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Lucky Vietto, la patte de lapin de Villarreal

Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires
5 minutes
Lucky Vietto, la patte de lapin de Villarreal

Villarreal, cinquième de Liga avec 30 points à une longueur du FC Valence, a sereinement passé les fêtes après une série de 5 succès consécutifs. Lors de ses 3 dernières victoires, elle a remercié 4 fois un petit buteur argentin arrivé cet été : Luciano Vietto, 21 ans, un corps de petit garçon, 12 buts toutes compétitions confondues et un tas de similitudes avec Javier Conejo Saviola, « le lapin ». Lancé au Racing par l'éleveur Diego Simeone, Vietto a déjà fait tomber Sergio Ramos et Diego Godín…

Luciano Vietto a la tête penchée sur le côté gauche et regarde arriver la bonne passe du jeune Moi Gómez. On joue la 84e minute de cet Atlético-Villarreal, et les hommes de Simeone n’ont pas perdu un match chez eux en 2014. La défense de l’Atlético se replace pour l’une des dernières contre-attaques à gérer en cette soirée du 14 décembre. Diego Godín est plutôt bien placé, le Vicente-Calderón chante avec la même détermination que celle du Cholo. Mais alors que la tête de Vietto penche à gauche, son imagination est déjà à droite. Contrôle et crochet extérieur du droit en rupture pour casser sa course. Avec l’imprévisibilité des bonds d’un petit lapin, Vietto sème le colosse uruguayen. Trois mois plus tôt, le même crochet avait laissé sur place Sergio Ramos au Madrigal. Contre le Real Madrid, Vietto avait tiré au-dessus des cages de Casillas. Contre l’Atlético, ça fait 0-1. À la fin de la rencontre, Diego Simeone parle de ses regrets, mais lâche un « je suis vraiment content pour Vietto » . Avec du recul, l’entraîneur argentin est peut-être le plus grand responsable de sa première défaite en Liga depuis 27 rencontres.

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Racing et Diego Simeone

Né en décembre 1993 à Balnearia, village de 6000 habitants à 200 kilomètres de Córdoba, Vietto a connu deux grands moments de doute au cours de sa jeune carrière. Arrivé au club d’Estudiantes La Plata à 15 ans, il est finalement laissé libre en 2010. Vietto part faire un test à Rosario Central et se fait sèchement rejeter. Trop léger. Là, il pense abandonner le football pour se consacrer à ses études, propices à l’épanouissement de ses 60 kilos. Mais son agent le convainc de continuer, lui trouve une place chez les jeunes du Racing et le loge. Au Racing, Vietto vit un deuxième moment de doute. C’est la cruelle attente d’une éventuelle première convocation et l’inévitable peur de passer aux oubliettes et d’être plongé dans cette énigmatique porte des étoiles, entre les rêves du monde professionnel et les galères de la vie sans club. C’est là qu’intervient Diego Simeone, entraîneur du club de son cœur lors du second semestre 2011 : « Il est rapide, il bouge sur tout le front de l’attaque, il frappe bien le ballon avec les deux pieds et il a le but en lui. »

El Cholo convainc son staff et fait voyager Vietto avec son groupe, et notamment Teo Gutiérrez et Gabriel Hauche. Vietto débute contre Lanus en octobre 2011, mais Simeone part sauver l’Atlético fin décembre. « Il m’a fait confiance. Le début comme professionnel est l’étape la plus importante pour un joueur, et je lui serai reconnaissant le reste de ma vie » , dit Vietto aujourd’hui. Le petit buteur devra tout de même attendre le 3 septembre 2012 et un match contre San Martin de San Juan pour être titularisé pour la première fois. Il plante alors un triplé, et la machine argentine à exporter des jeunes talents se met rapidement en marche. L’agent Jorge Cyterszpiler parle du « meilleur et le plus prometteur jeune talent en Argentine » , et évoque des « offres de Liverpool, Manchester City et le Real Madrid » . Avec 13 buts en 32 matchs – 8 marqués dans le Tournoi final –, Vietto est le meilleur buteur d’une équipe notamment composée du jeune Centurion et du vieux Camoranesi. Ayant une facilité naturelle avec les petits filets, Vietto marque des buts de renard et place des petits ponts dans la surface. Vif, rapide et intelligent, il rappelle forcément les mouvements de Javier Saviola sous le maillot de River.

Vivacité, sens du but et pressing

Après une campagne collectivement dramatique – le Racing finit 18e – c’est finalement Villarreal qui mise sur le petit corps pour 5,5 millions d’euros. Cet été, Lucky Vietto s’installe donc tranquillement au sein des 51 000 habitants de la petite ville valencienne, moins que le total de socios du Racing. Il choisit le numéro 7 – celui du petit attaquant de poche, celui de Saviola – et se présente : « Je suis un attaquant polyvalent, qui peut évoluer sur les deux côtés, et aussi redescendre au milieu pour aller chercher le ballon. La technique et la vitesse sont mes points forts, mais je dois améliorer beaucoup de choses. » De Saviola, Vietto a hérité l’aisance des deux pieds, le sens du jeu et même cette fine finition du bout du pied droit, en bout de course. Malin et vif dans le jeu, Vietto joue vite vers l’avant, propose des solutions, court pour en offrir à d’autres, et sait aussi « voir le but » , comme disent les Italiens. Dès que les jambes d’un défenseur central s’ouvrent, le lapin place une frappe à l’entrée de la surface (2,7 tirs par match). Enfin, le jeu de Vietto comporte aussi une grosse dépense d’énergie au pressing. En moyenne, le petit attaquant commet plus de fautes (1,5) qu’il n’en subit (1,4).

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Contre l’Atlético, le public du Calderón aura parfois eu l’impression de voir un chien fou courir derrière Diego Godín. Ou alors, il aura cru revoir Sergio Agüero. « J’espère que je pourrai un jour arriver à la moitié de ce qu’est le Kun Agüero » , dit le Cordobés aujourd’hui. Bien aidé par les centres frisson de l’excellent Denis Cheryshev, Vietto a déjà dépassé les chiffres de la première saison de Giuseppe Rossi (11 buts) : 7 buts en 15 matchs de Liga (8 titularisations) et 5 buts en 8 matchs de Coupe. Un doublé contre le Rayo, un autre contre le Deportivo, et des buts contre le FC Séville, Córdoba, le FC Zurich, le Borussia Mönchengladbach et Apollon Limassol. Contre le Real Madrid au Madrigal, Vietto aura aussi démontré que les plus belles scènes de la Liga ne sont pas trop grandes pour sa personnalité, remuant l’une des meilleures défenses au monde sans réussir à marquer. Depuis des siècles, les marins ont l’habitude d’emmener à bord divers talismans. Le sous-marin jaune a trouvé sa patte de lapin.

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Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires

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