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Ludovic Sylvestre : « Au Barça, j’avais les yeux qui brillaient ! »

Propos recueillis par Romain Duchâteau
13 minutes
Ludovic Sylvestre : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Au Barça, j&rsquo;avais les yeux qui brillaient !<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Certaines carrières prennent parfois des trajectoires étonnantes. Celle de Ludovic Sylvestre n'a rien de commun et a débuté au Barça, avec comme coéquipiers Ronaldinho, Xavi ou encore Eto'o. Depuis, le temps s'est écoulé, et le milieu de terrain français a tracé sa route en République tchèque, en Angleterre et en Turquie, où il s'est installé voilà maintenant deux ans. Entretien avec un homme comblé qui a réalisé son rêve de gosse.

Ton oncle, Éric Lada, est un ancien joueur professionnel passé notamment par Sochaux et l’OM, et ton père un grand passionné de ballon rond. Tout jeune, le football, c’est quelque chose qui est venu logiquement à toi ?

Oui, carrément (rires). Tout de suite, ça a été comme ça. Je ne dirais pas que je n’ai pas eu le choix, mais presque. On est vraiment une famille de footballeurs. C’est quelque chose qui est venu tout seul. Mon grand frère joue également au foot. Ce n’est pas à un haut niveau, mais il le pratique. Dans la famille, tout le monde est vraiment très foot. C’est dans le sang, dans les gènes. J’ai su très vite que je voulais devenir professionnel.

Dans ta jeunesse, tu es passé par l’INF Clairefontaine où tu as, entre autres, côtoyé Jacques Faty, Mourad Meghni et Damien Perquis. Quels souvenirs en gardes-tu aujourd’hui ?

Pour moi, c’était une période exceptionnelle. On était enfermé tous ensemble. C’était le début du rêve qui commençait à se réaliser en quelque sorte. C’est la meilleure académie en France et comme on était plusieurs jeunes, on a tout de suite créé des affinités avec certaines personnes. Ça reste une expérience extraordinaire pour moi, juste géniale. En tant que footballeur et humain, ça m’a grandement aidé. Même maintenant, je me rappelle les fondamentaux qu’on m’a enseignés à Clairefontaine. Je suis d’ailleurs toujours en contact avec quelques personnes de ma promotion, mais surtout avec Jacques Faty. On a toujours été très proches lui et moi. Je suis également en contact avec son petit frère, Ricardo, qui joue aussi en Turquie, à Bursaspor. Ceux qui sont encore dans le circuit professionnel, j’essaye de suivre de loin leur parcours.

Tu pars ensuite pour l’En Avant Guingamp (2000-2002), puis le Racing Club de Strasbourg (2002-2004), mais aucun des deux clubs ne t’offrent un contrat professionnel. Avec du recul, comment expliques-tu cela ?

Parfois, dans les clubs, c’est comme ça… Peut-être qu’ils recherchaient un autre profil et que je n’entrais pas dans le moule à cette époque. C’est sans doute ce qui a fait que je n’ai pas pu signer professionnel en France. Je n’ai pas vraiment d’explication, c’est arrivé à beaucoup de monde aussi. C’est comme ça, hein… Mais j’ai continué à faire mon chemin et j’ai réussi quoi qu’il arrive à percer, à faire ce que j’aime. C’est le plus important. Après, sur le coup, c’est une grosse déception quand on est jeune. On se dit en quelque sorte que c’est notre rêve qui s’écroule. C’est assez difficile à digérer, mais j’ai toujours été bien encadré par mes parents et mes amis proches, lesquels ont été présents. Jacques Faty m’avait permis par l’intermédiaire de Rennes de continuer à m’entraîner avec Landry Chauvin, coach des U17 à l’époque. Je restais plus ou moins dans le cursus et c’est quelque chose qui m’a aidé. C’est l’un des moments de ma vie que je n’oublierai pas.

Et c’est donc finalement au FC Barcelone que tu débutes véritablement sa carrière. Raconte-nous un peu ta venue dans l’un des plus grands clubs du monde…

À l’origine, pour être honnête, j’étais parti en essai dans un autre club par l’intermédiaire de mon ancien agent. Il m’avait proposé un essai dans un club en Andalousie. Je me fais mon essai, le club a l’air satisfait. À cette époque-là, cette équipe évoluait en troisième division espagnole. Mais les formations jouant dans cette division n’avaient pas le droit de faire jouer des étrangers. C’était seulement réservé aux Espagnols. Ils voulaient donc me prêter dans un autre club, car ils étaient leaders du championnat et assurés de remonter. J’aurais ainsi débuté la saison suivante avec eux. Sauf que mon agent m’appelle et me dit que je dois aller à Barcelone. Je lui ai répondu : « Oui, mais je vais faire quoi là-bas ? (rires) » J’ai donc pris mes affaires. J’arrive là-bas, on m’attendait avec un écriteau et un écusson du Barça. On m’a ensuite emmené dans un hôtel près du Camp Nou et je me suis dit : « Ça y est… On ne m’a pas menti. » C’était juste extraordinaire. Je savais que j’avais ma période d’essai, donc il fallait que je donne tout. Mais c’est clair qu’au début, j’avais les yeux qui brillaient ! C’est le statut, le standing du club qui m’a frappé. J’arrivais même plus à parler, je me disais que ce n’était pas possible. Puis l’essai s’est bien passé. C’était quatre jours, puis ils ont prolongé d’une semaine et après ils m’ont proposé un contrat.

Après avoir majoritairement évolué avec le Barça B, en troisième division, tu as eu la chance de faire deux apparitions pour l’équipe première en fin de saison 2005-2006. Avoir porté ce maillot, ça doit rester une fierté incommensurable pour toi, j’imagine…

C’était juste la meilleure équipe du monde à ce moment-là. T’avais tout le gratin. Des joueurs incroyables. Deco, Xavi, Iniesta, Ronaldinho, Eto’o, Giuly, Rafa Márquez, Edmílson… Je ne vais pas tous les citer (rires). Du très beau monde. Je remercie Dieu chaque jour qui a fait que cela puisse m’arriver. Même quand on m’a dit d’aller m’entraîner avec l’équipe première, je n’y croyais pas. J’ai encore le maillot chez moi, je le regarde et dis encore « wouah ! » J’en suis vraiment fier. Même quand j’ai l’occasion d’en parler avec des proches, je répète combien c’était une chance pour moi. Ça restera gravé dans ma mémoire.

Pour ta première apparition, c’est Mark van Bommel qui t’a laissé entrer en jeu à sa place…

Quelques fois, avec les joueurs de l’équipe première qui n’étaient pas appelés en sélection nationale, on se retrouvait pour faire des matchs avec l’équipe B. Et parfois on tournait, certains de nos joueurs allaient jouer avec eux et vice versa. Une fois, j’étais parti jouer avec eux et aux côtés de Van Bommel. Il m’avait dit : « Putain, bien, t’es un bon joueur. » J’étais content parce que c’était Van Bommel quand même ! Puis on part à Séville, le Barça est déjà champion. La Coupe du monde arrivait dans la foulée. Rijkaard dit à Van Bommel d’aller s’échauffer. Il discute avec le coach en lui disant qu’il n’est pas trop chaud. Le coach lui répond ok et m’envoie m’échauffer. Je n’y croyais pas et je suis entré en cours de jeu, voilà… Je me suis retrouvé au milieu de terrain avec Xavi et Iniesta. Et tu te dis là que tu ne peux pas rater une passe (rires).

On parle beaucoup des entraînements singuliers de Barcelone. Tu n’as pas trop souffert durant les toros là-bas ?

Franchement, il faut vraiment éviter d’aller au milieu (rires). Parce qu’on a du mal à en sortir. Mais même ceux qui sont au milieu, ils arrivent à anticiper et te poussent à la faute au bout d’un moment.

Si tu n’as pas eu l’occasion de jouer à ses côtés, il y avait un Ronaldinho au sommet de son art à l’époque. Le voir au Camp Nou, ça devait être quelque chose…

Quand j’étais là-bas, je ne loupais pas un match (rires). Et à cette époque, il était juste impressionnant. C’était comme Messi actuellement. Il était vraiment au top du top. Une facilité technique… Ça va, heureusement, je n’ai pas pris trop de virgules de sa part (rires). Il était spectaculaire, il s’amusait avec les gens. C’était une belle personne aussi, un gars super gentil. Il parlait un peu français en plus. Tous les gars de l’équipe première étaient simples. On ne ressentait pas de différences entre l’équipe B et l’équipe première. Par exemple, lors de mon deuxième match joué pour le Barça, je me retrouve titulaire à Bilbao. Eto’o m’a conseillé, m’a dit de jouer mon football, sans pression. Il nous a tout de suite parlé, rassurés et dit de prendre du plaisir. À ce moment-là, on se regardait en se disant que c’est quand même Eto’o… C’était le dernier match du championnat et il aurait pu s’en foutre. Mais pas du tout, il nous a réellement mis en confiance et ça nous a donné beaucoup d’élan. La preuve, sur ce match, je lui fais une passe décisive qui lui permet de terminer meilleur buteur de Liga.

À l’été 2006, tu fais le choix de rejoindre un autre club historique, le Sparta Prague, avec lequel tu réalises le doublé championnat-coupe dès ta première saison. L’acclimatation au football tchèque a été rapide pour toi ?

Ça s’est super bien passé ! Après, j’arrivais un peu avec le statut du joueur qui vient de Barcelone. Mais les joueurs m’ont directement mis à l’aise, tout comme les gens travaillant au club. Première année, on fait le doublé championnat-coupe. Ça reste une très belle expérience à mes yeux.

Avec tes deux autres expériences au Viktoria Plzeň (2008) et Mladá Boleslav (2008-2010), tu as pu prendre le temps de bien connaître le championnat local. Quel regard portes-tu dessus ?

Pour moi, c’est un championnat assez physique, assez rugueux. Mais, à cette époque-là, il y avait franchement de bons joueurs, notamment sur le plan technique. C’est un bon souvenir. Certaines personnes auraient très bien pu dire : « Tu sors de Barcelone et tu vas en République tchèque, c’est un peu bizarre. » Mais comme je le répète, j’étais au Barça B. En équipe première, c’était juste bouché. Il n’y avait pas une place ! En tant que jeune joueur, j’avais envie d’être pro, de jouer au football. J’ai eu cette opportunité et je l’ai saisie. Je suis parti en République tchèque, j’ai joué au haut niveau et en Coupe d’Europe. On avait disputé la Ligue Europa. C’était juste parfait. J’ai beaucoup appris sur le plan physique et défensif. En ce qui concerne l’ambiance, elle était bonne au Sparta Prague parce que c’est l’un des plus grands clubs du pays. Les matchs étaient beaucoup suivis et les supporters étaient nombreux à domicile comme à l’extérieur. Il y avait moins de monde dans les deux autres clubs que j’ai faits, mais l’ambiance était globalement au rendez-vous.

Et à travers les villes que tu as connues grâce à tes clubs, comment décrirais-tu la vie sur place ?

Je vivais à Prague et le mode de vie de Prague se rapproche de celui de Paris. C’est une capitale, c’est très beau et il y a beaucoup de choses à faire. Après, les villes de campagne, on n’y allait que pour les matchs. Je n’avais donc que très peu de temps pour visiter la ville où on se rendait. On jouait et on repartait direct après. C’est un pays qui m’a vraiment plu. Mais la langue, c’était très difficile. Vraiment compliqué, on ne va pas se mentir. J’ai tout de même appris les fondamentaux. « Bonjour, comment ça va, etc. » Mais on arrive toujours à se comprendre au foot, que ce soit avec les mains ou les pieds (rires).

Dans ton parcours, il y a également ce passage à Blackpool (2010-2013), où tu as découvert la Premier League…

Une expérience extraordinaire… En revanche, au niveau du rythme, c’est autre chose. Il faut être prêt. C’est un tout autre niveau. Tu te retrouves à jouer contre Arsenal, Chelsea ou encore Manchester United. Physiquement, ça va juste à deux mille à l’heure ! Et c’est ce qui fait que ce championnat est magnifique. Ça part dans tous les sens. Pas mal de joueurs m’ont marqué. Yaya Touré, Tévez, Anelka, Rooney, Van Persie, Modrić… Des joueurs juste dingues. La crème de la crème comme on dit.

Chez les Seasiders, tu as disputé les play-offs en 2012 contre West Ham, dans une enceinte de Wembley pleine à craquer. Quand on connaît l’importance des play-offs outre-Manche, ça devait être une chose formidable à vivre malgré le dénouement malheureux (1-2, 19 mai 2012)…

C’est l’un des meilleurs moments de ma carrière. Je ne m’étais pas rendu compte quand on avait gagné en demi-finale. Mais quand on est venu à Londres quelques jours avant la finale, on a senti la ferveur des supporters monter. C’était « wouah ! » On avait pris le train pour se rendre à Londres, et un tas de personnes nous attendaient à la gare. Impressionnant. Puis Wembley… Ce qui m’a vraiment marqué, c’était de voir 40 000 supporters du côté de West Ham et 40 000 fans pour nous encourager. C’était coupé en plein milieu du stade et ça se voyait aux couleurs puisqu’on jouait en orange et West Ham en bordeaux. C’est comme si on avait joué la finale de Coupe du monde !

Depuis 2013, tu as atterri en Süper Lig, en Turquie, et joue pour le club de Çaykur Rizespor. Tu t’y plais là-bas ?

Je m’y sens très bien. Il y a de très belles équipes, de bons joueurs dans ce championnat. Ce n’est pas aussi simple que les gens peuvent le penser. Ça fait deux saisons que je suis ici et tout se déroule bien. Notre équipe essaye chaque année de s’améliorer, mais ce n’est pas évident. Fenerbahçe, Galatasaray et Beşiktaş ont la mainmise sur le championnat. On fait partie de ces équipes qui font du bon boulot et qui essaient de rendre le championnat encore plus attrayant. Puis, à Rizesporr, ils ont mis le paquet en ce qui concerne les infrastructures. C’est digne des meilleurs clubs en Europe. Les gens ne se rendent pas compte, mais des clubs mettent tous les moyens en œuvre pour essayer d’y arriver.

Avec la qualification pour l’Euro 2016, on imagine que ça a dû être la folie sur place, non ?

C’est clair, parce qu’en plus, personne ne les attendait. Tout le monde pensait que la Turquie n’allait pas réussir à se qualifier. Comme quoi… Avec les récents événements tragiques, les joueurs se sont transcendés, et c’est bien pour le pays, pour les gens. L’ambiance dans les stades là-bas, c’est vrai que c’est un peu chaud. Les gens sont un peu fanatiques, ils aiment leurs clubs et vont se faire entendre.

Tu habites à Rize, cité portuaire située au nord-est du pays. Culturellement, il se dit que c’est assez différent d’Istanbul ou d’Ankara.

C’est vrai que c’est assez conservateur. Ça change d’Istanbul qui est plus européen. Franchement, ça se passe super bien. Les gens sont d’une gentillesse extraordinaire. Je me sens bien, car je me sens apprécié en tant que footballeur et en tant que personne. Quand on me reconnaît, on n’hésite pas à me demander une photo. C’est cool. Les gens nous supportent, sont derrière nous. C’est un beau pays.

Le 10 octobre dernier, un nouvel attentat a été commis en Turquie, cette fois dans le centre d’Ankara, causant la mort de 97 personnes lors d’une manifestation pour la paix. Ce sentiment d’inquiétude actuellement sur place, c’est quelque chose qui te préoccupe au quotidien ?

(Il réfléchit) Sans te mentir, pas trop. Dans la ville où je suis, je me sens en sécurité. Des attentats, il y en a partout. C’est arrivé ici, c’est arrivé en France. Pour moi, pour ma femme, tout se passe bien. On est bien où on est. Si tu commences à avoir peur tout le temps, tu ne vis plus. Mais ce qui s’est passé, c’est malheureux et impensable.

Dans des moments aussi tragiques, est-ce que tu penses que le joueur de football peut jouer un rôle ?

Dans un certain sens, je pense que oui. Chacun conçoit le football comme il l’entend. Mais, à mon sens, c’est du spectacle. Il faut donner du plaisir aux gens. À mes yeux, oui, on a ce devoir-là d’essayer de rendre les gens heureux dans des moments compliqués comme celui-ci. La qualification de la Turquie pour l’Euro 2016 a donné du baume au cœur au peuple.

Ton contrat se termine en juin 2016 avec Rizespor. À trente et un ans, finir ta carrière en Ligue 1, là où tu n’as pas la chance de t’exprimer, pourrait-il être une option ?

Franchement, pas spécialement. Je n’ai connu que l’étranger. C’est là que j’ai réussi, c’est là que je fais ce que j’aime. Après, si une opportunité s’offre à moi, qu’un club français m’appelle et que toutes les conditions sont réunies, pourquoi pas. Mais, actuellement, je suis bien où je suis. Même si je n’ai pas énormément joué depuis le début de la saison. Je n’ai pas été chanceux, j’ai pris un carton rouge et l’équipe tourne plutôt bien depuis. C’est comme ça, mais ça va vite dans le football. Je me bats à l’entraînement pour retrouver au plus vite ma place. On ne sait pas de quoi est fait demain. Grâce à Dieu, je fais ce que j’aime, et c’est le plus important pour l’instant.
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Propos recueillis par Romain Duchâteau

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