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Ludovic Baal : « La sélection guyanaise, c’est une belle aventure humaine »

Propos recueillis par Nicolas Jucha
Ludovic Baal : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>La sélection guyanaise, c&rsquo;est une belle aventure humaine »

Transféré à Rennes cet été, Ludovic Baal poursuit son bonhomme de chemin en enchaînant les titularisations. À 29 ans, le latéral gauche n'ose pas espérer une convocation en équipe de France et se satisfait déjà d'avoir pu représenter sa Guyane natale.

Tu as signé pour trois saisons à Rennes cet été, et tu fais partie des recrues qui jouent le plus. L’adaptation a été facile en Ille-et-Vilaine ?

Oui, on m’a bien accueilli, c’était facile d’arriver dans un groupe déjà bien constitué. C’est le club que je cherchais, avec un projet sportif dans lequel je puisse progresser, jouer le haut de tableau. Je cherchais aussi un club stable. Dans mes deux précédents clubs, Le Mans et Lens, j’étais en fin de contrat et des problèmes financiers m’avaient poussé à partir.

À Rennes, il y a une grande stabilité, mais aussi a contrario un problème pour passer le cap entre bonne équipe de Ligue 1 et équipe européenne. Quand tu as été recruté, est-ce que le coach et les dirigeants ont abordé ce point, cette ambition de monter d’un cran ?

Rennes cherche à monter le plus haut possible et c’est vrai qu’il a du mal à passer un cap, mais le coach n’a pas fait une fixation et ne m’en a pas parlé au moment de me recruter. On espère juste que le groupe actuel va pouvoir aller chercher quelque chose.

Preuve des ambitions de Rennes, il y a quelques belles recrues, comme Gourcuff, mais aussi Quintero. Ce dernier est comment à l’entraînement ?

Il est vraiment impressionnant, il peut tout faire avec son pied gauche. Il cherche des passes que la plupart d’entre nous n’imaginent même pas. Il est très précis avec sa patte gauche.

Tu as percé en pro avec Le Mans, mais manque de bol, ta montée en puissance a coïncidé avec le début des problèmes du club : relégation, difficultés financières. Quels souvenirs gardes-tu du Mans ?

J’ai percé l’année où on descend avec Paulo Duarte, mais j’avais quand même déjà fait des matchs avec Rudi Garcia. Mon plus gros souvenir, c’est la Gambardella qu’on a gagnée avec Samassa, Coutadeur, Choplin pour ne citer que ceux qui ont joué en pro. Je me souviens aussi du premier but que j’ai mis à la MMA Arena, des gens m’en parlent encore au Mans. Je ne marquais pas souvent, donc c’était une surprise encore plus forte.

Justement, tu as démarré attaquant en formation avant de redescendre…

Je ne sais pas si c’était une évolution naturelle pour moi, c’est surtout que ma première année pro comme attaquant s’est mal passée. On juge un attaquant sur ses stats, et moi, j’en avais peu. Mais comme j’étais malgré tout un bon, on m’a essayé arrière gauche. L’idée vient de Yves Bertucci, il m’avait dit : « Chez les pros, il y aura de la place à ce poste. » Au départ, c’était dur d’accepter ce poste, j’étais offensif, j’aimais créer des actions, provoquer… Ce n’était pas un choix de ma part, je me suis dit qu’on me mettait là parce que je n’étais pas assez bon. Mais aujourd’hui, cela me sert d’avoir été attaquant, car je sais ce que veut le joueur devant, quand il va décrocher, quand il va demander en profondeur. Je sais où mettre le ballon.

Le plus dur a dû être d’apprendre toutes les bases de replacement, travail de couverture…

C’est ça. Jouer au football, c’est simple, mais savoir se replacer, suivre une tactique, refermer le bloc, s’aligner avec les autres défenseurs. Tu dois échanger avec ta défense, ton gardien, le joueur juste à côté de toi… Il faut arriver à se comprendre sans se parler.

Manque de bol encore, le second club de ta carrière, Lens, subit lui aussi des difficultés financières à partir de 2014. Comment tu as vécu ce retour en Ligue 1 avec en parallèle le psychodrame Mammadov ?

On n’a rien à reprocher aux joueurs, on s’est tous donné à fond. Il nous a manqué des joueurs pour nous maintenir, mais on n’a pas été si mauvais. Il y a pas mal de matchs qu’on aurait dû gagner et qu’on a perdus par manque d’expérience. Jusqu’à décembre, on n’était pas relégables, mais à partir de janvier, on n’avait plus de fraîcheur. On a tout donné, mais cela n’a pas suffi, je n’ai pas de regrets. Les rumeurs sur le possible dépôt de bilan ne nous ont pas affectés, on était dans notre bulle. Ce que l’on vivait à l’intérieur était incroyable, il n’y avait aucun conflit, une vraie unité. Les journalistes parlaient autour, alors qu’à l’intérieur, on ne ressentait pas les problèmes, tout tournait.

En plus des difficultés financières, il y avait Bollaert en rénovation pour l’Euro…

(Il coupe) On se serait maintenus si on avait pu jouer à Bollaert. Le public aurait été derrière nous. Mes plus gros souvenirs de Lens, ce sont le public et tous les gens qui travaillent autour du club. Comme ils disent là-bas, il n’y a pas le soleil, mais le soleil est dans le cœur. Les gens, le club en lui-même… La montée en Ligue 1 était un souvenir formidable, c’est un club qui mérite d’être en Ligue 1, même dans les dix premiers, là-haut.

Tu es international guyanais…

Ce n’est pas reconnu par la FIFA, donc ce n’est pas évident d’y aller, car les matchs ne sont pas intégrés dans le calendrier officiel. J’y suis allé l’an passé car le coach m’a autorisé, mais il n’y était pas obligé.

Comment tu as été convaincu de te lancer dans cette aventure ?

J’ai été approché par le sélectionneur, ainsi que par le père de Roy Contout, lui aussi en pro. Il y avait aussi Bernard Lama et d’autres Guyanais qui jouent en France qui ont discuté avec moi. On avait vraiment envie d’y aller, car il y avait un match contre le Honduras.

Juste pour être clair, tu es né en Guyane ? Parce que…

(Il coupe) Oui je sais, certains sites disent que je suis né à Paris, mais je suis né à Cayenne. Pour moi, c’est important de jouer pour l’identité guyanaise. C’est là où j’ai grandi et tout appris, j’ai besoin de revenir ici montrer ce que j’ai appris comme footballeur. J’ai quitté la Guyane à 15 ans, j’ai été repéré par Tours, où j’ai fait ma première année en métropole, pendant la Coupe de France que je jouais avec la sélection de Guyane.

Tu as pu disputer une Coupe caribéenne des nations où tu as même planté un but…

Oui, c’étaient les qualifications pour la Gold Cup. Je ne vais pas dire qu’on est loin des standards du football pro, mais c’est vrai que cela n’a rien à voir en matière d’organisation. On essaie d’être le plus professionnel possible, mais c’est parfois difficile, car les déplacements sont parfois compliqués. Dans les chambres d’hôtel, on est parfois à plusieurs, c’est très limité au niveau matériel. C’est arrivé à cause de la pluie qu’il y ait des infiltrations dans certaines chambres… Mais on est un groupe solidaire, souvent des gars qui se sont côtoyés jeunes. Faut prendre tout cela avec du recul et de l’humour, sinon on n’y retourne plus. C’est une belle aventure humaine, c’est l’occasion de discuter, d’échanger avec les locaux. Si c’était à refaire, je le referais.

Quand tu retournes en Guyane, tu es comme un héros local ?

Héros non, car on est plusieurs pros à jouer pour la Guyane, Sloan Privat, Roy Contout, Lesly Malouda… Il y avait Darcheville aussi. J’aime l’ambiance là-bas, dans le stade, c’est comme un carnaval, cela chante. On n’a pas de grosses affluences, le plus gros stade, c’est le stade Bernard Lama où on a accueilli le Honduras. On a entre 3000 et 5000 personnes pour une affiche, mais cela n’empêche que le match contre le Honduras reste l’un de mes plus beaux souvenirs, notamment parce que l’on a battu une équipe qui a pourtant disputé une Coupe du monde. Cela faisait longtemps que le peuple guyanais attendait ce type d’exploit.

La Guyane n’est pas reconnue par la FIFA, donc techniquement Didier Deschamps peut te prendre pour l’Euro…

(Rires) Je n’y pense même pas, je me concentre sur Rennes, faire de bons matchs, faire monter le club. Il y a déjà du monde devant, notamment des jeunes comme Digne et Kurzawa qui promettent. Je n’y pense pas du tout.

Mais techniquement, il peut te prendre…

Oui, techniquement (rires).
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Propos recueillis par Nicolas Jucha

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