanction administrative. Sans sommation. La plupart des joueurs et des dirigeants quittaient le club, qui s'enfonçait dans une crise sportive et financière. Un an plus tard, qu'est devenu le LAP et ceux qui ont participé à cette saison maudite ?
Ce fut le feuilleton mélodramatique de l’été 2014. À raison d’ailleurs, tant l’histoire est moche : Luzenac, qui vient de terminer deuxième de National, voit sa montée en L2 invalidée à cause d’un budget insuffisant. Suite à un imbroglio interminable, le club est un temps réintégré avant d’être définitivement sanctionné administrativement, la LFP invoquant des infrastructures inadaptées. La belle légende de David contre Goliath finit mal, très mal, et l’exode est massif : les joueurs sont libérés de leur contrat, les investisseurs se retirent et le club repart de la 7e division, en PHR. C’était il y a un an tout pile. Et si le LAP vient de gravir un échelon et évoluera donc en DH la saison prochaine, personne n’a digéré l’humiliation subie l’été dernier, qui équivaut à la destruction d’un groupe et d’un projet.
Sébastien Mignotte, en charge de la vidéo lorsque le club évoluait en National, a pris la tête de l’équipe dès la rétrogradation actée : « Moi, je devais faire partie du staff de l’équipe pro, j’avais même obtenu une mise à disposition de la part de mon employeur. Je suis dans ce club depuis dix-sept ans, j’ai tout connu ici, ça fait très mal. » La première partie de saison est logiquement compliquée, mais dès novembre, l’équipe engrange les points et finit même première de son groupe. « Un petit exploit, vu notre situation en septembre, reprend Mignotte. La plupart des dirigeants sont partis, le club était complètement déstructuré, on n’était plus que quatre. On a dû trouver de nouveaux joueurs, des solutions logistiques et surtout financières. »
« On ne sera jamais apaisés »
Un point qui ne semble pas tout à fait réglé, puisque le site web du LAP fait un appel aux dons et « lance un SOS à toutes les personnes qui ont été touchées par le sort qui lui a été réservé » . « Le club connaît des difficultés financières, oui, mais les quelques dirigeants qui restent sont très motivés, la volonté est là » , avance Franck Akaza. Le défenseur central est l’un des rares joueurs a être resté à Luzenac, le club de sa vie. À 36 ans, avant la rétrogradation, il était sur le point de signer le premier contrat pro de sa carrière : « C’est un rêve de gosse, donc oui, c’est dur à encaisser, d’autant plus dans ma situation. J’ai eu besoin de souffler et à partir de janvier 2015, je suis revenu sur les terrains pour donner un coup de main. Je rempile cette année, mais la prochaine, c’est pas encore sûr, on verra en fonction des jambes et de la santé. Mais honnêtement, on ne sera jamais apaisés. J’aurais préféré qu’on se maintienne tranquillement en National. Même ceux qui derrière ont su rebondir restent marqués. »
Parmi ceux-là, Guy Ngosso, aujourd’hui en L1 avec Angers, ou Khalid Boutaib, sous contrat avec le Gazélec et entré en fin de match au Parc des Princes, contre le PSG. Une demi-douzaine de divisions le sépare de son ancien club, mais il suit encore les résultats, régulièrement, et se dit ravi de la récente montée. C’est que le LAP, de l’avis de tous, était constitué d’un vrai groupe de potes unis, comme on en trouve rarement dans le foot pro. Idriss Ech-Chergui, transféré au Paris FC en National et monté en L2, se souvient d’un « groupe génial, super soudé, super cool » . « Cet été, j’ai pas pu y aller, raconte-t-il, mais il y a eu une réunion des anciens joueurs, avec une tombola, pour faire gagner un petit maillot dédicacé aux jeunes du club. Si j’avais pu rester plus longtemps à Luzenac, je l’aurais fait, pour ma famille, mais aussi pour tous les potes. Il y a un gros sentiment de gâchis, car avec un groupe rare on a fait quelque chose d’extraordinaire. Et je suis sûr que même en L2, on aurait rivalisé, ça aurait marché, on s’était bien renforcés. »
Un vrai traumatisme
Preuve d’une ambiance hors du commun : même le troisième gardien, Fabien Pidoux, qui évolue aujourd’hui en Excellence, évoque « une belle bande qui allait boire des coups, sans embrouille » . « Une autre raison de regretter tout ce qui s’est passé, ajoute-t-il, c’est qu’une présence en L2 aurait beaucoup fait pour la région. Ça aurait apporté de l’emploi, du tourisme, ça aurait pu faire rêver les gamins. Les instances dirigeantes ont pourri tout ça, alors que ça dépasse complètement le foot. Honnêtement, ce sport, je ne le regarde plus du tout de la même manière depuis un an. J’en suis dégoûté. » Même son de cloche du côté de Idriss Ech-Chergui : « J’ai pas mal bourlingué, mais ça, c’est la première fois que je le vois. Ça fout un coup au moral. » Tous évoquent un vrai traumatisme, encore très présent. Certains continuent leur carrière, en tant que pros en L2 ou en L1, et jettent de temps en temps un coup d’œil au classement de DH.
D’autres continuent de galérer dans les divisions inférieures, en essayant d’oublier ce fameux contrat pro qui leur pendait au nez. Et il y a les irréductibles, comme Franck Akaza ou Sébastien Mignotte, qui persistent à se battre pour ce territoire qu’ils ont toujours connu. Le tout nouveau coach continue de bosser à plein temps dans un syndicat qui traite l’assainissement de l’eau, avale 200 kilomètres pour assurer chaque entraînement et passe, en parallèle, un diplôme d’entraîneur. « C’est pas simple, c’est clair, reconnaît-il. Mais j’adore ce que je fais, c’est hyper intéressant. J’ai basculé sur autre chose, contrairement à certains, j’ai décidé de ne pas disparaître et je ne regrette pas une seule seconde. On aura appris au moins une chose : le sportif c’est bien, mais ça peut jamais aller plus vite que l’administratif et le financier » . Pas sûr que cela soit très réconfortant.
Par Axel Cadieux
Tous propos recueillis par AC