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Lukaku de grâce
En dépassant la barre des trente buts contre le Japon avec les Diables rouges, l’attaquant belge est devenu le meilleur striker de l’histoire de sa sélection. À seulement 24 ans. Costaud.
Il n’est pas forcément le plus beau. Il n’est pas forcément le plus sexy. Il n’est pas forcément le plus élégant. Et c’est peu dire qu’il ne fait pas l’unanimité. N’empêche que personne ne peut lui reprocher son efficacité. Et si quelqu’un ose commettre un tel acte, il suffit de lui balancer ce fait à la tronche : avec 31 pions inscrits sous le maillot belge alors qu’il n’est âgé que de 24 petites années et qu’il a connu sa première cape en 2010, Romelu Lukaku est officiellement le meilleur buteur de l’histoire de son pays. Grâce à son caramel contre le Japon, son bilan passe en effet devant ceux de Bernard Voorhoof et Paul Van Himst (trente goals chacun), qui avaient respectivement mis douze et quatorze ans à atteindre ce chiffre.
Mieux que Klose, Henry, Villa, Rooney ou CR7
À 24 piges, Thierry Henry, le recordman de buts en équipe de France, faisait certes partie des meilleurs du monde à son poste, mais n’avait planté que neuf fois chez les Bleus. À 24 piges, Miroslav Klose, le recordman de buts en équipe d’Allemagne, avait certes connu une finale de Coupe du monde (perdue contre le Brésil en 2002), mais n’avait planté que treize fois avec la Mannschaft. À 24 piges, David Villa, le recordman de buts en équipe d’Espagne, allait certes tout gagner dans le futur, mais n’avait pas encore été sélectionné une fois par la Roja. Même le précoce Wayne Rooney, recordman de buts en équipe d’Angleterre, n’affichait pas de telles statistiques à 24 printemps puisqu’il n’avait frappé qu’à 25 reprises chez les Three Lions. Et Cristiano Ronaldo, le recordman de buts en équipe du Portugal, affichait 22 tremblements de filets avec la Selecção avant ses 25 printemps. Ces comparaisons n’auraient pas lieu d’être étant donné la différence de niveau (et donc de concurrence) entre la Belgique et les nations mentionnées ? Peut-être. Toujours est-il qu’elles montrent que Lukaku peut viser haut. Très haut. Surtout vu la gueule de son équipe nationale (qui, avec la génération Kevin De Bruyne-Eden Hazard, devrait rester au top encore quelques saisons) et de sa situation personnelle.
Absent dans les grands moments
Car si l’avant-centre au gabarit monstrueux carbure en sélection, c’est aussi le cas en club. Celui qui a égalé le nombre de buts de CR7 en Premier League le 15 avril dernier grimpe les marches à une vitesse folle et continue, malgré les reproches récurrents (qui ne disparaîtront sans doute jamais), de s’imposer comme l’un des meilleurs artificiers de la planète (au moins sur le plan comptable). En témoigne son transfert à Manchester United pour 85 millions d’euros. Bien sûr, il lui manque encore beaucoup pour faire partie des meilleurs de la planète tout court. Performer contre les gros, par exemple (depuis 2014-2015, l’ancien d’Everton n’a frappé qu’à cinq reprises contre le top 6 anglais en 38 apparitions). Se montrer lors des grandes compétitions internationales, aussi (un doublé contre l’Irlande lors du dernier Euro et un but contre les États-Unis au Mondial 2014 en neuf apparitions). Reste que, même s’il ne modifiera jamais son style, il a le temps pour progresser, évoluer et apprendre.
Ce qu’il tente, aujourd’hui, de faire au quotidien. « J’ai amélioré mes courses. Particulièrement dans la surface de réparation. Il y a deux ans, à Everton, Roberto Martínez(son sélectionneur)m’a fait travailler spécifiquement là-dessus.(…)Trois fois par semaine, je travaillais mes courses avec les coachs. C’est grâce à tout cela que je parviens à plus facilement me défaire d’un marquage » , a-t-il ainsi expliqué face à la presse après le match amical contre le Mexique (3-3, doublé pour lui). Avant de dévoiler ses modèles, dont il essaye de s’inspirer : « Hugo Sánchez, Chicharito, Edinson Cavani… Il faut prendre le temps de regarder ce que fait Cavani. Sa manière de bouger dans la surface est incroyable. Je me souviens avoir dû regarder tous les buts d’Hugo Sánchez à la suite. Je notais comment il s’était défait du marquage comme un écolier. »
Observation et sueur
Ce goût du travail n’est pas nouveau chez Romelu. En témoigne son évolution récente. « Il a énormément progressé, surtout en équipe nationale, estime Ariël Jacobs, un de ses ex-entraîneurs à Anderlecht et spécialiste du foot belge. On peut même dire qu’il a explosé, d’une certaine manière. Ça peut surprendre, mais il s’est amélioré au niveau technique. Il est aussi plus présent devant le but, et plus complet, que ce soit en tant que joueur ou en tant que buteur. Ce qui fait qu’aujourd’hui, il est incontestablement le numéro un dans la hiérarchie de la sélection. Alors qu’il y a deux ans, il était fortement contesté ici. À chaque fois qu’il commençait un match tombait une pluie de critiques. »
Les critiques, justement. Malgré les performances et les chiffres, elles s’épaississent encore puisque le Mancunien n’a plus marqué depuis six rencontres avec United. « C’est une bonne chose qu’on continue à le critiquer. Cela ne le rend que plus fort ! » s’amuse Martínez. Et ce n’est pas son nouveau statut de meilleur buteur du pays qui va l’aider, selon Jacobs : « Plus un attaquant est performant, plus la pression s’abat sur ses épaules. Et s’il ne marque pas, ne fût-ce que sur un match, on va s’en prendre à lui. Pour les supporters belges, ce record va augmenter les attentes à son encontre. Mais vous savez, je lui ai encore parlé lors du dernier rassemblement, et je crois qu’il a passé le cap de s’en faire. Il sait que ça fait partie de son futur, que ce soit en équipe nationale ou à Manchester United. » À croire qu’il aime ça.
Par Florian Cadu
Propos d'Ariël Jacobs recueillis par FC.