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- Espagne-Allemagne (6-0)
Luis Enrique, la faim justifie les moyens
Sélectionneur régulièrement critiqué en Espagne depuis sa prise de fonction, Luis Enrique a envoyé la meilleure des réponses possible, ce mardi à Séville, dans un match capital pour la qualification à la phase finale de la Ligue des nations. Le 6-0 infligé à l'Allemagne lui offre subitement un crédit monstre. Après deux grosses années de travail, l’Asturien tient sans aucun doute son match référence.
17 novembre 2020. Dans le stade olympique de Séville, l’ambiance est comme attendue : sans public, sans chant et sans clameur. Voilà une bien triste habitude que les téléspectateurs sont contraints de subir, mais dans leur malheur, se cache un énorme rayon de soleil. Ce mardi soir, il était possible d’entendre les voix des acteurs en pleine action. Parmi eux, une individualité s’est distinguée de la masse : Luis Enrique. De la première à la dernière minute, l’ancien entraîneur du FC Barcelone s’est explosé les cordes vocales pour diriger son collectif à l’aide d’ordres simples et clairs : « ¡ Arriba ! » (Plus haut !), « ¡ Ahora ! » (Maintenant !), « ¡ Atentos ! » (Attentifs !). Au bout de ses hurlements incessants, la Roja vient de réaliser la copie la plus aboutie de son mandat entamé il y a deux ans : 6-0 contre l’Allemagne, ni plus ni moins. Trois buts par période, et six dans le buffet de Manuel Neuer. Le portier allemand n’avait jamais connu une aussi grosse avalanche de buts encaissés depuis le début de sa carrière professionnelle. De son côté, l’Espagne vient de prouver qu’elle faisait bien partie des favoris pour soulever la Ligue des nations et, dans un coin de sa tête, l’Euro l’été prochain.
Croatie ou Allemagne, même correction
Dès le début de son aventure à la tête de la Selección, Luis Enrique avait compris que l’effectif en sa possession était d’une très grande richesse. Deux mois après avoir atteint la finale du Mondial 2018, la Croatie avait pu s’en rendre compte en repartant de son déplacement dans la péninsule ibérique avec une valise aussi lourde que celle portée actuellement par les Allemands. Ce soir-là à Elche, les buteurs se nommaient Saúl, Asensio, Kalinić contre son camp, Rodrigo Moreno, Ramos et Isco. À Séville, aucun de ces noms-là ne figure dans la longue liste des bourreaux de la Mannschaft. La preuve que pendant toute cette période, Lucho s’est affairé à tester en masse de nouveaux joueurs afin de démarrer la mue d’une Espagne qui avait besoin d’enlever les toiles d’araignée de son sacre de 2010 et ouvrir les portes de la nouvelle génération pour construire un projet tout aussi ambitieux. Pour ce faire, le technicien part d’un principe : le mérite. Plus le joueur est en forme à l’instant où le rassemblement international est programmé, plus sa chance d’être appelé existe, peu importe s’il s’appelle Jordi Alba (Barça) ou Marc Cucurella (Getafe).
« Je n’ai pas l’intention de fermer un groupe parce qu’il y a toujours des indisponibilités, confiait le technicien au moment de convoquer sa liste de joueurs avant les rencontres face aux Pays-Bas, la Suisse et donc l’Allemagne. S’il est plus large, et même si je dois me fixer des limites, cela me laisse un éventail plus complet pour résoudre des problèmes. Ce qui est le plus important, c’est d’expliquer l’idée de jeu aux nouveaux arrivants. Mais j’accepte ce challenge sans aucun problème. » Sans complexe, Luis Enrique s’est donc mis à travailler collectivement pendant deux semaines avec ses poulains. Le premier test était mi-figue mi-raisin face aux Pays-Bas (1-1), le deuxième a commencé à comporter son lot de critiques négatives face à la Suisse (1-1), mais là où Luis Enrique était attendu, c’était dans ce grand rendez-vous face aux Allemands. Et force est de constater que le temps d’un match parfait de bout en bout, le jeune quinquagénaire a mis d’accord tout le monde.
Reculer pour mieux sauter
À vrai dire, Luis Enrique est un homme qui revient de loin. Contraint de renoncer à la sélection espagnole après onze mois en poste pour s’occuper de sa fille Xana, le père de famille s’est renfermé sur lui-même pour protéger sa sphère privée et faire le deuil de la tragique perte de son enfant. Une fois ce douloureux épisode passé, l’Asturien s’est remis au travail avec une volonté de réussir intacte et une envie de faire évoluer son effectif en permanence. À l’image de Ferran Torres, étincelant grâce à son triplé, et de Dani Olmo, tout aussi dynamique sur l’aile opposée, Luis Enrique semble en bonne voie pour réussir sa transition de l’ancienne génération vers la nouvelle vague. Seules deux mauvaises nouvelles viennent ternir son bilan de fin d’année : la première, ce sont les blessures de Sergio Canales et Sergio Ramos, tous les deux remplacés admirablement bien par Fabián Ruiz et Eric García. La deuxième, c’est cette tenue vestimentaire à revoir indigne du haut niveau.
Par Antoine Donnarieix