Elsner, un patronyme plutôt connu du côté de Nice. Quels sont vos liens avec la France ?
Mon père (Marko Elsner, ndlr) a joué à l’OGC Nice entre 87 et 93. Moi, j’y ai passé 18 ans, dans des clubs amateurs et surtout en formation, en STAPS. Je suis arrivé quand j’avais cinq ans, donc c’est pratiquement toute mon enfance. J’étais tout le temps au stade, surtout à l’époque où on était en 2e division. J’avais le droit à des Nice – Wasquehal ou des Nice – Louhans-Cuiseaux, maintenant ils se régalent à l’Allianz Riviera avec des gros matchs et du beau jeu. C’est peut-être mon départ de la France qui a permis à l’OGC Nice de se développer (rires). J’ai un lien affectif fort avec le club et avec la ville, je suis un supporter acharné de l’OGC.
Vous jouiez avec le T-shirt de Nice sous votre maillot ?
Pendant une période, je jouais avec un T-shirt de l’OGC Nice sous le maillot, ou alors je prenais un petit drapeau pour les mises au vert, des petits trucs qui me rappelaient mon attachement à Nice. On est restés une fois la carrière de mon père terminée. Avec mon petit frère, on faisait notre scolarité, donc les parents ont décidé de rester. J’ai pris la décision de rentrer une fois que j’avais terminé ma maîtrise dans l’entraînement sportif à l’université.
Une carrière de joueur plutôt courte…
J’ai arrêté à 31 ans. Ça a toujours été un plan de carrière pour moi d’être entraîneur. Après huit saisons dans un même championnat, j’avais gagné à peu près tout ce qu’on peut gagner en Slovénie et je savais que je ne pouvais plus repartir à l’étranger parce que j’étais trop vieux. Je me suis dit : « Plus vite je m’y mets, mieux ce sera pour moi. » Comme l’opportunité s’est présentée d’être adjoint, je n’ai pas vraiment hésité, même si j’aurais pu encore jouer. J’ai eu la chance de reprendre les rênes de l’équipe première plus tôt, de faire mes erreurs plus tôt, d’acquérir de l’expérience, et peut-être d’avoir un avantage sur les autres, à terme.
Une vocation d’entraîneur qui vous vient de votre grand-père, Branko Elsner ?
C’est lui qui m’a transmis la passion du coaching. La passion du football, c’est quelque chose de familial, c’est sur plusieurs générations, mais c’est vrai que ça a été un grand entraîneur, et pas seulement sur la région des Balkans. Il a été sélectionneur de l’équipe d’Autriche. Surtout, il a posé les fondements de l’organisation des entraîneurs en Slovénie. En 91, après la guerre, une fois qu’on a été indépendants, il a fallu mettre en place toutes les structures. Il a été président de la Fédération, il a laissé son empreinte sur le football slovène dans plein de domaines différents.
On est capable de combiner le niveau technique des joueurs de l’ex-Yougoslavie avec une espèce de discipline allemande
Quelle est l’identité du football slovène ?
Il y a un truc intéressant pour nous. On sait tous le niveau technique que les joueurs de l’ex-Yougoslavie ont eu et ont toujours. Nous, on était capables de combiner ça avec une espèce de discipline allemande, une organisation dans le jeu, des valeurs de solidarité. Quand on a réussi à combiner ça, ça nous a permis de nous qualifier pour l’Euro, pour la Coupe du monde. On avait 3 ou 4 joueurs assez techniques, le reste c’était des combattants, avec un vrai esprit collectif. C’est peut-être là où on pêche en ce moment, parce qu’on a des joueurs techniques, mais il nous manque une unité collective.
Vous êtes un jeune entraîneur, que pensez-vous pouvoir apporter au football slovène ?
J’ai la chance de côtoyer le milieu du football français, la formation à la française, c’est vraiment un gros bagage. La formation française est toujours une des meilleures, et pour ce mode de fonctionnement sur lequel on est en Slovénie, à savoir la production de jeunes joueurs, c’est toujours important. Les mentalités sont en train de changer en Slovénie. On était sur la base des vieux briscards à la Yougoslave, qui faisaient tout à l’œil, à l’expérience, pas forcément avec la plus grande rigueur. C’est en train de changer, et c’est ce que j’essaie d’apporter : une rigueur dans le travail, une influence française dans la formation.
Vous êtes pessimiste pour la qualification à l’Euro (la Slovénie a perdu le barrage aller 2-0 en Ukraine) ?
Je suis plutôt pessimiste, pas seulement par rapport à ce qu’on a montré en Ukraine, mais aussi sur ce qu’on fait depuis 3-4 mois. C’est dans la continuité de ce cycle, ça a été difficile sur les derniers matchs de qualifications, surtout quand on devait faire le jeu. Et là a priori on n’aura pas forcément le choix, il va falloir prendre des risques. Ça se présente mal, on n’a pas les certitudes qu’on pouvait avoir avant. Il y a un climat un peu négatif qui s’est installé, un sélectionneur qui n’a pas voulu voir les choses en face. Ça s’est compliqué avec les médias, il y a eu une petite guéguerre avec eux, des performances ternes, mais on ne faisait que se chercher des excuses, alors que le fonds de jeu était de très bas niveau. Pendant un temps, les résultats cachaient le problème, je pense à la victoire contre la Suisse à la maison, mais dans le fond, on manque de qualité pour pouvoir faire peur aux Ukrainiens.
Ce qu’il vous faudrait, c’est un Milenko Aćimović. Que devient-il ?
Il a bossé comme directeur sportif à l’Olimpija de Ljubljana. Ça ne s’est pas terminé comme il faut parce qu’ils avaient des visions différentes. C’est un des joueurs les plus reconnus en Slovénie, on se voit assez souvent, et Ljubljana, ça reste une petite ville… C’est un joueur qui a marqué une génération, avec le but qu’il a mis contre l’Ukraine de la moitié de terrain qui nous qualifie pour la Coupe du monde. On en parle beaucoup en ce moment, ici !
Vous viendrez quand même en France pour l’Euro ?
Je serai à Nice pendant l’été, on va voir avec le calendrier si ça peut coller avec l’Euro, mais si la Slovénie de ne se qualifie pas, ce sera un gros regret. J’aurais aimé voir l’Euro en France avec la Slovénie. Après, je pense qu’il y a un optimisme à avoir par rapport à ce qui arrive derrière. La Slovénie est capable de produire, malgré sa petite taille, 2 ou 3 joueurs de grande qualité chaque année. Chaque génération est capable de fournir quelque chose, mais si on n’a pas cette unité, on redevient une équipe vraiment moyenne.
Les joueurs français qui viennent chez nous, ils ont une revanche à prendre. Au niveau de l’engagement, du professionnalisme, c’est pas compliqué, ils ont quelque chose à prouver
Vous avez, dans votre club du NK Domžale, des joueurs français, et vous avez joué en France. Partagez-vous l’analyse d’autres entraîneurs étrangers sur le manque d’implication du joueur français ?
On a eu Antonin Tilles, un très bon gardien, qui est venu en remplacement d’une blessure.
Et Benjamin Morel depuis deux ans. Il nous apporte un gros plus au niveau de la qualité. Sur les étrangers qu’on essaie de faire venir, on cherche à avoir de la qualité. Et le marché français, aux vues de la concurrence et du nombre de joueurs qui sont formés, c’est un marché super intéressant, parce qu’il y a beaucoup de joueurs qui ont le niveau pour faire la différence chez nous et qui n’ont pas pu évoluer en Ligue 1 ou en Ligue 2. Ce n’est pas facile d’attirer des joueurs français en Slovénie, rien qu’en le disant, on comprend vite que ça ne va pas attirer grand monde (
rires). Après, ceux qui sont venus chez nous, ce sont des gens qui ont une revanche à prendre. Automatiquement, au niveau de l’engagement, du professionnalisme, c’est pas compliqué, ils ont quelque chose à prouver. Maintenant, si des grands entraîneurs l’ont répété plusieurs fois, ça veut dire qu’il y a peut-être quelque chose de vrai. Mais moi, j’ai affaire à des mentalités différentes, j’ai pas de souci par rapport à ça.
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