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Lucha Libre : « Pour l’hymne de l’Euro, on a provoqué David Guetta en duel ! »
Après avoir rendu hommage au capitaine du SB29 à travers la chanson Saint Bruno Grougi, le groupe de rock indé brestois La Lucha Libre a remis le couvert en proposant cette fois-ci un contre-hymne officiel pour l'Euro 2016. C'était l'occase idéale pour aller causer ballon. Entretien stade Brestôa, David Guetta et Diego Costa.
Est-ce que vous pouvez commencer par vous présenter ?El Flaco : On est trois dans le groupe : El Flaco, El Loco et El Gordo. Mais El Loco est actuellement en perfide Albion et on n’est que deux pour répondre à tes questions. La légende veut que nous ayons fui le Mexique après notre exclusion de la lucha libre par la Ligue mexicaine. Et nous avons dérivé en pédalo, 40 jours et 40 nuits durant, jusqu’à arriver à Brest. L’autre histoire, moins originale, c’est qu’on s’est rencontrés à travers diverses formations musicales et nous sommes tombés musicalement amoureux les uns des autres.
Vous n’avez pas essayé d’importer la lucha libre dans le Finistère ? El Gordo : Non, ça poserait des problèmes en Bretagne, puisqu’on concurrencerait le Gouren… Et le lancer de nains.
Vous avez déjà fait des chansons sur le foot. Une sur George Best et une sur Bruno Grougi. Autant le côté rock n’roll de George Best on voit, mais Grougi ?El Gordo : Chez Grougi, c’est pas le côté rock n’roll qui nous a intéressés, mais c’est son côté sauveur. On a dû sortir ce truc-là il y a un an et demi, en fin de saison 2013-2014, au moment où lui nous sort une deuxième partie de saison de malade et nous évite une relégation en National.El Flaco : En fait, on voulait trouver l’équivalent de George Best à Brest, mais on a eu du mal. Du coup, on a pris Grougi. On l’a rencontré d’ailleurs après ça, et humainement, c’est quelqu’un de très bien. Il a très bien compris le truc. Il ne fallait pas voir ça comme un foutage de gueule de notre part, mais bien comme un hommage, et il a très bien compris le sens de notre propos.
Il a l’air d’être plutôt posé comme mec, tout le contraire de vous. Comment s’est passée la rencontre ?El Gordo : C’était un super moment, un peu surréaliste. Et il y avait aussi Steven Le Roy (un humoriste brestois dont les billets d’humeur cartonnent sur le net, ndlr) qui était de la partie, c’était très fun. On était un peu hors du temps en fait. Déjà il faisait beau, et nous, on est là avec des masques bizarres, y a Grougi, y a Le Roy. N’importe quoi ! Et pour l’anecdote, El Loco, qui est très con, s’était fait chier à ramener du Mexique un vrai masque de lucha libre, un truc de malade, bien chiadé, qu’on voulait garder pour nos lives, et lui, il l’a offert à Bruno. Pour vous dire la démesure du bordel !
Il ne l’a jamais mis après avoir marqué un but ?El Gordo : Non. Justement, on lui avait dit de ne pas faire le con avec ça, parce que c’est un coup à se manger un carton. Y a Aubameyang et Janot aussi qui faisaient les cons avec des masques, mais on ne voulait pas que ça le pénalise. Ça nous aurait bien fait kiffer, mais ça ne vaut pas un carton.El Flaco : Carrément, surtout qu’on n’a pas les moyens de se défendre contre la Ligue !
D’où vient cette passion pour le Stade brestois ?El Gordo : Moi, je suis brestois, donc c’est tout simplement mon club de cœur. Quand j’étais gamin, j’ai vécu la belle période en Division 1, comme on disait à l’époque, avant la triste descente aux enfers avec les affaires Charlie Chaker et tout le bordel. Mais j’ai des souvenirs d’aller au stade et de voir Maurice Bouquet, Ginola, Lama, c’était cool. En ce qui concerne El Loco, qui est anglais, lui s’est très vite converti au Stade brestois. Il a retrouvé un petit côté british dans ce club avec le stade, l’ambiance. El Flaco : Moi, je ne suis pas spécialement un fan de foot, mais j’aime bien aller de temps en temps au stade, ça me fait marrer de voir des mecs taper dans un ballon.
Vous qui connaissez bien la Bretagne, vous pouvez nous le dire : le foot là-bas, c’est juste un prétexte pour se prendre une cuite de plus, c’est ça ?El Gordo : Non, c’est beaucoup plus sérieux que ça…El Flaco : Oh, il y a un peu de ça quand même ! (rires) Le foot c’est ça, c’est une manière de se réunir et donc, accessoirement, de boire des coups. El Gordo : Ouais, mais je pense que, plus que l’aspect chouille, il y a quelque chose de beaucoup plus structurant. Mais c’est à peu près pareil partout, t’as toujours le petit club du coin, le truc de district le dimanche aprèm, qui permet de se retrouver. Mais techniquement si on va par là, ouais, c’est peut-être juste une histoire de chouille en fait !
Vous étiez au stade lors du match de la dernière montée en L1 ?El Gordo : Non. En fait, le truc, c’est qu’on a eu des places pour aller voir l’avant-dernier match, celui qui pouvait officialiser la montée, et au final on se prend une branlée 4 à 1 contre Sedan ou un truc comme ça. C’était le match de la lose en fait, s’ils gagnaient, ils montaient et on s’est fait niquer. Du coup, on a vu une bonne grosse branlée, mais on s’est pris une grosse cuite et c’était très bien quand même.
Dans la vie, vous supportez le Stade brestois et dans vos chansons, vous glorifiez la défaite. En fait, la lose, c’est une vraie philosophie de vie pour vous, non ? El Gordo : Mais complètement. Mais tu sais ça peut aussi bien s’appliquer aux Rennais ! Après, c’est vrai que le parcours de Brest est jalonné de beaucoup de lose, mais honnêtement il y a pire. Rennes en l’occurrence !
La vraie rivalité, c’est pas avec Guingamp ?El Gordo : Ouais, c’est sûr, mais bon… Peut-être qu’un jour, on fera quand même un hymne à la gloire de Coco Michel. C’est con, mais c’est vrai : Guingamp a un peu pris la place du Stade brestois, enfin du Brest Armorique plutôt, dans le cœur des Bretons. Pour ceux qui sont nés à la fin des années 80, ben c’est pas vers le Stade brestois qu’ils se sont tournés, mais vers Guingamp. Et mine de rien quand un club comme ça arrive à jouer l’Inter en Coupe d’Europe, t’es obligé d’avouer que ça claque, tout supporter brestois que tu es.
Du coup, vous avez lancé une pétition pour dire non à l’hymne de l’Euro par David Guetta, alors que vous ne l’avez même pas écouté. C’est pas un peu snob, ça ? El Gordo : Mais personne ne l’a écouté en fait…El Flaco : Même pas lui ! C’est ça qu’on veut dénoncer. (rires) El Gordo : Bam, la punchline ! El Flaco : Ah bah je suis cash, quitte à se foutre dans la merde, autant y aller gaiement. El Gordo : Mais on n’a rien contre Guetta, strictement rien. On a juste dit « Guetta, caca » , voilà, ça a fait marrer les gens. C’est le champ lexical d’un enfant de 4 ans et ça a suffi à en faire marrer certains. Bon là, c’est tombé sur lui, mais c’est un concours de circonstance. Notre cible, c’était l’hymne de l’Euro et comme c’est lui qui s’en charge… El Flaco : Ça serait tombé sur Enrico Macias, on aurait tiré sur Enrico Macias. Et puis David Guetta, ça représente aussi une certaine idée du commerce et de l’industrie de la musique à laquelle on n’adhère pas trop. Donc au final, pour nous, c’est assez cohérent El Gordo : Et voilà, on va être fiché Front de Gauche maintenant…
Et à la place vous proposez donc We’re all gonna lose. C’est quoi cette fascination pour la défaite ? El Gordo : C’est plutôt dans le processus de création de la chanson qu’il faut revenir. On a écrit ce titre il y a un an et juste quelque temps après, on apprenait par l’UEFA que c’était Guetta qui allait s’y coller. Du coup, on s’est dit que ça serait génial de faire un contre-hymne parce qu’il n’y en a toujours que pour la win. Quand tu regardes tous les anciens hymnes officiels comme le truc immonde de Muse, c’est pompeux, c’est lourd. Sans parler de Johnny en 2002… L’idée, c’était de prendre le contre-pied de tout ça et de célébrer la lose. El Flaco : Et puis c’est toujours le même principe : on fait la chanson de l’été, la chanson de l’Euro, la chanson du bordel… C’est encore un prétexte pour vendre des skeuds tout pourris et y en a marre… Vous voyez, moi je suis la frange un peu rouge de La Lucha ! (rires)
Mais vous aussi vous surfez un peu sur la vague de popularité du foot pour vous faire un nom, hein ?El Gordo et El Flaco en chœur : Bah ouais, carrément ! (fous rires) El Flaco : Mais on assume parfaitement nos contradictions ! C’est aussi un trait de La Lucha Libre. El Gordo : Ouais, l’incohérence dans la cohérence, c’est tout notre propos artistique !
Dans votre contre-hymne, on voit quelques spécimens du ballon rond (Kahn, Pepe, Stam, Gattuso, De Jong, Canto, Costa, Materazzi). En fait, ce que vous aimez dans le foot, ce sont les poètes ?El Gordo : C’est la bagarre !El Flaco : Bah ouais parce que finalement on vient de là, de la lutte libre, du catch. On se devait de rendre hommage à ces joueurs-là.El Gordo : On aime ce côté fou, ce côté Diego Costa. Non mais ce mec il a un potentiel artistique incroyable ! La double baffe à Koscielny, elle est juste extraordinaire. On manque un peu de barjots en équipe de France, de mecs un peu bad ass qui peuvent péter un plomb à tout moment. C’est Materrazzi aussi qui est génial. En mode « finish him » , quoi ! El Flaco : Ouais, Street Fighter sur le terrain. El Gordo : Carrément. Quand tu vois le coup de pied De Jong aussi, en finale de Coupe du monde. Mais qu’est-ce qui se passe dans la tête du mec à ce moment-là ?El Flaco : Bah rien. Justement.
Dans le foot, on aime souvent les mauvais garçons, alors qu’on parle aussi de plus en plus de leur devoir d’exemplarité. Vous en pensez quoi de ça ?El Gordo : Je pense qu’on est à deux doigts en France d’avoir un secrétariat d’État chargé de l’équipe de France. Putain, les interventions politiques… Mais c’est du foot, bordel. Le footeux, c’est un mec qui a fait un centre de formation et s’il a le bac, c’est cool. Qu’est-ce que tu vas lui parler d’exemplarité ? Enfin je ne sais pas…El Flaco : Il y a un vrai décalage entre ce qu’on dit à un footballeur en devenir et ce qu’on attend de lui une fois pro. Je ne pense pas qu’on leur dise au début qu’ils vont représenter la société. Et les mecs quand ils arrivent sur le terrain, ils ne sont pas là pour ça, il me semble.
On en revient à Guetta. Vous l’avez provoqué en duel ?El Gordo : Oui. On peut dire qu’on a clairement semé le doute dans la population. L’UEFA doit être sérieusement en train de songer à changer d’hymne vu tout le…El Flaco : Le ramdam, on peut le dire !El Gordo : Ouais et du coup, il y a doute dans les esprits. Du coup, on lui propose un duel et il a le choix entre un match de FIFA 95 sur Mégadrive ou Super Nintendo, un ISS sur Play ou un Pong s’il n’aime pas les jeux de foot. El Flaco : Et s’il est vieux ! (rires)
Vous vous débrouillez bien aux jeux vidéo ?El Gordo : Perso, en plus d’être musicien dans la Lucha Libre, je suis aussi historien du jeu vidéo de foot.
Selon toi, c’est quoi la plus belle bouse de l’histoire des jeux vidéo de foot ?El Gordo : Ohhh, ça, c’est une chouette question ! Je dirais Actua Soccer. Ou alors il y avait un autre, dans les années 80, comment c’était déjà ? Ah oui, Peter Shilton Handball Maradona. Celui-là, il était très, très pourri, mais le titre est extraordinaire.
Vous n’épargnez pas non plus « Super Victor » dans votre clip…
El Flaco : Non, ça fait partie du packaging, c’est un tout. Et puis faut dire que cette mascotte, elle fait un peu « Oui-Oui fait du foot » …
El Gordo : Et puis on avait fini par s’habituer à Footix. On avait tellement galéré au début pour l’accepter… Un poulet avec des poils, ça fait chelou au premier abord. Et limite, on aurait aimé revoir un Footix 2. Genre « Footix le retour » , il revient et il est encore plus poilu.
Vous en pensez quoi des mascottes qui fleurissent partout en Ligue 1 ?El Gordo : C’est assez ridicule. Je ne sais plus quel club avait fait un truc vraiment… Le Stade rennais peut-être.
Erminig ?El Gordo : Je ne sais plus, mais franchement, j’aimerais bien voir ce qu’il se passe dans les bureaux des mecs qui réfléchissent à ça. El Flaco : Bah rien ! « J’ai pensé à une sorte de ptérodactyle gonflable, tu crois que ça marcherait ? » Franchement, je les vois bien fumer des gros toute la journée en pondant des vieux dessins ignobles ! (rires)
Pour finir en beauté, vous avez un souvenir historique de lose à la française ? El Flaco : S’il y a bien une image de lose qu’on peut retenir, c’est 1993 et le France-Bulgarie au Parc. El Gordo : Mais de la lose est venu le sublime, l’extraordinaire, l’imprévisible, la victoire en 98 ! Il est là, tout le sens de notre chanson, en fait. D’une bonne grosse branlée, tu deviens un winner. Et un winner, c’est donc un bon loser. Tu vois, on est aussi très calés philosophie. Michel Onfray, on le prend quand tu veux. Après Guetta, bien sûr.
Propos recueillis par Aymeric Le Gall