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Luis Enrique, le rebelle et la tradition

Par Markus Kaufmann
Luis Enrique, le rebelle et la tradition

Dimanche dernier, Luis Enrique a enfreint l'un des principes majeurs de la philosophie de jeu du FC Barcelone : utiliser un « doble pivote », cette paire de milieux défensifs qui rime avec un football de destruction dans l'esprit exigent de l'amateur de football espagnol. Le lieu et les coupables sont connus : Sergio Busquets et Javier Mascherano, ensemble, devant la défense à Mestalla. Alors que l'équilibre du Barça est poussé à bout par la présence du trio Messi-Neymar-Suárez et par l'âge de Xavi, entre autres, Luis Enrique doit faire des choix, entre respect de la tradition et besoin de rébellion.

Le 11 août 2014, en pleine préparation estivale d’une nouvelle saison de Liga, l’Espagne se remet doucement de son Mondial catastrophique. C’est le moment que choisit Johan Cruijff pour lâcher froidement sa vérité sur les campagnes de transfert respectives du FC Barcelone et du Real Madrid. En faisant référence à Toni Kroos et James Rodríguez, le mentor de Pep balance : « Avant, le Barça faisait toujours signer beaucoup depeloteros.Maintenant, c’est le Real Madrid qui les prend. » Le terme pelotero vient de pelota – la balle – et désigne les « joueurs de ballon » , ces hommes aux pieds éduqués capables d’interpréter la philosophie de jeu sophistiquée du Barça. À propos de l’intégration du trio Messi-Neymar-Suárez, l’ex-entraîneur résume ensuite la principale problématique tactique du Barça de Luis Enrique : « Ce sont de très bons footballeurs, mais il faut voir comment ils jouent ensemble. Les trois vivent de l’action et savent faire beaucoup individuellement, mais je ne sais pas si ça peut être compensé par le reste de l’équipe. »

En clair, comment équilibrer une formation forcée de jouer avec ce trio, un Iniesta au pressing qui fatigue et l’interprétation si particulière du poste de latéral droit par Dani Alves ? Une autre problématique surgit naturellement : Xavi a-t-il sa place au sein de ce nouveau besoin de « compensation » ? Avant, le « projet de jeu » était la priorité, et Guardiola n’avait pas tardé à se séparer de joueurs aussi brillants et prestigieux que Ronaldinho, Deco ou Yaya Touré pour privilégier le projet Busquets ou le pressing infatigable de Pedro. Aujourd’hui, c’est l’identité de jeu du Barça, son atout le plus précieux, qui est mise en péril par une stratégie de transfert périlleuse.

La bataille de la salle des machines

Sous le règne éphémère de Tata Martino, la hiérarchie du Barça dans la construction du jeu était relativement claire et pouvait se lire facilement à travers la moyenne de passes par match de ses acteurs principaux. Xavi dirigeait l’orchestre avec 86 transmissions par match, Busquets soutenait à 76, puis Dani Alves, Jordi Alba, Iniesta et Cesc créaient, accéléraient et régulaient entre 60 et 70. Derrière, Piqué et Mascherano intervenaient ponctuellement, entre 55 et 60 passes par match. Et enfin, les étoiles se classaient ainsi : Messi en haut à 45, Neymar à 36 et enfin Sánchez/Pedro à 27 passes par match en moyenne. Mais cette hiérarchie n’est plus. Si le trio offensif a conservé une répartition similaire – Messi plus actif que les autres – le reste a été chamboulé, en particulier la salle des machines : le milieu de terrain. Alors que le début de saison laissait penser que Luis Enrique allait faire confiance à sa première intuition, à savoir l’intégration de Rakitić entre Busquets et Iniesta, tout a changé depuis le Clásico et le match du Parc.

Au Bernabéu, Luis Enrique décide de conquérir la capitale sans gilet pare-balles, avec le trio Busquets-Iniesta-Xavi. Bilan : un plan de jeu intéressant sur les trente premières minutes, et puis une tonne d’occasions subies (3-1). Avec la défaite au Parc des Princes contre le PSG (3-2), cela donne 6 buts encaissés lors des deux matchs tests du début de l’ère du technicien asturien. Depuis, le Mister a tout essayé : 9 combinaisons différentes au milieu en 18 matchs depuis le début de saison. Mascherano a rejoué devant la défense, Sergi Samper s’est montré en tant que pivot, Rafinha et Sergi Roberto ont eu leurs minutes aux postes de milieux intérieurs, et Xavi, Iniesta et Rakitić ont tourné. Pour le troisième test de la saison, au Mestalla, Luis Enrique décide donc de prendre le taureau par les cornes d’arrêter de jongler entre les petites variations : ce sera le double pivot Busquets-Mascherano, et puis tant pis pour les idéologues culés.

Luis Enrique, l’éternel rebelle

« Avec Busi et Mascherano au milieu, on cherchait à avoir davantage de contrôle pour empêcher Valence de jouer verticalement vers ses attaquants. J’aime choisir le bon type de joueurs pour chaque match. » Si ces paroles seraient innocentes dans n’importe quel pays au monde, et seraient même perçues comme une preuve de sagesse tactique en Italie, elles sont prohibées en Catalogne. À Barcelone, on ne s’adapte pas en fonction du match, de l’adversaire, du stade ou de la météo. Or, Luis Enrique, lui, a passé toute sa carrière à s’adapter d’un poste à l’autre. Originaire du Nord, connu pour être pragmatique, le technicien a l’esprit rebelle pour changer les choses. Seulement, cette association Busi-Masche n’a pas été parfaite. Une bonne protection, oui, 70% de possession, mais un bloc coupé en deux, et une circulation de balle monopolisée par Mascherano et Piqué (175 passes à eux deux), bien loin de l’axe Xavi-Messi (132 passes). Au bout de 70 minutes, Luis Enrique recule finalement et demande à Mascherano de faire un pas en arrière : retour en défense pour l’Argentin, et entrée de Rakitić au milieu. Messi revit et le Barça accélère enfin.

Alors, faut-il faire comme Del Bosque avait fait avec l’Espagne en 2010 et imposer le double pivot ? À 34 ans, Xavi peut-il tenir l’intensité d’un grand match sans imposer à son Barça quelques pertes de rythme (seulement 32 passes en 68 minutes au Parc…) ? Busquets peut-il retrouver son niveau de « maître du jeu » de 2010-2012 ? Dani Alves remet-il en cause l’équilibre de l’équipe ? En quatre matchs avec Mascherano au milieu, le Barça n’aura encaissé qu’un seul but : Eibar (3-0), Ajax (3-1), APOEL (0-3) et Valence (0-1). L’option a ses mérites : si le manque de mouvement du trio offensif n’est pas résolu, une protection optimale est assurée, la récupération est rapide et le trio est nourri de ballons. Mais Luis Enrique peut-il définitivement mettre Xavi de côté et remettre officiellement en cause Busquets ? Tata Martino n’avait pas assez de pouvoir pour prendre de telles décisions. Mais si Luis Enrique a été choisi, c’est justement parce qu’il partage un point commun fondamental avec Pep Guardiola : connaître suffisamment bien le club pour pouvoir prendre des décisions difficiles mais indispensables.

Dans cet article :
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Par Markus Kaufmann

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