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Ludovic Giuly-Sabrina Delannoy : « On veut des titres ou on veut du jeu ? »

Propos recueillis par Lilian Fermin
9 minutes
Ludovic Giuly-Sabrina Delannoy : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>On veut des titres ou on veut du jeu ?<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Le jeu de l’équipe de France, Karim Benzema, la vie d’un groupe, les adversaires des Tricolores ... Ludovic Giuly et Sabrina Delannoy, deux anciens internationaux qui seront à retrouver sur les antennes de TF1 durant tout le déroulé de la compétition, se sont livré au jeu des questions/réponses à quelques jours du début de l’Euro.

L’équipe de France est-elle la grande favorite de l’Euro ? Ludovic Giuly : Je pense qu’elle est favorite. On est champions du monde, et tout le monde veut nous battre. Sabrina Delannoy : Je suis d’accord, sur le papier il n’y a pas photo. Après, on sait que ce genre de compétition réserve des surprises. À l’Euro, le niveau est toujours plus homogène qu’à une Coupe du monde, ça va forcément créer plus d’incertitudes.

Certains Français reviennent en forme au meilleur des moments, comme Griezmann, Pogba ou Kanté. LG : Tant mieux pour nous ! On a de grands joueurs qui jouent dans de grands clubs et qui sont bons. C’est une donnée intéressante pour Didier (Deschamps), il a un groupe qu’il connaît maintenant depuis 4 ans. Mais il faudra être présent le jour J, il faut continuer comme ça, bien se préparer surtout. Ça a été une année très compliquée, il faut s’adapter, et c’est bien que tout le monde soit au top pour l’Euro.

Dans tous les clubs où il est passé, sa marque de fabrique, c’est d’unir et de rassembler tous ses joueurs et de les faire se surpasser. C’est quelqu’un qui est dans les détails, il fait attention à tout. Il n’a pas été champion du monde comme ça.

Ludovic, vous avez connu Didier Deschamps à Monaco (de 2001 à 2004), il est comment dans sa façon de gérer et concerner tout un groupe ? LG : Dans tous les clubs où il est passé, sa marque de fabrique, c’est d’unir et de rassembler tous ses joueurs et de les faire se surpasser. C’est quelqu’un qui est dans les détails, il fait attention à tout. Il n’a pas été champion du monde comme ça. Il connaît parfaitement son métier, son groupe aussi, ce qui est important. C’est quelqu’un qui est à l’écoute de ses joueurs, qui analyse les choses, sur ce qu’il fait de bien ou de moins bien. Il est vraiment rigoureux, il essaie de te faire surpasser tes faiblesses, il a ce discours qui te transcende. Là-dessus, il faut lui faire confiance, il est aujourd’hui dans l’excellence avec son équipe et il le démontre. Il ne lâchera pas l’affaire tant qu’il ne gagnera pas cet Euro.

Le jeu qu’il prône est souvent critiqué par les observateurs, quel est votre point de vue ? SD : À partir du moment où c’est efficace, c’est ce qui compte le plus. Il y aura toujours des gens pour critiquer, dire que c’est trop défensif, qu’il n’y a pas assez de spectacle, etc. Tant qu’il a trouvé la bonne formule avec tous ces ingrédients, qui font que l’équipe de France est efficace et gagne ses matchs… On sera tous heureux quand les Bleus seront champions d’Europe comme on l’a été quand ils ont été champions du monde. Pour moi, il n’y a pas vraiment de débat autour de ça. LG : À un moment donné, il faut savoir ce qu’on veut. On veut des titres ou on veut du jeu ? Si on veut du jeu, alors on laisse tomber le titre ?

Être efficace, c’est mieux que de faire plaisir à tout le monde, mais de ne rien gagner.

On peut aussi avoir les deux … LG : On peut avoir les deux, mais aujourd’hui c’est compliqué. Quelle équipe pratique du football, comme on dit, et gagne des trophées ? Il n’y en a pas. Il faut savoir ce qu’on veut dans la vie. En France, on est content quand on perd, et quand on gagne, on critique parce qu’on n’a pas eu de jeu. Les compétitions sont là pour être gagnées. Qui va se souvenir de comment on a joué tel match ? Tout le monde s’en fout, à la fin ce qu’on retient c’est titre ou pas titre. Tant mieux s’il y a du jeu, mais actuellement on ne peut pas dire que l’équipe de France joue avec les pieds carrés, avec les joueurs qu’on a… Les adversaires aussi sont de haut niveau, ce n’est pas facile, il y a des choix à faire. Être efficace, c’est mieux que de faire plaisir à tout le monde, mais de ne rien gagner.

Une liste élargie à 26 joueurs pourrait-elle nous réserver quelques surprises de la part de Didier Deschamps ? LG : Didier a vraiment le choix. Il pourra élargir sa liste, avec peut-être des joueurs nouveaux. Je sais qu’il ne va pas se tromper parce qu’il va prendre des mecs qui vont apporter au groupe, même s’il les prend juste pour l’entraînement. Ces joueurs, il les choisira parce qu’ils apporteront quelque chose dans son groupe. C’est une certitude. Il y a beaucoup de mecs qui peuvent prétendre faire partie de la liste, mais je laisse Didier faire son choix.

C’est important de choisir des profils qui savent peut-être qu’ils ne vont pas jouer, mais qui vont arriver à l’entraînement avec le sourire, ils vont apporter cette énergie positive et vouloir que les titulaires soient performants.

Plusieurs joueurs ne disputeront sans doute pas une seule minute de la compétition, pourtant on dit souvent que leur présence est très importante, à l’instar d’Adil Rami en 2018. LG : Tu as besoin de ces joueurs. Tu as besoin d’un groupe qui vit bien, les mecs vont partir ensemble pendant un mois, c’est long, c’est compliqué. Moi, je veux bien être champion du monde sans jouer, ou champion d’Europe. Déjà, tu fais partie de quelque chose d’unique, d’être dans un groupe de 26 sur je-ne-sais-combien. Si, à la fin, je suis champion sans jouer, je signe demain. SD : C’est important, car quand on part dans une aventure, ça dure longtemps, comme dit Ludovic. Il faut que le groupe vive bien. C’est une expression qu’on entend souvent, mais elle est vraie. Dans un schéma comme un Euro, il va y avoir 13-14 joueurs qui vont jouer régulièrement, et les autres sont là pour compléter juste en cas de besoin, être des jokers. Ces joueurs-là doivent porter les titulaires, il ne faut pas qu’ils soient dans l’aigreur et la frustration de ne pas jouer. C’est important de choisir des profils qui savent peut-être qu’ils ne vont pas jouer, mais qui vont arriver à l’entraînement avec le sourire, ils vont apporter cette énergie positive et vouloir que les titulaires soient performants. Ils travaillent pour l’intérêt du groupe.

Karim Benzema cartonne et vient d’être nommé meilleur joueur français de l’étranger aux trophées UNFP. Si vous pouviez décider, vous l’emmèneriez ? LG : Il y a eu un choix, il faut le respecter. Bien sûr, sur ce que fait Karim Benzema au Real Madrid, il n’y a absolument rien à dire. Nous ne sommes pas décisionnaires, mais en tout cas, le joueur en lui-même, chapeau pour ce qu’il fait. SD : Il n’y a aucun débat sur la performance. Je pense qu’on ne connaît pas tous les tenants et les aboutissants de cette décision. Ce n’est pas à nous d’entrer dans ce débat. Malheureusement, c’est comme ça. On pourra toujours se poser la question : « Et s’il avait été là ? »
LG : Moi, je n’ai pas été pris en 2006 à la Coupe du monde. (Il honore sa dernière cape le 12 octobre 2005 et ne sera plus jamais rappelé.) J’ai un débat avec (Raymond) Domenech, mais bon, je n’ai toujours pas de réponse. Pourtant, je suis dans ce débat et je sais ce qu’il s’est passé. C’est comme ça, la vie du foot, il y a un mec, il décide. Il y a eu des histoires, ou pas. On ne peut pas s’en mêler. On ne le saura jamais, des décisions ont été prises, il faut les respecter, point barre.

Comment se sent-on quand on porte le maillot de l’équipe de France ? LG : C’est de la fierté tout simplement. On est fier de porter ce maillot. C’est quelque chose d’important, quand on est jeune footballeur, de jouer pour son pays. SD : C’est une chance aussi. Une chance de participer à de grandes compétitions et de vivre des émotions un peu différentes de celles vécues en club. En club c’est très régulier, on s’entraîne tous les jours. Avec l’équipe de France, c’est du oneshot avec un groupe. On vit pendant plusieurs jours ou semaines ensemble. C’étaient de belles aventures.

Quand tu es jeune, tu as cette adrénaline, cette peur de rater, mais avec l’expérience, elle disparaît.

Vous arriviez à faire avec la pression d’être scrutés par le pays entier ? LG : Tu en fais abstraction. SD : Oui, sinon tu ne joues pas !LG : On y est habitués. Sur une finale, c’est plus compliqué, il y a le stress de louper, de perdre. Mais une carrière, c’est fait pour ça, pour vivre des sensations, donc tu oublies cette pression. Tout ce qu’il y autour, on ne le voit qu’après. SD : Quand tu es jeune, tu as cette adrénaline, cette peur de rater, mais avec l’expérience, elle disparaît. J’ai appris à me libérer de tout ça et à me dire, peu importe le match, je prends du plaisir, je m’éclate et j’oublie s’il est retransmis à la télé.

Qui vous fait le plus peur dans la poule des Bleus, l’Allemagne ou le Portugal ? LG : L’Allemagne. C’est dur de jouer les Allemands, ils sont rigoureux. Je les vois bien nous compliquer la tâche.SD : Moi aussi, car les Allemands, en compétition, ils sont toujours là. On a beau dire que pour l’instant ce n’est pas top, qu’ils tâtonnent un petit peu … Mais quand la compète est là, ils sont présents.

Pour moi, l’équipe à battre de la compétition, c’est la Belgique.

Pourtant ils semblaient sur une fin de cycle lors du dernier Mondial… LG : On verra bien, je l’espère pour l’équipe de France ! SD : C’est une équipe dont il faut toujours se méfier. LG : Pour moi, l’équipe à battre de la compétition, c’est la Belgique. Elle va être revancharde, De Bruyne fait une saison exceptionnelle avec son club, les joueurs ont maintenant une bonne expérience et ils voudront rappeler qu’à la Coupe du monde, ils auraient pu gagner …

L’Euro sera assez particulier avec ces matchs dans plusieurs pays. Dans quelle mesure cela peut-il affecter les compétiteurs ? SD : Je pense que ça ne changera pas grand-chose pour les joueurs. Quoi qu’il arrive, c’est toujours dans des villes différentes. Aujourd’hui, on a des moyens de transports très rapides, les délégations vont tout faire pour que ce soit fluide pour les joueurs. Ça permet d’ouvrir un peu, de voir plus de pays. Je ne pense pas que ça ait un impact majeur sur les résultats et la compétition.

Des joueurs ont eu le virus et ont dû s’arrêter, certains ont peut-être des séquelles au niveau respiratoire.

La menace de la Covid-19 plane toujours au-dessus des sélections, le virus pourrait-il fausser un peu la compétition ? SD : On l’a vu sur certains matchs, si plusieurs joueurs sont touchés d’un coup et ne peuvent pas participer, ça joue sur le niveau de la rencontre. La saison a été particulière, sans public. Des joueurs ont eu le virus et ont dû s’arrêter, certains ont peut-être des séquelles au niveau respiratoire. C’est un facteur qui va forcément jouer sur la compétition, on espère le moins possible évidemment, mais il pourrait influencer les résultats des matchs.

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