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Luis Enrique aussi bon que Guardiola ?
Pour sa première saison à la tête du FC Barcelone, Luis Enrique peut encore réaliser le triplé Coupe du Roi-Liga-Ligue des champions. Comme Pep Guardiola en 2009. De là à en faire son égal ? À voir...
Pep Guardiola a beau avoir fréquenté cinq clubs, vécu dans quatre pays et sur trois continents en tant que joueur, il est un pur produit de la formation barcelonaise. Et surtout un enfant biberonné à la philosophie de Johan Cruijff. Sa vraie carrière, il l’a réalisée intégralement au Barça (1990-2001), les cinq années suivantes ressemblant plus à un voyage initiatique pour étoffer sa palette de connaissances tactiques, notamment au Mexique en 2005. Luis Enrique, de son côté, a beau n’avoir connu que trois clubs et le seul championnat espagnol, il a évolué au Real Madrid avant de faire le bonheur du FC Barcelone. Une donnée essentielle pour contredire tous les parallèles faits jusqu’à présent entre les deux techniciens.
Guardiola l’immaculé, Luis Enrique le cabossé
Pep Guardiola reprend les rênes du Barça à l’été 2008 à la surprise générale, tant le monde du football s’attend à voir un grand nom – José Mourinho par exemple – débarquer pour succéder à Frank Rijkaard. Entraîneur de la réserve depuis un an, il a réussi à obtenir la promotion en Segunda B et apparaît comme le candidat du sérail, celui à même de renforcer l’identité du club à défaut d’en refaire une machine de guerre à court terme. Plus vieux de près d’un an, Luis Enrique aurait pu suivre une trajectoire comparable si, en 2011, il n’avait pas quitté la réserve du FC Barcelone – où il succède à Guardiola en 2008 justement – pour tenter sa chance à l’AS Rome en 2011. Il faut dire qu’à ce moment, l’ancien milieu offensif polyvalent bénéficie clairement de l’aura de Pep Guardiola, et son arrivée dans la Ville Éternelle suscite l’enthousiasme chez les tifosi. Mais n’est pas un génie qui veut, et Luis Enrique met les voiles au bout d’un an après une 7e place amère en Serie A, ponctuée par un fiasco en Ligue Europa. Il faut un an à l’ancien joueur du Real Madrid et du Barça pour se refaire la cerise au Celta Vigo, auquel il offre un maintien tranquille lors de la saison 2013-2014. Plus expérimenté que Guardiola au moment de prendre en main le grand Barça, mais aussi bien plus ordinaire.
La révolution Guardiola, le pragmatisme de Luis Enrique
Pour sa première saison à la tête de l’équipe première, Guardiola a tout remporté avec le Barça : Liga, Coupe du Roi, Ligue des champions, mais aussi les Supercoupes d’Espagne et d’Europe, sans oublier le championnat du monde des clubs. Costaud, d’autant plus que ce FC Barcelone-là a marqué l’histoire par son style de jeu ambitieux et spectaculaire. Surtout, Guardiola a rapidement sublimé toute une génération de joueurs – Messi, Iniesta, Xavi – en leur inculquant un goût immodéré pour la perfection, quelque peu fanatique, mais tellement efficace. Là où Guardiola a reconstruit, Luis Enrique semble plutôt dans la posture de celui qui fait fructifier un héritage – une génération qui a tout gagné – et, surtout, d’un entraîneur beaucoup plus pragmatique. Quand le Barça de Guardiola insistait pour imposer son jeu court et confisquer le ballon – quitte à se fracasser sur l’Inter Milan ou Chelsea -, le Barça de Luis Enrique n’hésite plus, quand nécessaire, à absorber son adversaire et pratiquer un jeu direct dans la profondeur. Logique quand on claque 80 millions sur Luis Suárez.
Guardiola déjà immortel, Luis Enrique vulnérable
En signant au Bayern Munich et en y exportant ses conceptions, Pep Guardiola a prouvé qu’il n’était pas l’homme d’un seul club, mais bien un entraîneur capable de marquer le jeu de son empreinte. Si son palmarès parle pour lui – 14 titres sur 19 possibles avec le FC Barcelone, deux championnats consécutifs avec le Bayern en attendant peut-être une troisième Ligue des champions -, le Catalan est avant tout un architecte, un technicien qui restera dans les annales pour avoir fait changer les mentalités et les visions, comme son mentor Johan Cruijff avant lui. Charismatique, peut-être destiné à réussir – l’égalisation d’Iniesta contre Chelsea en 2009 tombe du ciel -, Pep Guardiola a déjà réservé sa place dans le panthéon du football. De son côté, Luis Enrique pourrait égaler la première saison de son compère lors des JO 1992 (médaille d’or pour l’Espagne) avec un triplé, mais la comparaison s’arrête pour le moment ici. En charge d’une équipe dont certains cadres vieillissent – Xavi devrait partir, Iniesta est plus proche de la fin que du début, Messi a peut-être passé son apogée -, l’actuel patron blaugrana doit réinventer le Barça comme a su le faire Herr Pep il y a 7 ans. Ce n’est qu’à ce prix-là qu’il pourra espérer rejoindre la même catégorie.
Par Nicolas Jucha