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Lucy Bronze, sacré métal

Par Maxime Brigand, à Lyon
Lucy Bronze, sacré métal

Son sélectionneur, Phil Neville, estime qu'elle est tout simplement « la meilleure joueuse du monde ». Il y a quelque temps, Gurinder Chadha, la réalisatrice de Joue-la comme Beckham, s'interrogeait même tout haut sur une possible suite qui se nommerait alors Joue-la comme Bronze. Bronze, c'est Lucy Bronze, 27 ans et latérale de l'Olympique lyonnais, où elle a débarqué en août 2017 avec un objectif : découvrir le Parc OL pour venir y soulever la Coupe du monde avec l'Angleterre deux ans plus tard.

La voix est un nuage d’opium. Le regard, un hommage à Kaa. Lorsque Lucy Bronze entre dans une pièce, les yeux tournent comme des toupies dans les orbites, l’assistance l’arrose de sourire et on sent que quelque chose se passe. Bronze, on l’aime à coup sûr et il suffisait de se rendre au deuxième étage de l’hôtel Marriott de Lyon, lundi, là où le staff anglais avait donné rendez-vous aux médias, pour constater la chose : cette femme attire les foules et fait exploser les salles. Santé, argent, boulot : sur l’horoscope, tout allait déjà bien, mais jeudi dernier, Lucy Bronze a décidé de faire péter les astres. À sa manière, soit en avalant au bout de trois minutes le côté gauche norvégien avant de glisser une passe décisive dans le bec de Jill Scott, puis en fusillant la pauvre Ingrid Hjelmseth de l’entrée de la surface un peu moins d’une heure plus tard. C’était un quart de finale de Coupe du monde, un soir pour briller et attraper les cœurs, la mission a été réussie et le coup de pétard aura même fait sauter de son siège David Beckham himself.

Mieux, il a définitivement fait décapsuler la réserve de Phil Neville, sélectionneur gaga de sa latérale qui a transformé la traditionnelle conférence de presse d’après-match en plébiscite : « Ce que vous avez vu ce soir, c’est la preuve que Lucy Bronze est la meilleure joueuse du monde : elle est unique, aucune joueuse n’a ses qualités athlétiques et techniques. Personnellement, j’ai évolué à son poste au plus haut niveau, mais je n’ai jamais atteint un tel niveau. Elle devrait gagner le Ballon d’or. Quand elle est à ce niveau, personne ne peut rivaliser avec elle. Personne. » La demi-finale contre les États-Unis prévue mardi soir, au Groupama Stadium de Lyon, doit en être la preuve ultime.

« Pourquoi pas nous ? »

Parce que Bronze va s’offrir un duel avec Megan Rapinoe, mais aussi parce qu’elle arrive au rendez-vous qu’elle s’était fixé il y a deux ans, au moment de s’engager avec l’Olympique lyonnais. Depuis sa signature en France, celle qui est née à Berwick-upon-Tweed, la ville la plus septentrionale de la côte est de l’Angleterre, ne pense qu’à ça : emmener ses potes de sélection au Parc OL pour disputer une demi-finale de Coupe du monde, puis les aider à briser la malédiction des derniers carrés (l’Angleterre a été battue en demi-finale du Mondial 2015 et de nouveau au même stade lors de l’Euro 2017). Lundi, elle l’a mis en mots : « Je rêvais de ce moment et maintenant, c’est une réalité. Depuis que je suis arrivée à Lyon, j’ai énormément grandi personnellement, sportivement et humainement. J’ai découvert une nouvelle culture, une nouvelle langue, une nouvelle cuisine… Être de nouveau en demi-finale d’une Coupe du monde, ça prouve aussi notre niveau. On a énormément appris de notre défaite de 2015 contre le Japon et on revient plus fortes cette fois, avec une capacité de résilience plus importante. Quand on voit ce qu’il se passe dans ce Mondial, on se dit aussi que tout est possible, que tout le monde peut battre tout le monde… Alors, pourquoi pas nous ? » Pourquoi pas, c’est la question à la veille de défier des Américaines toujours invaincues dans la compétition, mais qui ne semblent pas intouchables.

Voilà maintenant six piges que Lucy Bronze a passé sa tête en sélection, douze qu’elle a goûté au monde pro et vingt-trois qu’elle a enfilé ses premiers crampons. Vingt-sept ans à construire une histoire qu’elle a tenté de dégonfler en ce début de semaine : « Non, je ne suis pas la meilleure joueuse du monde. » Si cette étiquette est aujourd’hui un débat, une autre l’est moins : l’ancienne joueuse d’Everton, Liverpool et Manchester City est bien la meilleure joueuse anglaise de sa génération, un mélange de fraîcheur, d’audace et de courage, et un repère pour la génération qu’elle incarne. Cela s’est d’abord construit par des journées passées à tuer le temps avec son grand frère, dans le Northumberland, avec des lunettes rondes sur le nez. Et ça s’est poursuivi sur les terrains nationaux, toujours avec ses carreaux reconnaissables, qu’elle portait lors de son essai pour intégrer la section U12 de Sunderland, au début des années 2000. Lorsque les gens parlent de Bronze, les mêmes mots reviennent : fille timide, polie, bien élevée, mais avec une grosse personnalité, cultivée tout au long d’une carrière qui l’aura menée jusqu’aux États-Unis.

Chef de meute

Lucy Bronze, née d’un père portugais, a alors dix-sept ans et vient d’être rejetée de la section féminine de l’université de Loughborough. Là-bas, on ne lui voit pas d’avenir, alors l’adolescente file en Caroline du Nord, où elle rencontre l’actuelle internationale américaine Tobin Heath. Changement brutal : aux États-Unis, Bronze se transforme en brute de travail, se réinvente via une nouvelle culture, devient la première Anglaise à remporter le championnat universitaire et revient en Angleterre boostée et en reconstruction physique après trois opérations au genou en trois ans. Elle se retape en allant courir avec son chien dans un parc, elle doute, mais revient afin de filer voir l’Euro 2013 du banc. La suite est une explosion, à commencer par le Mondial 2015, où la latérale inscrit le but décisif lors d’un huitième de finale étouffant contre la Norvège (2-1) avant de porter les Lionesses jusqu’à une troisième place historique.

Ce qui a été confirmé par le très bon parcours de l’Angleterre au dernier Euro et un nouveau statut : celui de chef d’une meute qui a « faim » et de patronne plus que jamais affûtée par deux saisons précieuses passées à l’OL, où elle rêvait d’être pour « jouer tous les jours avec les meilleures joueuses du monde » . Des cadres internationales qui lui ont, là aussi, fait une place de choix et, pour les Françaises, lui ont confié une mission : « Battre les États-Unis pour les venger » . Le défi est grand, le défi est beau, et constitue ce matin « la dernière marche » à franchir pour une Angleterre en constante progression. « Nous sommes plus affamées que les autres équipes, affirme même Bronze. Car sur les quatre équipes encore en course, seule l’Angleterre n’a jamais disputé la moindre finale ces dernières années. On est prêtes. Au fond, qui peut être plus dans le désir qu’une équipe qui reste sur deux demi-finales perdues ? » Probablement personne. Que l’examen de passage commence.

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L’Angleterre s’impose tranquillement en Grèce
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