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Ludovic Blas : « Si je dois refaire la même carrière, je signe direct »

Propos recueillis par Maxime Brigand et Clément Gavard, à Rennes

À 26 ans, Ludovic Blas a lancé sa dixième saison d’affilée en Ligue 1 en se promettant de ne pas se rater après une première année compliquée sous le maillot du Stade rennais. L’ancien Nantais ne s’attendait pas à ce que ce soit aussi dur, mais il connaît la musique depuis ses débuts dans le grand bain : le foot est un milieu spécial. Il s’est posé pendant plus d’une heure pour raconter la construction d’une carrière, la vie en centre de formation et les rêves de jeunesse avant qu’ils ne se heurtent à la réalité.

Ludovic Blas : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Si je dois refaire la même carrière, je signe direct<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il y a une semaine, à Brest, Rennes a vécu un nouveau match difficile (1-1), assez terne. Comment tu digères une rencontre comme ça ?

Franchement, en tant que joueur, on essaie de vite passer à autre chose. Dans une situation comme la nôtre, on n’a d’ailleurs pas trop le choix, sinon, on coule. C’est des matchs qui ne sont pas évidents, où tu es constamment dans le duel, où tu ne prends pas beaucoup de plaisir. On a essayé de jouer un minimum, on a les joueurs pour faire du jeu, mais on n’a pas été capable de le faire. Malgré ça, je pense qu’il y a toujours des choses à garder pour apprendre.

Tu parles de plaisir ressenti. Justement, depuis le début de saison, on a le sentiment que tu as retrouvé ce plaisir. Est-ce que tu réussis quand même à savourer quand ça ne tourne pas très bien collectivement autour de toi ?

J’essaie, justement, de donner ma bonne forme du moment à l’équipe, au collectif, d’être décisif (il est le co-meilleur buteur et le meilleur passeur de l’effectif après huit journées, NDLR), mais aussi de prendre la parole, de dire certaines choses à certains moments… Je suis pro depuis un moment, je suis parmi les joueurs les plus âgés de l’effectif, je dois donc prendre mes responsabilités.

Tu en avais besoin de ça ?

J’ai toujours aimé prendre des responsabilités. Auparavant, j’en ai demandé et j’en ai eu. Maintenant, dans une situation comme celle que l’on traverse en ce moment (2 victoires en 8 journées de Ligue 1, 13e place au classement, NDLR), il ne faut pas les demander, mais plutôt les prendre. Ça doit être naturel et je pense que c’est dans les situations compliquées que tu vois ceux qui ont peur et ceux qui n’ont pas peur. Le foot, ça ne peut pas être que quand ça va bien et on voit aussi si tu es un bon joueur quand ça va moins bien. Après, il y a différentes façons de partager son savoir-faire. Un Steve Mandanda ou un Baptiste Santamaria vont plus communiquer face au groupe. Moi, je le fais un peu plus individuellement ou sur le terrain.

Après le match contre Monaco, Julien Stéphan a dit que tu étais un joueur « transformé ». Qu’est-ce qu’il s’est passé cet été ?

Franchement ? Je n’ai rien fait de spécial (Rires.) Je suis juste parti en vacances en Martinique, avec ma famille, et je me suis dit que je ne pouvais pas faire une deuxième saison comme ça. Ça a l’air bête, mais j’ai juste travaillé après avoir vraiment subi la saison dernière. C’est la toute première fois que j’ai vécu une telle situation, l’année a été compliquée, mais je pense aussi que c’est celle qui m’a fait le plus apprendre de choses de toute ma carrière. J’ai pris encore plus d’expérience, je suis revenu cet été à la prépa avec un bagage en plus et une tout autre mentalité. Après, j’ai plus de temps de jeu, de confiance… J’ai eu la chance de marquer assez vite en prépa, j’ai eu des discussions différentes avec le coach, et les choses ont suivi.

Sincèrement, au départ, je ne voulais pas prendre les appels de Florian Maurice et Bruno Genesio parce que je savais très bien que partir de Nantes à Rennes, ça allait être chaud.

Tu te douterais que les choses seraient aussi difficiles en arrivant à Rennes ?

Non, pas du tout, même si c’est toujours un bouleversement de changer de club, que là, en plus, je passais de Nantes à Rennes. À ça, il y a aussi eu le départ de Bruno Genesio assez rapidement, alors que c’est lui qui m’avait appelé directement avec Florian Maurice pour que je vienne…

Quand Florian Maurice et Bruno Genesio t’ont appelé la première fois…

(Il coupe.) Je ne voulais pas leur répondre. Sincèrement, au départ, je ne voulais pas prendre les appels parce que je savais très bien que partir de Nantes à Rennes, ça allait être chaud. Maintenant, parfois, il faut réfléchir, être ouvert et ne pas être stupide. J’ai tellement travaillé pour être pro, pour être un joueur de Ligue 1 que ce n’est pas pour une rivalité que j’allais mettre ma carrière de côté. Là, ça a pris ces proportions uniquement parce que c’était moi, que j’étais capitaine, qu’il y a eu la victoire en Coupe de France, mais j’espère que les supporters comprendront à un moment donné.

 

Le jour de ton départ, des supporters nantais étaient venus coller des stickers sur le portail d’entrée de ta maison. Ça, tu l’as vécu comment ?

On a déjà vu tellement de choses dans le foot que ça ne m’a pas étonné, mais que ça m’arrive un jour, à moi, j’avoue que je ne l’aurais jamais imaginé. Après, je comprends leur réaction : j’étais leur chouchou, j’étais au club depuis 2019, tout se passait bien, on a gagné un titre, joué l’Europe… Alors pourquoi Rennes ? La réponse est que j’ai aussi une carrière à mener et que je n’ai jamais fait ce choix contre eux.

Tu disais il y a peu que tu t’es senti assez seul après ce transfert.

Partout où tu passes, tu arrives seul et repars seul. Maintenant, je connaissais déjà des gens, je me suis vite intégré et je ne suis pas difficile à vivre. C’est juste sur le terrain que je me suis senti assez seul, que ça a été compliqué.

J’ai un peu abandonné ma fin de saison dernière. Là-dessus, je n’ai pas été bon. Je n’aurais pas dû me braquer.

Tu as dû changer des choses dans ton jeu ?

Il y a beaucoup de confiance là-dedans. Si on prend un exemple concret, le but que je marque contre Monaco cette saison, dans la même position la saison dernière, je ne frappe pas. Je fais une passe et je ne prends pas le risque. Je ne l’ai fait qu’une fois, face au Maccabi Haïfa, mais pourquoi ? Parce qu’avant le match, le coach Genesio m’a poussé à le faire. Je tourne à la confiance et moi, si tu me donnes, je vais te rendre. Et si tu me donnes beaucoup, je te rends beaucoup.

 

Et si on ne te donne pas ?

Je peux me fermer. C’est pour ça que ça s’est passé comme ça la saison dernière, que j’ai un peu abandonné ma fin de saison. Là-dessus, je n’ai pas été bon. Je n’aurais pas dû me braquer.

C’est la première fois que tu te braques autant ?

J’ai toujours été comme ça, moi, de base, mais comme je n’avais jamais vécu une situation comme ça, ce n’était pas un problème. Des difficultés, j’en ai connu d’autres, à Guingamp ou à Nantes, mais à la différence près qu’à Nantes, par exemple, alors que je n’étais pas bon, Christian Gourcuff m’a laissé reprendre de la confiance sur le terrain pour que les choses rentrent dans l’ordre. Bruno Genesio faisait un peu la même chose la saison dernière, puis quand Julien Stéphan est arrivé, il a dû faire face à une situation compliquée et a dû faire des choix, sauf que j’aurais dû réagir différemment.

Certains épisodes n’ont également pas aidé : le but non célébré contre Villarreal, puis cette histoire de penalty contre Clermont

Contre Villarreal, j’étais dans une période où je n’étais pas au top au niveau du foot, donc je n’allais pas sauter partout. Je kiffe marquer des buts, c’est un pur bonheur, mais là, ça a été ma façon de montrer mon caractère, que je n’allais pas me laisser faire.

En ne pensant qu’aux stats, le foot régresse.

Est-ce que tu penses qu’il y a aussi eu un décalage dans la compréhension de ton profil ?

Pour moi, ceux qui connaissent le foot reconnaissent le talent d’un joueur. On parle beaucoup de stats, mais le plus important, c’est le foot. En ne pensant qu’aux stats, le foot régresse. En tout cas, c’est mon avis. Je vais te donner un exemple : un Allan Saint-Maximin, qui est mon pote, ça pue le football. Il ne marque pas 30-40 buts dans une saison, mais c’est exceptionnel.

Certains retiennent souvent un côté individualiste. Ça t’embête ?

Au début, je me suis demandé : « Moi, égoïste ? » Pourtant, j’aime partager et mon foot, c’est avant tout de faire jouer tout le monde. Il faut demander à mes coachs : aucun ne dira que je suis individualiste. Aucun ne va se plaindre. C’est le plus important.

Tu aimes faire quoi, toi, sur un terrain ?

Prendre du plaisir. Le foot, ça doit rester ça et je ne veux surtout pas le perdre. Maintenant, je suis bien conscient que quand tu es à un poste offensif, tu dois amener du danger, créer des choses, avoir un impact sur l’équipe adverse, donc avoir un petit peu de stat, mais moi, à chaque fois que je rentre sur un terrain, c’est pour m’éclater et à 26 ans, j’ai toujours ce même plaisir. Quand j’entre sur la pelouse de Brest le week-end dernier, je ne vais pas au travail, je savoure toujours autant, et pourtant, les stades de France, je les ai tous faits plusieurs fois hein ! (Rires.)

 

Certains joueurs disent parfois qu’ils sont nostalgiques du foot du quartier, de la simplicité que ça pouvait avoir. Pas toi ?

Va demander aux gens du quartier, tu vas voir s’ils préfèrent jouer à la cité ou dans un stade de Ligue 1 le week-end ! (Rires.)

Tu y retournes parfois, à Montrouge ?

Souvent, oui, notamment pendant les trêves. Après, pour gérer les périodes difficiles ou me ressourcer, l’essentiel, c’est surtout d’être avec mon entourage proche, donc mes parents et mon frère. J’ai aussi vécu avec un pote pendant dix ans, en coloc. Un mec avec qui j’ai grandi. Il vivait encore avec moi la saison dernière et m’a aidé à traverser cette saison difficile. Il a joué au foot, il a été pro en Roumanie, mais surtout, il a tout vu de ma vie, de mes galères. Je ne me plains jamais, mais il sait qui je suis, et la saison dernière, il m’a aidé à me changer les idées et m’a soutenu. Par exemple, après l’histoire du penalty contre Clermont, je rentre, il est là et me dit : « Vas-y, oublie. » Certains n’ont besoin de personne. Moi, j’ai toujours eu besoin de vivre avec quelqu’un. C’est d’ailleurs aussi très important dans les bonnes situations, pour aider à garder les pieds sur terre.

Tu ne les as plus eus à un moment donné ?

Oui, quand on a gagné l’Euro U19, en 2016. Je suis revenu à Guingamp et je pensais que j’allais jouer directement. Premier match de prépa, en plus, je marque, contre Caen, à domicile, frappe pleine lucarne, mais non. À ce moment-là, j’aurais aussi dû agir différemment et ma carrière aurait peut-être été différente. Je suis resté sur mes acquis et ça a été une erreur.

Tu t’imaginais quoi comme carrière ?

Je ne sais pas, mais je me dis juste que chaque petit choix donne une direction à ta carrière.

C’est dur à gérer une carrière ?

Pour moi, non, sauf quand un employeur décide pour toi, comme j’ai pu le vivre avec Nantes quand je devais aller à Lille. Ça, c’est des situations compliquées et mon été 2022 a été compliqué parce que tout était prêt pour que j’aille au LOSC. Mais bon, je suis resté et j’ai adoré ma saison à Nantes. Sinon, une carrière, c’est un kif. On fait du foot !

Le centre de formation, ça implique des sacrifices, beaucoup, même, dont l’absence des parents. Maintenant, pour moi, le plus dur, ça a surtout été d’entendre que tout le monde ne serait pas pro.

Est-ce que tout ce que tu vis est à la hauteur de ce que tu avais imaginé ?

Pfiou, c’est beaucoup plus… Je suis arrivé à Guingamp en 2012, à 14 ans, et quand je vois où j’en suis, je savoure. Le centre de formation, c’était au dernier étage d’un bâtiment. J’arrivais de Paris et franchement, si je dois refaire le même chemin, la même carrière, je signe direct.

Tu en gardes quoi du centre de formation ?

Ça peut être difficile pour certains et moi, je suis quelqu’un de très famille. Tu m’enlèves mes parents et mon frère, c’est la folie… Encore aujourd’hui, ils viennent très régulièrement me voir. Là, par exemple, ma mère est chez moi.

Comment tu as géré leur absence à Guingamp ?

C’est un sentiment partagé parce que ton objectif quand tu es petit, c’est quoi ? Aller dans un centre de formation. Quand j’étais joueur à Montrouge, je n’avais que ça en tête. Après, ça implique des sacrifices, beaucoup, même, dont ça, l’absence des parents. Maintenant, pour moi, le plus dur, ça a surtout été d’entendre que tout le monde ne serait pas pro. De ma génération, on est juste deux à avoir réussi. Celui qui est sorti avec moi, c’est Alexis Mané (aujourd’hui joueur de Bourges, en N2, NDLR). On était mélangé avec les 96, donc je peux aussi ajouter Marcus Coco, qui est sorti. Pourtant, on avait une équipe de fous hein : Marcus Thuram, Tanguy Ndombele, James Léa Siliki… mais finalement, James et Tanguy n’ont même pas signé pros à Guingamp, mais ailleurs.

 

La première difficulté, c’est de sortir, mais rester au haut niveau aussi, non ?

Le plus dur, c’est de tenir et je peux même dire que le plus dur, ce n’est pas d’aller chercher le contrat pro, mais de prolonger. Il ne faut jamais l’oublier, surtout à une époque où les contrats pros sont signés plus tôt, que le plus dur, c’est le deuxième contrat.

Tu as mis combien de temps, toi, à l’avoir le deuxième ?

Moi, ça a été différent. Il y a eu cet Euro U19 en 2016 et quand je suis revenu, Guingamp m’a dit : « Eh, tu prolonges direct ! » (Rires.)

Certains de cette génération n’ont pas connu la même longévité que toi. Qu’est-ce qui fait la différence selon toi ?

Honnêtement, il n’y a pas de recette. Chacun a une carrière, des moments à vivre, des événements de vie… On parle souvent de travail et oui, il faut travailler énormément pour en arriver là, mais certains n’ont, aussi, pas beaucoup de chance.

Tu estimes en avoir eu, toi ?

Grâce à Dieu, oui. J’ai travaillé et j’ai pris.

À la fin, qu’est-ce que tu aimerais que l’on retienne du joueur que tu as été ? 

Très bonne question parce que j’en ai complètement rien à cirer de l’avis des gens.

Vraiment ?

Franchement, oui, ça ne sert à rien, mais quand tu es jeune, que tu débutes, il faut faire attention. Chaque joueur qui commence va directement voir sur Twitter ce qu’il peut se raconter sur lui. Il tape son nom, il espère voir « putain, il est bon celui-ci »… Je l’ai fait, moi aussi, mais dès que les insultes ont commencé, j’ai coupé.

Si je tape mon nom sur Twitter après le match contre Clermont la saison dernière, je pense que je ne viens même pas à la séance du lendemain. Certains sont hyper affectés par ça.

Tu n’as plus du tout de compte sur les réseaux aujourd’hui ?

Si, mais il est bloqué. Je ne vais plus voir ce qu’on dit sur moi. Vous imaginez si j’avais fait ça la saison dernière ? Si je tape mon nom après le match contre Clermont, je pense que je ne viens même pas à la séance du lendemain. Certains sont hyper affectés par ça. Maintenant, moi, l’avis des gens… J’essaie de rester le gars calme, nature, qui ne prête pas trop attention aux choses peu importantes. En fait, je suis un Antillais en vrai de vrai. (Rires.)

 

Avant d’avoir ce discours, tu as quand même dû faire du chemin.

Bien sûr. Un joueur qui commence une carrière sans regarder ce qui s’écrit sur lui, c’est un génie. Il a tout compris. Même Kylian (Mbappé, NDLR) regardait à l’époque, évidemment.

Tu en parles avec les jeunes du groupe ?

Si le sujet arrive sur la table, oui. Maintenant, ici, les jeunes du centre sont très bien gérés. Ils ont du media training, etc. Nous, on n’a jamais eu ça. En décembre 2015, je joue titulaire à Bordeaux pour mon premier match de Ligue 1, j’ai 17 ans, je suis bon et à la fin, je suis en zone mixte. Direct, plein de caméras, la lumière. Un délire. Tu sais très bien que là, si tu dis n’importe quoi, tu finis sur les réseaux. En plus, je viens d’une famille de moqueurs donc si je dis un mot de travers… (Rires.)

Quand Giannelli Imbula était pro à Guingamp, il nous laissait son appart pendant les matchs. On ne se rendait pas du tout compte de ce qu’il vivait ou de ce qu’il avait à gérer.

Tu trouves que ta génération était vraiment différente de la génération actuelle ?

Oui, on fait beaucoup plus attention maintenant. C’est beaucoup plus carré.

Quand as-tu compris que le foot était un milieu spécial ?

Une fois dedans. Avant, tu ne t’en rends pas compte. Un exemple : quand Giannelli Imbula était pro à Guingamp, il nous laissait son appart pendant les matchs. Il était à Istres, nous on était chez lui, on regardait ses matchs, on se disait : « Wow, c’est la folie la vie de footeux… » On ne se rendait pas du tout compte de ce qu’il vivait ou de ce qu’il avait à gérer. Quand t’es jeune, tu as de la fougue, tu es insouciant. Après, il y a de tout dans le foot. Il faut faire vite attention à ton entourage, aux personnes qui vont venir vers toi alors que tu ne les connais pas.

Après l’Euro U19, on imagine qu’il y a plein de gens qui ont dû venir autour de toi. Là, ta carrière aurait pu prendre cinquante voies possibles.

Exactement, mais encore une fois, c’est dans tes choix que tu vas créer ta carrière à toi.

Et à ce moment-là, c’est avec qui que tu prends la décision de rester à Guingamp ?

Ça a été : « Bon, là, on est champion d’Europe, qu’est-ce qu’on fait ? On reste ou on se casse ? » (Rires.) Mais je n’avais pas fait beaucoup de matchs et comme je l’ai dit plus tôt, quand tu me donnes beaucoup, je te rends beaucoup. Guingamp m’a beaucoup donné, je ne pouvais pas partir comme ça. Malheureusement, je suis descendu quand le club est descendu, mais je garde ce principe : on me donne, je rends. Ça a été ma façon de gérer ma carrière et si je me plante, c’est avec ce principe.

 

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Tu es nostalgique, parfois, de cette époque d’insouciance ? 

Ce qui était dingue, c’est qu’on a quasiment tous grandi ensemble : Saint-Maximin, Dembélé, Augustin… Ceux de Paris, on se connaît depuis des années. On a fait toutes les détections, les sélections, on se rencontrait tous au moins une fois par mois. Après, notre génération a été hallucinante. J’ai mis un pied en sélection, je me suis dit : « Mais on est où là ? » Dans le même groupe, tu pouvais avoir Marcus Thuram, Kylian Mbappé, Ousmane Dembélé, Allan Saint-Maximin, Amine Harit, Christopher Nkunku… Rien que les entraînements, c’était fou. Forcément, ça nous a tous fait progresser et en plus, on a tous été élevés avec un truc très région parisienne. À savoir : être plus fort que celui à côté.

À quel moment as-tu compris que tu étais plus fort que celui à côté de toi ?

Quand j’ai commencé à recevoir des lettres pour faire des détections je pense. Là, j’ai compris que oui, peut-être, un jour… Ça a quand même mis du temps à venir. Quatre joueurs de mon équipe ont signé à Monaco et moi, ça a tardé, je demandais à ma mère : « Pourquoi eux et pas moi ? » Elle me disait : « Ça va venir et le premier club qui viendra, tu signeras là-bas car c’est le premier qui t’aura fait confiance. » J’ai été en sélection des Hauts-de-Seine, j’ai fait tout ce qui était les Interdistricts à Clairefontaine et là, ça a été la folie. Un bon match et boum, c’est détection direct. Guingamp est venu en premier et j’y suis allé.

Les détections, c’est bizarre. Tu as de la pression, tu te dis qu’il faut y aller, mais sur place, il y a je ne sais pas combien de joueurs, avec des chasubles, c’est un peu le marché.

Comment tu te prépares à une détection ?

C’est bizarre. Tu as de la pression, tu te dis qu’il faut y aller, mais sur place, il y a je ne sais pas combien de joueurs, avec des chasubles, c’est un peu le marché. Normalement, il y avait trois tours et à Guingamp, un tour a suffi. Pourtant, derrière, il y a eu d’autres clubs : Monaco, Bordeaux, des clubs italiens… Quand tu as 14 ans, le nom Monaco, ça te fait rêver. En plus, c’est le sud, il fait beau, puis tu arrives à la gare de Guingamp et tu te dis : « Putain, Monaco… » Mais j’ai adoré.

Et le premier saut chez les pros ?

Pareil. Tu as de la pression, mais tu es heureux. Après, moi, j’ai eu une chance car un jour, Younousse Sankharé est venu jouer en réserve après un retour de blessure. On a joué ensemble, double pivot, dans un 4-4-2. Il a kiffé jouer avec moi, il est reparti avec les pros, leur a dit : « Les gars, en réserve, y a un gars, popopopo… » Et la semaine d’après, je suis monté avec eux et ça s’est super bien passé. Je me suis changé dans le vestiaire arbitre au départ, puis quand j’ai signé pro, je me suis assis à côté de Younousse. Yannis Salibur m’a aussi beaucoup aidé. C’est pour ça que j’ai envie d’aider aussi, parce qu’on l’a fait avec moi. Pendant la trêve, plein de petits sont montés avec nous, tu as envie de les pousser, d’avoir le petit mot pour eux. Ça a l’air de rien, mais c’est important.

Tu t’es revu à leur place ?

Ah ouais et quel kif. Franchement, j’aimerais retrouver tout ça. En plus, moi, mon début de carrière, ça a été la folie : le stade de Roudourou, l’Europe, Beauvue qui sautait à sept mètres de haut, c’était trop ! (Rires.)

Tu regardes encore le foot ?

Moins, mais pas par désintérêt. C’est juste qu’avant, c’était de la folie. Je regardais tout, partout, je suivais tout. Ça n’a rien à voir avec le fait que le football serait devenu chiant. Bon, c’est vrai qu’il n’y a plus Neymar. Quand il était au top niveau, s’il jouait, je regardais. J’étais là pour son premier match en Ligue 1 et vraiment, je n’ai pas envie d’en reparler. Lui aussi, c’était trop… C’était un alien.

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