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Ludo, ce héros du foot ordinaire

Par Nicolas Kssis-Martov
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Ludo, ce héros du foot ordinaire

Ludovic Boumbas s'est sacrifié en sauvant une amie prise dans les balles fusant à la terrasse du restaurant La Belle Équipe, vendredi dernier. Ce fan du LOSC venait de disputer sa dernière saison avec sa team de foot à 7, Les 12 salopards, dont il était le plus bonnard des éléments. Ses coéquipiers le racontent.

« C’était un fan de football, fan d’informatique, fan de bonne musique et fan de rhum ancien et de fleurs. Il aimait les gens, et les gens le lui rendent bien aujourd’hui. Comme au foot, pour lui, tout était un bon prétexte à faire du lien. Je suis sûr, si ces tueurs lui avaient laissé le temps, il les aurait convaincus par son humour et sa personnalité de changer de vie. » Axiom voit ainsi son ami assassiné vendredi 13 novembre, alors qu’il prenait des verres avec son copain Hyacinthe, lui aussi tombé sous les balles des terroristes et grand supporter du PSG « versant populaire » . Ludo s’est sacrifié, à 40 ans, en s’interposant pour sauver une amie lors de l’impensable fusillade sur la terrasse du restaurant La Belle Équipe. C’est par la page Facebook du rappeur que les membres de sa dernière équipe de foot, « Les douze salopards » , une de ces nombreuses teams de potes de foot à 7 FSGT de la petite ceinture parisienne, ont découvert l’horrible nouvelle. « Nous avons été avertis le lendemain par quelqu’un qui suivait le fil d’Axiom, explique Julien, l’ancien président qui porte toujours le maillot vert des 12. Nous avons évidemment hésité à jouer le match du lundi soir suivant, mais nous nous sommes dit qu’on devait le faire, un peu comme l’équipe de France face à l’Angleterre… pour lui. Et, en fait, nous avons sorti le meilleur match de notre vie, contre le leader de notre poule, un match nul inespéré, alors que nous perdions constamment en ce moment. Nous avons tous mangé ensemble ensuite en son honneur et certains sont ensuite allés lui rendre hommage rue de Charonne. »

Bonne vie Social Club

Le Lillois exilé à Paris n’était pourtant pas de la bande d’origine. Il a croisé le chemin de certains joueurs à l’Urban soccer de Puteaux. « On l’avait rencontré là-bas, raconte Adrien, avec notre gardien Guillaume. C’était incroyable, il donnait l’impression de connaître tout le monde. » « On a tout de suite accroché, prolonge le goal. Il a fini par venir taper le ballon avec nous. » « Son état d’esprit nous a plu, on cherchait quelqu’un qui partage l’esprit FSGT, il fallait un joueur qui puisse coller avec cette mentalité » , conclut Julien. Une intégration dans l’effectif qui s’effectue sans problème, comme dirait la presse spécialisée. « Il est arrivé lors d’une saison où nous enchaînions les défaites. Et c’est lui qui nous remontait le moral. La saison qu’il a jouée avec nous en 2014-2015 – il a dû se dire ensuite qu’il commençait à se faire vieux –, c’était dur, que des mauvais résultats. On rentrait aux vestiaires, on regardait nos chaussures et lui sortait la première connerie pour nous détendre. Et proposer dix mille plans. Il aimait trop la vie pour faire la gueule. »

Très vite surtout, les joueurs ont en effet le sentiment d’avoir recruté la personne la plus connue de la place de Paris. Une sensation tristement confirmée ces derniers jours. « Je travaille dans le 15e arrondissement, raconte Aurélien, bien loin des lieux où nous sortions d’ordinaire avec Ludo, vers Bastille-République. Bref, je me rends dans ma boulangerie habituelle, je finis par parler des attentats avec la dame derrière le comptoir et je me rends compte qu’elle voyait très bien qui il était. La même histoire lorsque nous sommes allés manger un couscous à la Butte-aux-Cailles, après notre match de lundi. Tu échanges avec le patron et il le connaissait également. T’avais le sentiment que tout le monde l’avait croisé une fois dans sa vie dans Paris et que lui pouvait te sortir tous les bons endroits pour sortir le soir. »

Axiom confirme cette tendance très « social club » de son pote : « Pour le comprendre, il faut savoir que Ludo faisait de l’amitié son curseur de vie. Nous l’avons tous découvert durant nos rassemblements. La terre perd une étoile, ce genre d’étoiles de la vie quotidienne dont on ne parle jamais en temps normal dans les journaux, mais qui font que la vie est plus belle. Je sors une application informatique et il était sur le point d’investir dans ma start-up. Il m’a dit qu’il ne le ferait que si ça m’aidait et non pas pour le business… Voilà qui était Ludo avec ses potes. » « C’était la dernière personne à devoir partir, lâche tristement Guillaume. Je sais que l’on dit souvent cela pour tout le monde, mais il était si charismatique. »

Je me souviens de lui sur un corner, qui me dégage d’un coup d’épaule, moi et mes 100kg, pour amortir le ballon et repartir à l’attaque

Et contrairement à beaucoup, cette propension à tisser du lien avec le quidam ne s’évanouissait pas dès qu’il chaussait les crampons, bien au contraire. Ce qui ne cesse pas encore aujourd’hui d’amuser ses coéquipiers qui veulent d’abord garder cette image de lui. « On évoluait en FSGT, des matchs auto-arbitrés, se rappelle Adrien. Il se produisait souvent des embrouilles, des contestations sur telle ou telle faute ou touche. Quoi qu’il se passe, il allait toujours parler aux gars d’en face, taper la discute. En plaisantant, nous le chambrions en disant qu’en fait, il ne jouait au foot que pour se faire des nouveaux potes… » « Le pire, c’est qu’il vannait tout le monde dès le départ, mais personne n’arrivait à se vexer » , s’étonne encore Guillaume. « C’était vraiment un bon joueur, plus technique que son gabarit ne l’aurait laissé penser, confirme Yves. Il s’engageait pour les autres… son acte de bravoure en est la preuve finalement, il va nous manquer… » « Je me souviens de lui sur un corner, qui me dégage d’un coup d’épaule, moi et mes 100kg, pour amortir le ballon et repartir à l’attaque » , rembobine Guillaume.

Son amour du foot prolongeait sa façon de vivre. « Ce qui me marquait chez Ludo, insiste Olivier, c’était son amour du beau geste, il aimait la finesse, le beau geste… Et son sens du partage. Je ne me souviens pas d’avoir marqué un but sans qu’il vienne, y compris depuis l’autre bout du terrain, me taper dans la main, même si le but était dégueulasse. Il aimait le football dans toute sa splendeur, dans son intégralité, ce qui incluait les adversaires et tout ce qui se passait avant et après. Il n’était pas le mec qui venait pour gagner seulement. Il avait envie de passer de bons moments, de voir et faire de belles choses, de partager quelque chose. Le coté social du football, il le prenait à bras-le-corps… »

Un dernier point n’en finit pas de les faire sourire malgré tout : son amour pour le LOSC, pour lequel il a même porté le maillot en pupilles. « Il s’entraînait toujours avec son maillot lillois, explique Yves. C’était pour le moins original de nos jours. » « Il jouait au loto foot avec ses potes, conclut Aurélien. Et il se disputait souvent, pour savoir ce qu’il fallait cocher, il aimait croire en la victoire des Nordistes. Après, c’était dur, nous n’étions que trois dans l’équipe à ne pas être PSG, et dès que nous l’ouvrions sur le sujet, on se faisait tailler. Moi, lyonnais, et lui, avec le LOSC, ce qui était encore plus dur. Mais il en fallait plus pour entamer sa joie de vivre. »

Ludo RIP… Les héros du foot populaire sont immortels…

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