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Lugano, l’homme de São Paulo
Oubliez le Maracanazo. Ce jeudi, à São Paulo, les supporters brésiliens devraient supporter l'Uruguay face à l'Angleterre. Le grand responsable de la belle cote celeste dans la plus grande ville brésilienne : Diego Lugano. Car, pour les supporters du São Paulo FC, le capitaine celeste est considéré comme un dieu vivant. Même s'il sera finalement forfait.
Un accueil triomphal. Quand la Celeste a posé le pied à São Paulo, mardi, Luis Suárez, Edinson Cavani et Diego Forlán n’ont pas été les plus acclamés. Non, celui qui était attendu et désiré plus que tous ses coéquipiers réunis est plutôt du genre à multiplier les tacles que les buts. On parle ici de Diego Lugano, idole absolue du São Paulo FC depuis son passage couronné de moult succès entre 2003 et 2006. Avec l’ex-club de Rai, Lugano a remporté la Libertadores et le Mondial des clubs en 2005, avant d’enchaîner l’année suivante avec un titre de champion du Brésil et une nouvelle finale de Libertadores.
Mais plus que les titres récoltés, c’est le style Lugano qui a séduit la torcida de São Paulo. « C’est un joueur plein de garra, d’agressivité, on adorait ça » , se rappelle Antonio Edcarios, chef de rang de 32 ans, rencontré devant une boutique du São Paulo FC, deuxième club de la ville derrière l’ennemi des Corinthians. Comme summum de l’œuvre de l’Uruguayen, Antonio ne se rappelle pas un but, ou un sauvetage sur la ligne, mais un tacle au niveau du genou sur Steven Gerrard lors de la finale du Mondial des clubs. « Il l’a vraiment envoyé voler » , se souvient, sourire aux lèvres, le supporter. Lugano tranchait avec la tradition du Tricolor (blanc, noir et rouge) et les supporters l’en remerciaient pour cela. « La réputation du SPFC est d’être une équipe au jeu exquis, mais qui manque de cœur, précise Luis Augusto Simon, journaliste de la revue ESPN et spécialiste du club. Lugano, lui, n’en manquait pas. » Les supporters en pinçaient tellement pour le grand blond qu’ils ont commencé à le surnommer « Dios » . Dieu. Rien de moins.
Avant de triompher crampons en avant dans l’arène du Morumbi, le gladiateur uruguayen était arrivé sur la pointe des pieds au Brésil. Quand São Paulo recruta le défenseur de 23 ans, Lugano appartenait bien au Nacional Montevideo, l’un des deux grands du football charrua, mais il venait tout juste de revenir d’un prêt chez le confidentiel Plaza Colonial. Même en Uruguay, le nom de Lugano ne disait rien à personne. Devant le scepticisme ambiant, le président du São Paulo FC dut alors se porter garant. « C’est mon homme » , déclara t-il. « On a vu arriver un joueur extrêmement limité, se remémore Luis Augusto Simon,mais dès ses premiers matchs, il a conquis la torcida par son attitude. » « Quand ça allait mal, Lugano rameutait les troupes alors qu’ici beaucoup de joueurs laissent filer » , se souvient pour sa part Antonio Edcarios. « On aimait sa tête de fou » , ajoute Renato Reis, 41 ans, responsable d’une boutique du club soberano.
Avant Lugano, São Paulo aimait déjà les Uruguayens. Lors des années 70, le surdoué Pedro Rocha et Pablo Forlán, père de, inaugurèrent une lignée céleste qui brilla sous l’élégante tunique du SPFC. Une lignée prolongée par Álvaro Pereira, l’ex de Porto, arrivé en janvier dernier et déjà adoré par la torcida. Les relations entre le São Paulo FC et l’Uruguay sont si idylliques que l’équipementier du club a sorti en 2012 un maillot mixant les couleurs du club et celles de la sélection uruguayenne. Le maillot, symbole identitaire auquel Lugano était si attaché qu’il refusait toujours de l’échanger au terme des rencontres, quand il officiait au Brésil. Le genre de principe qui rend la torcida tout chose. Aujourd’hui, les supporters du Tricolor se mettent à rêver. En fin de contrat avec West Bromwich Albion, Diego Lugano est libre. Leur désir ultime ? Que l’ex-bide du PSG revienne. « Malgré son âge, les gens veulent qu’il porte à nouveau notre maillot, qu’il transmette son caractère à l’équipe » , assure Renato Reis. Pour les plus jeunes fans du São Paulo FC, seul Rogerio Ceni, homme-club et gardien aux 115 buts, peut rivaliser avec ce que représente Diego Lugano. « Pour les plus anciens comme moi, Rai est premier, mais Lugano est assurément dans le top cinq des supporters, toutes générations confondues » , précise Reis. Et d’ajouter : « Si on analyse froidement, on sait bien qu’on ne retrouvera pas le même Lugano, mais si on laisse parler le cœur, notre souhait le plus cher est qu’il joue chez nous après le Mondial. » S’il veut recevoir un nouvel accueil triomphal, Diego « Dios » Lugano sait déjà où poursuivre sa carrière.
Par Thomas Goubin, à São Paulo