- Euro 2016
- Gr.E
- Belgique-Irlande (3-0)
Lukaku, le réveil du mal-aimé
Auteur d'un doublé face à l'Irlande, Romelu Lukaku a lancé la Belgique sur les rails du succès. En plus de revenir sur le devant de la scène. Au meilleur des moments.
Certains choix sont difficiles à assumer. Mais Marc Wilmots n’est pas homme à trembler face à la pression médiatique. Alors, et malgré les litrons de critiques à l’odeur malfaisante qui lui sont tombés dessus après la performance belge contre l’Italie, le coach des Diables rouges a fait à sa sauce. En éjectant trois titulaires, mais surtout, en maintenant sa confiance à l’homme qui faisait office de plus grosse cible : Romelu Lukaku. Pataud, maladroit et à peine précieux dans le jeu en appui, l’attaquant d’Everton avait failli contre les Transalpins. Il n’a pas récidivé. En inscrivant un doublé, le lourdaud a sans aucun doute ramené le calme autour de son cas. Mais n’a pas oublié de remercier celui qui lui a manifesté une confiance quasi sans faille, en l’étreignant dans ses bras musclés et puissants sur l’ouverture du score. Un câlin difficile à assumer pour toute personne à la cage respiratoire sensible, mais un câlin qui en dit long sur le mental du molosse.
« Il mérite une deuxième chance »
Vilipendé par les quotidiens et chroniqueurs belges, Lukaku n’a de toute façon pas eu à douter. En conférence de presse au Haillan, Wilmots s’est fait très clair : « Il aura une deuxième chance, mais il le mérite. Il a marqué quatre buts récemment. Il doit créer des espaces et du mouvement. » Deux demandes non exaucées contre l’Italie, en plus d’un raté qui a fait jaser. Dire que Lukaku est un peintre sans nom, un Brandão amélioré, serait pourtant trop dur. Tout au plus, son profil se rapproche-t-il d’Olivier Giroud, autre attaquant mal-aimé, et tancé plus rapidement pour ses manqués que pour ses buts en Bleus. À Everton, on pardonne cette inconsistance parfois coupable. En équipe nationale, où les résultats sont plus concentrés, elle ne passe pas. Alors, comme à chaque fois, d’Anderlecht à la réserve de Chelsea, Lukaku s’est battu. Avec ses armes, sans se décourager, même si la première mi-temps des siens aurait pu le frustrer. Était-il d’ailleurs le plus à blâmer en l’absence de but ? Pas nécessairement. Reste que pour lancer les siens et sauver sa peau, il a été le premier à prendre les choses en main.
« Si je le sortais, je le tuais pour le tournoi »
À 20 mètres, le pied aurait pu trembler. À 20 mètres, la frappe aurait pu se forcer. À 20 mètres, l’initiative aurait pu se faire moins soudaine. Pourtant, à 20 mètres, Lukaku a réalisé le geste qu’il fallait. Un enroulé du gauche sans fioritures, sans éclat, mais d’une efficacité redoutable pour trouver le petit filet de Randolph. Une façon de montrer que si certains lui font confiance, celle-ci réside avant tout en lui : « Dans ma tête, je sais que c’est moi le meilleur et que je mérite de jouer. Je me fous de la polémique sur mon jeu qui ne correspondrait pas à celui des Diables, c’est n’importe quoi… Qu’importe la manière dont joue le coach, Marc Wilmots, veut jouer, j’ai tellement progressé que je suis l’homme de la situation » , affirmait-il, plein de morgue, dans le dernier numéro de So Foot. S’il en reste sans aucun doute persuadé, Lukaku a en tout cas convaincu certains de le rejoindre sur le chemin de la confiance en soi. Surtout Marc Wilmots, qui, répondant aux critiques sur ces choix récents, s’est fendu d’une formule qui ne souffre aucune équivoque : « À part la mort, je ne vois pas ce qui peut m’énerver plus. » Avant de préciser à propos de son poulain : « Subitement, parce qu’il rate une occasion contre l’Italie, c’est un zéro. Si je le sortais, je le tuais pour le tournoi. Alors je lui ai parlé 2 minutes et c’était réglé. Il fallait lui redonner confiance. De toute façon, je préfère qu’il joue 70 minutes à fond, que 90 minutes. J’ai des remplaçants pour ça. » En plantant le premier doublé d’un Belge en compétition internationale depuis celui de son sélectionneur face au Mexique en 1998, Romelu a prouvé qu’il n’en était pas un.
Par Raphael Gaftarnik, à Bordeaux