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L’Union Berlin : les prolos veulent goûter l’élite !
C’est l’une des curiosités de ce deuxième tour de Coupe d’Allemagne cette semaine : une affiche entre le rutilant Borussia Dortmund et les prolos de l’Union Berlin, actuels deuxièmes de D2. Dans la forme de sa vie, le club de Berlin-Est n’a jamais semblé aussi proche de rejoindre une élite ou il pourrait mettre une sacrée drôle d’ambiance.
Gare à ne pas s’enflammer. Après tout, octobre n’est pas encore terminé, le tiers du championnat pas encore atteint. Mais quand même, il est tentant de s’enthousiasmer pour le début de saison magnifique réalisé jusqu’à présent par l’Union Berlin, adversaire du Borussia Dortmund cette semaine en Coupe d’Allemagne. En 2. Bundesliga, la D2 locale, le 1. FC Union Berlin, de son nom complet, figure actuellement au second rang du classement, en position de monter directement en élite pour y rejoindre son adversaire du soir, ainsi que le Bayern Munich, Schalke 04 et toute la bande des gros d’Allemagne. L’affaire est évidemment loin d’être faite, mais, ne serait-ce que de pouvoir l’imaginer, non comme un doux rêve, mais comme une possibilité sérieuse, fait déjà sacrément saliver.
À l’ombre du Dynamo et de la Stasi…
Car le FC Union n’est pas un club comme les autres en Allemagne. Au rang des institutions alternatives du football d’outre-Rhin, il est certes moins connu que les pirates du St. Pauli (actuels… lanternes rouges de 2. Bundesliga), mais n’en est pas moins sympathique et sacrément détonnant à l’ère du foot business quasi intégral. Pour bien comprendre ce qu’il représente, un rapide cours d’histoire s’impose. Lorsque Berlin était séparé en deux, il existait deux gros clubs en ville, un de chaque côté du mur : le Hertha Berlin à l’ouest et le Dynamo Berlin à l’est, le joujou de la Stasi, favorisé par l’arrivée des meilleurs joueurs du pays et par les arbitres afin de truster les titres, surtout dans les années 80. L’Union, même du temps de la séparation entre RFA et RDA, ne représentait pas grand-chose, martyrisé par le Dynamo. Fondé à l’est de Berlin il y a tout juste cinquante ans, lors de la restructuration du football est-allemand, il n’a jamais été l’appareil d’aucune grosse structure étatique. Depuis sa création, il était le club des syndicalistes, des ouvriers, puis des marginaux, des protestataires et des punks lors du lent délitement de la RDA durant les années précédant la chute du mur. Son seul trophée, c’est une coupe nationale conquise en 1968. Lors de la fusion de l’Oberliga est-allemande et de la Bundesliga ouest-allemande en 1991, les prolos de l’Union se retrouvent en D3 et vont y rester pendant une décennie entière. Sportivement pourtant, l’équipe se débrouille plutôt bien, mais se voit empêchée régulièrement de monter en raison de finances trop bancales. Il y a bien une courte période d’euphorie au début des années 2000 (montée en D2, finale de DFB Pokal et même participation à la Coupe UEFA), mais elle est rapidement suivie d’une lourde chute qui va aller jusqu’à remettre en cause l’existence du club : relégation jusqu’en D4 et incapacité à rénover un stade plus du tout aux normes.
Fans et joueurs refont le stade sur leurs congés d’été
Au bord du gouffre, l’Union va non seulement parvenir à se relever, mais va se servir de ce moment charnière pour réaffirmer son identité et son atypisme dans le paysage footballistique local. À l’été 2008, alors que l’équipe au maillot rouge à liseré jaune est parvenue tant bien que mal à remonter en D3, quelque 2000 de ses fans vont zapper leurs congés pour cumuler 140 000 heures de travail sur le chantier de rénovation du Stadion An der Alten Försterei. Même les joueurs sont mis à contribution, dont le buteur de l’époque, l’Algérien Karim Benyamina. Le résultat ? Une merveille de stade niché dans la forêt, avec trois des quatre tribunes en place debout. Une atmosphère à la fois libertaire et conviviale, rock et familiale. Un secret bien gardé, loin des circuits touristiques berlinois, petit trésor de préservation d’une certaine vision du football, passionnée, populaire, cool. Le tour de force de reconstruction du stade par les supporters, unique à ce niveau, va permettre non seulement au club d’assurer son existence en lui faisant économiser plusieurs millions d’euros, mais va aussi créer un formidable dynamisme dont les effets se ressentent encore aujourd’hui. La « communauté Union » se soude et fait de son chez-elle, ce stade de la vieille maison forestière comme il pourrait être traduit, une forteresse difficile à conquérir pour les adversaires. L’Union finit par remonter en 2. Bundesliga en 2009 et y est resté depuis. En attendant mieux ?
Nina Hagen, le frangin Kroos et 22 000 supporters debout
La tendance est en tout cas clairement plus à une découverte historique de la Bundesliga qu’à une redescente en 3. Liga. Les Berlinois du quartier ouvrier de Köpenick ne quittent plus la première partie de tableau depuis cinq saisons et viennent donc de réaliser le meilleur début de saison de leur histoire. En terminant sixièmes au printemps dernier, ils ont déjà obtenu leur meilleur classement et peuvent maintenant clairement viser de rester sur le podium, pour monter directement ou disputer les barrages d’accession/relégation en cas de troisième place finale. Les feux sont au vert chez les Rouges. Le club n’a jamais été aussi populaire, avec trois matchs disputés à guichet fermé sur les quatre qu’a accueillis le An Der Alten Försterei depuis cet été en championnat. L’ambiance y est dingue, avec un stade presque entièrement debout qui chante en continu et une atmosphère très punk (l’hymne du club, chanté par Nina Hagen et repris par les 22 000 spectateurs/supporters, c’est quelque chose…). Avec de pareils fans pour pousser l’équipe, ce n’est pas illogique que celle-ci soit toujours invaincue à domicile et affiche le meilleur bilan offensif du championnat. Le nouvel entraîneur Jens Keller, arrivé à l’intersaison et qui a notamment déjà connu l’élite avec Schalke 04, peut compter sur un groupe peu modifié et restreint, avec treize joueurs qui ont disputé la grande majorité des matchs jusqu’à présent : des cadres comme Kreilach, Puncec et Schönheim, des jeunes comme Redondo, le portier Busk, le formé au club Skrzybski ou la révélation offensive Quaner (sept buts, cinq passes depuis le début de saison), ainsi que les recrues Pedersen, Felix Kroos (frère de) et Philip Hosiner l’ancien Rennais. Ce déplacement à Dortmund pour le compte de la Coupe va permettre de situer le niveau de cette formation et de savoir si sa forme actuelle (huit victoires sur les dix derniers matchs) est seulement la conséquence d’une euphorie passagère ou si elle est amenée à durer. En représentant de l’ex-RDA en Bundesliga, l’Union aurait quand même plus de cachet que le RB Leipzig…
Par Régis Delanoë