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Lucio et ses prophètes
Le plus allemand des Brésiliens, voilà comment pourrait être condensé Lucio au moment de ses nouvelles possibles retrouvailles (il est incertain) avec le Bayern. Quoiqu'il advienne, une certitude : Jésus sera à ses côtés.
Coupe de GI, épaules de marine, et tee-shirts dédiés à Jésus, son « meilleur ami » , Lucio est un athlète du christ, un vrai. Son slogan : « Travailler beaucoup et croire en Dieu » , aux antipodes des excès de capirinha et des déhanchés nocturnes de certains de ses compatriotes. Lucio s’entraîne dur, prie, et passe du temps avec sa femme et ses trois enfants. Né à Brasilia, la capitale administrative du pays, loin de l’exubérance de Rio de Janeiro ou de Sao Paulo, le défenseur de l’Inter exhale le respect de l’uniforme plutôt que le football de plage. Pas un hasard alors de le voir débuter sa carrière européenne dans une Bundesliga qui n’avait pas encore soldé sa rigueur. Arrivé en l’an 2000 au Bayer Leverkusen, son adaptation est instantanée, et dès sa deuxième saison il contribue au parcours historique de son club en Ligue des Champions. En finale, une tête du Brésilien donne l’égalisation aux siens, opposés au Real de Zidane. Lucio a livré son sort dans les mains du Seigneur et visiblement cela lui réussit. En 2002, il est sacré champion du monde et dispute l’intégralité du tournoi. Le moment de faire le tour du terrain avec Kaka en exhibant des tee-shirt “I belong to Jesus”.
En 2010, Lucio dispute la Coupe du Monde le brassard autour de son biceps de légionnaire. Pas un hasard que le sélectionneur se nomme alors Dunga. Lui aussi a incarné ce Brésil discipliné, attaché au résultat avant tout, qui trouve son équilibre dans l’ordre et le strict respect des consignes. Pas un hasard non plus que les deux défenseurs aient débuté leur parcours professionnel à l’Internacional Porto Alegre, un club féru de préparation physique, moins porté sur le joga bonito que son voisin et néanmoins ennemi du Gremio. En 1994, Lucio reste sans doute l’un des rares Brésiliens à avoir fantasmé sur Dunga, plutôt que sur Romario : « Quand il a soulevé la Coupe. Ça avait été un grand bonheur. A partir de ce moment, j’ai commencé à rêver d’être dans la sélection brésilienne, d’être joueur professionnel. Ça a été une inspiration, sans aucun doute » . L’Interiste est devenu en 2010 le seul défenseur central brésilien à disputer trois Coupes du Monde.
Moqué, il change de nom
La valeur de l’effort, Lucio l’a apprise dans son humble jeunesse. Pour contribuer aux maigres finances familiales, il livrait des journaux, vendait de la crème glacée, ou aidait sa mère à écouler des vêtements. Profil bas, voire timide, l’imposant défenseur a vécu des moments difficiles lors de ses premiers mois à Porto Alegre. En objet de raillerie. Lucio s’appelle alors encore Lucimar da Silva Ferreira. Non, Lucio n’est pas né femme, mais ses parents ont eu la curieuse idée de le baptiser d’un nom du sexe opposé. Lassé des moqueries, il exige un changement de patronyme, que lui accorde le club. L’opération est un succès. Condition physique de légionnaire, âpre sur l’homme, amateur de remontées de balle au bulldozer, le capitaine de la Seleçao, sacré champion d’Europe en 2010, est indéniablement l’un des meilleurs défenseurs centraux du globe. Ses évaluations ont pourtant longtemps été escortées de quelques réserves. En cause : quelques sautes de concentration, ou des relances trop aventureuses. A son arrivée au Bayern, Luis Van Gaal annonce d’ailleurs la couleur et refuse d’en faire un titulaire indiscutable. Lucio décide de s’en aller. Car le Brésilien, tout bon chrétien qu’il soit, ne parvient plus à se contenir dès que son statut d’indispensable est remis en cause. Déjà, il s’était emporté contre Felix Magath qui avait osé le faire sortir en cours de match. « Si cela est amené à se reproduire, Magath aura des problèmes. Moi, je ne suis pas remplaçant » avait menacé l’évangéliste.
Le natif de Brasilia retrouvera rapidement le plaisir de disputer l’intégralité des 90 minutes. Car si Lucio ne s’est pas toujours montré comme le plus rassurant des défenseurs en club, c’est quand il n’est pas là qu’on se rend compte de son importance vitale. « Avec le recul, cette décision de laisser partir Lucio était peut-être une erreur, analysa ainsi Franz Beckenbauer… deux mois après son départ. Un joueur comme lui, qui a été l’épine dorsale de notre défense, nous manque actuellement » . Depuis son transfert à l’Inter, où son association avec Samuel fut l’une des raisons d’être de la folle saison nerazzurra, le Bayern se cherche d’ailleurs toujours une défense centrale. Van Gaal partant au terme de la saison, les Bavarois pourraient être tentés par un retour du Brésilien de 32 ans. Cela tombe bien, le Dunga des années 2000 a un dernier souhait pour sa carrière européenne : « Je veux revenir en Allemagne » . Envisageable, sans même en appeler à Jésus.
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